27-10-2014 09:29 - SNIM : Une crise structurelle bien plus grave qu'annoncée

SNIM : Une crise structurelle bien plus grave qu'annoncée

Mozaïkrim - Depuis quelques mois, le fleuron de l'industrie mauritanienne est sous le feu d'intenses critiques sur sa gestion et la crise qu'elle traverse. Au-delà de la politisation de cette ancienne fierté nationale, qui l'a transformée aujourd'hui en vache laitière de l'état, la SNIM est au cœur d'une guerre de l'offre qui la dépasse, et qui est la véritable raison, mal anticipée, de sa crise structurelle actuelle. Panorama.

Les réserves de change de la banque centrale mauritanienne (BCM) ont chuté de manière inquiétante ces derniers mois, poussant son gouverneur à interdire depuis quelques jours aux importateurs de dépasser un seuil de transfert de devises pour leurs importations.

Dans un pays important plus de 85% de ce qu'il consomme, la mesure est gravissime. La raison profonde de ces mesurettes désespérées tient principalement à la gestion politisée de la SNIM ces dernières années, qui n'a pas su, ou pas voulu, regarder le contexte mondial qui pousse les producteurs de minerais à chercher à réduire leur prix de revient dans une guerre déclarée des trois producteurs leaders du marché mondial, BHP, Vale et Rio Tinto, aux milliers d'autres micro-acteurs dans la production ferreuse, notamment en Chine et en Afrique.

«La crise est de fait voulue par les principaux producteurs de fer, qui veulent instaurer un véritable oligopole sur ce marché, et tuer les projets de développement de ces milliers de mines dans le monde, particulièrement en Chine et en Afrique» analyse un acteur mauritanien du secteur.

Ce que d'ailleurs laissait entendre l'ancien CEO de la BHP, Marius Kloppers, lors de la rencontre annuelle des actionnaires de la société, le 25 octobre 2012 : «En cas de hausse importante de la demande mondiale, les productions australienne et brésilienne peuvent largement suffire à permettre de rencontrer la demande. Le fer ouest-africain n'est donc pas particulièrement nécessaire» a-t-il dit. Donc le fer de la SNIM aussi est dans le viseur.

Pour joindre l'acte à la parole, les trois leaders mondiaux inondent le marché, impulsant ainsi automatiquement la baisse des cours. Elles peuvent se le permettre, ayant des coûts de production de moins de 20 dollars la tonne, compensant ainsi leurs éventuelles pertes. Pour suivre, les autres doivent ajuster à la baisse leur prix de revient. Les prix vont remonter, quand les trois seront satisfaits des résultats de cette guerre, et que suffisamment d'acteurs auront été éjectés du marché. Tout le défi de la SNIM sera de résister à cette bourrasque. Ce dont, un doute raisonnable est permis en l'état actuel des choses.

Dans cette offensive, ce sont à peu près 6000 mines africaines, chinoises, et même australiennes, qui sont visées. «La Chine, qui subventionne ses producteurs de fers, a voulu porter plainte au niveau international, mais elle en a été dissuadée par les acheteurs nationaux ; et à moyen terme, elle n'a pas d'autre solution que d'arrêter de subventionner le secteur minier chinois, et laisser la sélection naturelle se faire» continue l'analyste mauritanien.

Il ne s'agit nullement donc d'une crise de la demande comme l'a laissé entendre la SNIM à force de déclarations, d'autant que la demande chinois a cru de 14% en 2014, et de 8% l'année précédente.

Le prix de revient, nerf de la guerre, et échec de la SNIM

Une mise à mort programmée des «petites» structures, dont la SNIM fait partie à l'échelle mondiale. Cette mise à mort se déroule par le truchement du prix de revient, qui doit «être le plus petit possible». Ceux-ci représentent la somme des coûts supportés pour la production et la distribution d'un bien, en l’occurrence le fer ici. Pour cela, dans un contexte où hausse et baisse des prix sont cycliques, la SNIM aurait clairement manqué de vision, et de bonne gouvernance :

«Pendant 10 ans d'aubaine, on aurait dû accumuler de la trésorerie en prévision des périodes creuses, car dans les industries minières les cours sont cycliques, donc avec des hauts et des bas. La SNIM, au lieu de diversifier ses investissements dans l’industrie de transformation ferroviaire ou dans d’autres secteurs porteurs, pouvant l’aider à confronter l’éventualité très probable de la baisse des prix au niveau international, a plutôt servi de vache à lait au pouvoir, qui l'utilise à tout-va et pour des projets pas nécessaires du tout, comme ce nouvel aéroport international, ou l'achat d'avions pour la Mauritania Airlines. Aujourd'hui, avec des cours qui baissent, l'état est confronté au bas mot, à sa négligence» avance Mohamed Saleck Ould Heyine, ancien ADG de la SNIM.

