06-12-2014 18:00 - Les politiques de l’Etat mauritanien en matière d’éradication de l’esclavage. Par Moussa Ould Ebnou

Les politiques de l’Etat mauritanien en matière d’éradication de l’esclavage. Par Moussa Ould Ebnou

Adrar-Info - Aujourd’hui, certains groupes extrémistes cultivent les dissensions sociales et mettent en danger l’unité nationale, prétendant défendre la cause des anciens esclaves, alors que, depuis des années, cette cause est devenue celle de toute la communauté nationale et internationale.

L’esclavage existe depuis des siècles dans toutes les communautés ethniques de Mauritanie. Cependant lenombre de personnes souffrant des séquelles de l’esclavage à l’heure actuelle en Mauritanie a diminué, du fait des lois et programmes successivement mis en œuvre par la Mauritanie pour éliminer l’esclavage.

Dans son rapport devant Assemblée générale des Nations Unies, le 24 aout 2010, Mme Gulnara Shahinian, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, s’est félicitée grandement de la volonté politique manifestée par le Gouvernement mauritanien et des programmes qu’il a institués en vue d’éradiquer l’esclavage.

Elle a aussi salué la création par l’Etat mauritanien d’un tribunal spécial pour juger les cas d’esclavage et d’une Agence nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage, I’Agence Tadamoun.

La Rapporteuse spéciale des Nations Unies a exposé les principaux axes de la politique mauritanienne de lutte contre l’esclavage, ses principales difficultés et ses mécanismes institutionnels.

En Mauritanie, l’esclavage a été aboli dès la première constitution et érigé en infraction pénale en 2002. Au cours du dernier siècle, l’esclavage en Mauritanie a été aboli, par la voie législative a trois reprises.

II le fut la première fois en 1905, par le biais d’un décret colonial qui prévoyait l’application à la Mauritanie de la loi française votée en 1848 abolissant l’esclavage dans toutes les colonies.

Cette abolition a été réaffirmée, lors de l’indépendance, par la Constitution de 1961, qui intégrait les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’abolition de l’esclavage a été réaffirmée en 1980, puis concrétisée par l’ordonnance n° 081-234 du 9 novembre 1981.

« L’ordonnance n° 081-234 du 9 novembre 1981 portant abolition de l’esclavage constituait une mesure extrêmement importante… son article premier a définitivement aboli l’esclavage sur le territoire national.

L’article 2 énonçait que, en conformité avec la loi islamique, une indemnisation pour l’abolition de l’esclavage serait versée aux personnes y ayant droit, c’est-a-dire aux propriétaires d’esclaves.

Les dirigeants religieux avaient été appelés à participer à la lutte contre l’esclavage en Mauritanie; ainsi, le décret de 1981 abolissant l’esclavage a fait suite a la tenue de consultations approfondies au sein des cercles islamiques et a une annonce du Gouvernement selon laquelle, tous les musulmans étant égaux devant Allah, il ne pouvait y avoir de justification a la perpétuation de l’esclavage. »


« L’adoption, le 3 septembre 2007, de la loi portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes a constitue une étape cruciale dans l’approche de cette question en Mauritanie.

Le Premier Ministre d’alors, présentant le projet de loi, l’a décrit comme « un tournant décisif visant a éliminer toutes les tares héritées du passé, a promouvoir une culture d’égalité, de tolérance et de citoyenneté et a mettre en place des conditions favorisant le progrès et l’émancipation de tous les Mauritaniens. »»

En son article 3, la loi stipule que « le crime d’esclavage, commis par quiconque réduit autrui en esclavage ou incite a aliéner sa liberté ou sa dignité ou celle d’une personne à sa charge ou sous sa tutelle, pour être réduite en esclave, est puni par une peine d’emprisonnement de cinq a dix ans et une amende représentant de 2 000 a 4000 dollars US. »
« Le texte codifie également les « infractions liées a I’esclavage », qui sont sanctionnées par des peines allant de six mois a deux ans d’emprisonnement et par une amende représentant entre 200 et 840 dollars.

Ces infractions incluent l’appropriation de biens, de produits ou de gains provenant du travail d’un esclave; le préjudice cause à l’intégrité physique d’un esclave ou le refus de laisser un enfant d’esclave accéder a l’éducation. » »


« La loi prévoit également une assistance et une indemnisation financière pour les personnes affranchies de l’esclavage ou des pratiques esclavagistes et incrimine des pratiques telles que l’exploitation sexuelle des femmes esclaves par leurs maitres, ainsi que le fait de justifier l’esclavage.