Du coup, le prix de revient de la SNIM a explosé, au point qu'il est «devenu secret à présent, alors que jusqu'en 2011 au moins, il était publié lors des conseils d'administration» explique cet ancien cadre, qui estime ce prix à «60 dollars, quand les gros producteurs, notamment les trois leaders, tournent autour de 20 dollars ! ».

La SNIM imprévoyante


Interrogée sur ces difficultés structurelles, et leurs perspectives de gouvernance à court terme, la SNIM n'a pas souhaité répondre à une demande d'entretien, après un appel téléphonique, une rencontre à leur stand de la 3ème édition des Mauritanides, et un mail adressé directement à l'assistante de l'ADG.

L'usine Guelb-II prévue en 2012, et qui aurait pu grandement aider à résorber le prix de revient de la SNIM, n'est toujours pas opérationnelle, et «cumulera probablement d'importants retards» convient le retraité de la SNIM. «Cette usine permettrait de diminuer le prix de revient de la SNIM, et pas autre chose. Quand on voit les actions menées sur les primes, les indemnités des salariés, c'est un non-sens total, car le coût du personnel est marginal dans les coûts de la SNIM. Or la motivation de ce personnel est essentielle pour garantir la baisse durable du coût de revient de la production» précise le cadre retraité.

«Le prix de vente en 2009 était beaucoup plus bas (59,5 dollars la tonne en avril 2009 dollars - ndlr), mais jamais il n'y a eu d'actions sur le personnel. Aujourd'hui on est à 99 dollars la tonne, et on pleure, tout en ignorant le vrai problème qui n'est pas la demande, contrairement en 2008 où avec la crise économique mondiale, il y avait un vrai problème lié à la demande. On ne peut pas parler de crise de la demande avec la Chine qui a vu sa demande de minerais de fer croitre de 14% cette année !» continue-t-il.

Que s'est-il passé entre temps ? Comment 80 dollars la tonne peut mener à une telle catastrophe en 2014, alors qu'en 2009, 59,5 dollars la tonne permettait à la SNIM d'être largement dans le vert ?

Devant cette crise, la Chine réagit en protégeant ses petites mines, l'Australie plus libérale laisse mourir les moins performants. Quant à la Mauritanie, amorphe dans la gestion de toutes ses crises, elle ne pratique ni l'une ni l'autre de ces solutions : on ne peut ni la subventionner, ni la laisser mourir.

Et ce problème d'offre n'est pas près de s'atténuer dans les deux-trois ans à venir selon la plupart des spécialistes :

«Le renversement de cycle dans le minerai de fer est très brutal. Pour maintenir un équilibre, une hausse de 8% de la production d'acier en Chine serait nécessaire. C'est possible mais très optimiste. Il faudrait de nouveaux stimuli des investissements en capital fixe et en infrastructures, un choix stratégique improbable. En 2016, il faudrait une nouvelle augmentation de la production sidérurgique chinoise de 6%, soit 950 millions de tonnes !» estime Colin Hamilton, analyste de Macquarie Research.

Ainsi, il faudrait s'attendre encore pour 2015 et les deux années à venir, à une dépréciation du prix du fer.

A l'heure où la SNIM évoquait il y a un an à peine son record de vente (400 milliards ouguiyas de chiffre d'affaires), avec une demande plus forte que jamais quoi qu'elle en dise, la réalité de la concurrence mondiale et du désir d'oligopole de ses trois leaders, alliée à un dilettantisme sans bornes, et à un manque de vision, l'existence même de ce fleuron de l'industrie mauritanienne est sur le fil, comme jamais elle ne l'a été.

«Les sociétés naissent et meurent. Je ne vois pas pourquoi la SNIM échapperait à cette règle élémentaire, si elle ne fait rien pour se reprendre» conclut l'ancien cadre.

A l'aune de tout ceci, la vision ultra-optimiste «d'intégrer le top 5 mondial des exportateurs de minerai de fer à l'horizon 2025, avec une production annuelle de 40 millions de tonnes» comme expliqué et détaillé en une ligne, de manière laconique sur leur site, est fortement compromise.









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Commentaires (6)

  • Mohamedou Mariem (F) 28/10/2014 10:39 X

    Toute personne honnête sait que le secteur minier est sous l’eau et il y restera pendant au moins 5 ans. La mauvaise gestion et les dépenses politico-populistes permettent à l’homme aux cheveux noirs et incompétent de se maintenir dans son poste. La SNIM n’a plus d’avenir comme tout le secteur minier qui est placé sous la houlette d’un « pseudo » ministre incompétent qui est aussi le plus grand guignard de la République Islamique de Mauritanie. L’inventaire des échecs cuisants de cette équipe de choc est une tâche de boue qui marquera à jamais le règne d’Aziz. A bientôt

  • MAUSER (H) 28/10/2014 10:15 X

    L'article de Mozaikrim est un document bien structuré, et bien argumenté. Il intervient pour sonner l'alarme d'une gestion catastrophique mené par un ADG qui est en train d'assassiner la plus grande société de l'etat au vu et au su de tout le monde. Au lieu de servir la patrie et son mentor, qui l'a parachuté à la SNIM (Chi Makan Ye7lem Bih), en concentrant son énergie et son intelligence pour mener une gestion correcte et efficace de la société, il a préféré, jouer le sympa, le disponible et le politicien. Ould Oudaa, est tout sauf visionnaire. Cette arnaque de Nouhoudh est un slogan politique pure et doit être arrêté dans les meilleurs délais. Ould Oudaa est un danger sur le régime actuel, Le Président de la République doit se démarquer de ce Moufcid en donnant immédiatement les instructions à l'IGE pour dépêcher une mission d'inspection à la SNIM avant qu'il ne soit tard. El Bagra Ettem Etgoul Welli Ileyne Et Goul Rassi Rassi.

  • Mariem Mohamed (F) 27/10/2014 22:28 X

    Voua avez parfaitement raison. La crise actuelle de la SNIM est due auanque de jugement et de vision de Ould Louda. Soit dit en passant c'est lui qui est derrière le pseudo KOURRABA!!! Via le réseau satelitaire de la SNIM !!!!!

  • kourabaa (H) 27/10/2014 22:05 X

    Abma L'article dit ce que tu n'a pas dit dans ton chou: il y a une baisse des prix consecutive a la surproduction ayant occasionné une offre excedentaire. Pour ton information Glencore n'est snim car la snim est sur le marcher du fer depuis 1963 . La snim poursuitson projets de developpement a travers nouhoudh

  • abma (H) 27/10/2014 21:31 X

    Kourabaa, vous rigolez ou quoi? Pour éclaircir votre vision de cette réalité lissez cet article conséquence de cette perspective catastrophique: Mauritanie Glencore retarde un investissement de 900 millions $ sur une mine de fer (Agence Ecofin) - Sphere Minerals, filiale du groupe suisse Glencore, spécialisé dans l’exploitation et la commercialisation des matières premières avec de nombreuses opérations sur l’Afrique, a indiqué lundi 27 octobre 2014, que le développement de son projet d’Askaf en Mauritanie, allait connaitre un retard dans son démarrage en raison de la baisse des cours de ce métal sur le marché mondial suite à une surproduction. Le prix du minerai de fer a en effet chuté de 40% cette année, en raison de sa surabondance sur le marché mondial, du fait de la forte production par le numéro 1 mondial Vale, du Brésil, et Rio Tinto, d’Australie, qui ont bénéficié de coûts réduits d’exploitation. Des statistiques du groupe financier UBS font savoir que l’offre mondiale de minerai de fer devrait dépasser la demande de 26 millions de tonnes en 2014 et de 41 millions de tonnes en 2015. Le plan de développement du projet, dont le démarrage était prévu initialement pour 2017, avait pourtant été présenté au mois d’avril 2014 par Sphere Minerals, et prévoyait la construction, en partenariat avec le gouvernement mauritanien, d’une infrastructure portuaire et d’une ligne de chemin de fer. Il est attendu de ce projet un rendement annuel de 7,5 millions de tonnes de fer, lors de la phase de sa pleine exploitation. Il faudra désormais attendre un peu avant de le voir se développer, une alerte pour tous les pays africains qui comptent sur ce minerai pour relancer leurs croissances économiques respectives. Idriss Linge

  • kourabaa (H) 27/10/2014 10:36 X

    La snim ou le fleuron de l'économie mauritanienne ne traverse aucune crise comme le laisse entendre cette soi-disant analyse. "Du coupé collé" mal triché. Etre sous les feux de la critique, au vrai sen du terme est en soi une bonne chose. Mais concernant la SNIM, on assiste plutôt à de la calomnie contre son DG. Je pense que l'auteur de cet article est frappé d’une cécité intellectuelle, je dirais qu’il est intellectuellement malhonnête car quoiqu’on dise la SNIM demeure une fierté nationale. Tous les Mauritaniens tirent une grande fierté de cette entreprise qui depuis plus d’un demi-siècle porte leur drapeau sur les forums économiques et financiers mondiaux !! Vous affirmez que «la SNIM s’est transformée aujourd'hui en vache laitière de l'Etat». Heureusement qu’elle ne s’est pas transformée en vache laitière pour des particuliers comme elle l’était en suivant votre logique !!! D’ailleurs, il semble que ce sont ces particuliers « déflatés » qui seraient derrière la campagne de dénigrement de l’actuelle AGD de la SNIM coupable d’avoir mis fin à leur passe-droit. Honnêtement où la responsabilité de la SNIM dans la chute des prix qui frappe tous les producteurs de minerai de fer à travers le monde ? « La SNIM imprévoyante », affirmez-vous ? Pour répondre à cette interrogation, référez-vous à votre chute « A l'aune de tout ceci, la vision ultra-optimiste «d'intégrer le top 5 mondial des exportateurs de minerai de fer à l'horizon 2025, avec une production annuelle de 40 millions de tonnes….» L'auteur de cette vision s'appelle Mohamed Abdellahi OUDAA.