En outre, lorsqu’une pratique analogue à l’esclavage a fait l’objet d’un signalement aux autorités, notamment les gouverneurs, les préfets, les chefs locaux et les agents des forces de police, et que ces personnes n’y donnent pas suite, elles sont passibles de peines d’emprisonnement et d’une amende (art. 12). Le Ministre de l’intérieur avait donné instruction à ces autorités de faire appliquer la loi et le Ministre de la justice avait alors ordonné aux procureurs d’enquêter sur toute allégation d’esclavage.

Les associations des droits de l’homme sont habilitées à dénoncer les atteintes à cette loi et à aider les victimes. Ces dernières sont exemptées des frais de procédure (art. 15). »


« Adoptée en 2003, la loi 02512003 portant répression de la traite des personnes incrimine l’enrôlement, le transport et le transfert de personnes par la force ou sous la menace à des fins d’exploitation sexuelle ou économique. »

Sur le plan institutionnel, le Gouvernement mauritanien a mis en place un Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile, dirigé par un commissaire.

« En mars 2009, le Commissariat a lancé le Programme pour l’éradication des séquelles de l’esclavage (PESE), qui s’attache a identifier les anciens esclaves ainsi qu’a leur fournir d’autres moyens de subsistance et des services de base tels que l’accès à l’eau, à la sante et à l’éducation, Le PESE travaille avec 22 communautés dans 397 villages. Chaque communauté, en collaboration avec les pouvoirs publics, met au point son propre plan d’action quinquennal. »

II convient de mentionner que le Gouvernement a alloué environ 4 millions de dollars à ce programme. En outre, en 2009, un nouveau programme conjoint des Nations Unies d’une durée de trois ans sur la prévention des conflits a fait l’objet d’un accord avec le Commissariat aux droits de l’homme. « Le but de ce programme est de s’attaquer aux causes profondes de l’agitation sociale liée aux séquelles de l’esclavage et de favoriser la cohésion sociale. »

« La Commission nationale des droits de l’homme, créée en 2007, a joué un rôle important en prônant l’éradication de l’esclavage et en promouvant la réinsertion sociale et économique des esclaves, ainsi que leurs droits civils. Elle est en outre habilitée à donner une suite juridique aux allégations de violations des droits de l’homme, dont l’esclavage, en procédant à des investigations indépendantes. »

« En 2007, de concert avec la Commission nationale des droits de l’homme et les organisations de la société civile, le Gouvernement, a mené une campagne nationale de sensibilisation visant à faire connaitre la loi de 2007 portant incrimination de l’esclavage. »

Le 6 mars 2014 le Mauritanie a adopté une feuille de route pour éradiquer l’esclavage sur l’ensemble du territoire national. La Rapporteuse spéciale des Nations-Unies sur l’esclavage, Gulnara Shahinian, a salué l’évènement en ces termes : « Je vois [cette date] comme un tournant dans la lutte contre l’esclavage en Mauritanie.

L’adoption formelle de la feuille de route pour la mise en œuvre de mes recommandations de l’année 2010 est, non seulement, symbolique, mais, marque une nouvelle étape dans les efforts de la Mauritanie pour éradiquer l’esclavage et ses restes une fois pour toutes.

Je suis confiante que le gouvernement, en étroite coopération avec la société civile, va déployer tous les efforts nécessaires pour mettre, pleinement, en œuvre, la feuille de route, afin que ses engagements résultent dans des changements concrets dans la pratique ».


La Rapporteuse spéciale avait rencontré les dirigeants religieux, qui avaient pris position clairement contre l’esclavage, rejetant l’idée qu’il puisse être associe de quelque manière que ce soit à l’islam.

Ils ont travaillé avec leurs communautés pour lutter contre l’esclavage et les pratiques analogues à l’esclavage. Toutefois, ils reconnaissent la nécessite de susciter une prise de conscience et de changer les attitudes et les croyances de la population concernant l’esclavage.

Devant la volonté politique affirmée de l’Etat mauritanien de réaliser sa nouvelle stratégie nationale, mise en œuvre par l’ensemble de la société civile et de la communauté internationale, la feuille de route adoptée en conseil des ministres et qui porte sur la mise en œuvre de 29 recommandations touchant à des domaines juridiques, économiques et sociaux, en vue d’élargir la lutte et la sensibilisation autour de l’éradication des séquelles de l’esclavage, les élites doivent mobiliser la Nation autour de ce programme et éviter tout ce qui peut constituer une entrave à sa réalisation.

Moussa Ould Ebnou



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