AVOMM - En ce mois d’avril 2015, la colère, la tristesse, l’humiliation, l’injustice, l’arbitraire et la méchanceté gratuite viennent raviver notre mémoire hantée par les images des horreurs d’un certain mois d’avril 1989, marqué par le déchaînement d’une folie meurtrière, sans précédent, dans l’histoire politique de notre pays.

Que des milliers d’enfants, de femmes et d’hommes, mauritaniens africains noirs et des familles entières furent déportés au Mali et au Sénégal fut symptomatique d’un système, dont le cynisme était à la mesure de la cécité de ses dirigeants.

Des villages complets furent rayés de la carte de la Mauritanie en quelques jours. Une volonté politique d’éradication et d’extermination de toute une composante humaine de son propre pays avait sévi avec démesure et sans aucun scrupule. Des massacres de masse furent organisés sur toute l’étendue du territoire national avec l’implication sans retenue et sans réserve de toutes les institutions de l’Etat mauritanien.

Des forces militaires, de police, de gendarmerie furent mobilisées, sans commune mesure, pour massacrer des citoyens innocents, paisibles et désarmés. Pour en finir avec la diversité constitutive de la Mauritanie, la politique raciste et esclavagiste conduite, depuis les indépendances, avait franchi un pas avec une barbarie inqualifiable.

En effet cette politique persiste toujours avec le régime d’Ould Abdel Aziz qui s’entête à rejeter toute initiative favorisant les conditions politiques de la réparation des injustices commises.

Les agissements de l’actuel président s’inscrivent plutôt dans la continuité de cette politique de la haine raciale, dont les décisions marquantes dénotent avec vigueur la validation de la folie meurtrière et négationniste du mois d’avril 1989 : Les déportés continuent de souffrir au Sénégal, au Mali et dans le monde ;

les rapatriés (devenus déportés à nouveau) de l’intérieur vivant dans des conditions d’internement et d’assignation dans des localités du pays qui ne sont pas leur espace de vie d’avant les déportations, le refus de les recenser et de leur permettre de recouvrer leurs droits civiques, de travailler, d’être indemnisés et de bénéficier du droit à la scolarité de leurs enfants, ainsi que l’expropriation de leurs terres. Une précarisation systématique transformée en principe d’appauvrissement et d’assujettissement au quotidien des populations noires, pour en faire une proie électorale corvéable à merci, constitue le credo de la politique de Mohamed Ould Abdel Aziz.

Une politique marquée par un acharnement à faire fuir toute une composante, à l’humilier, à l’affaiblir et à l’assimiler continue à entretenir un climat d’insécurité, de méfiance, de suspicion et de désespoir pour inhiber toute volonté démocratique de l’opposition, quant à la perspective d’une véritable alternance.

Dans la continuité de son prédécesseur, l’ancien dictateur Ould Taya, premier responsable des assassinats et des déportations massives d’avril 1989, Ould Abdel Aziz s’est ancré dans une logique politique de réduction planifiée de la présence de la composante africaine noire mauritanienne.

En ce mois d’avril 2015, nous rappelons au président mauritanien, que la vérité et la justice sont toujours en attente et qu’il ne réussira pas à nous faire oublier cette exigence essentielle et fondamentale de notre combat en tant qu’association de défense de victimes de cette politique barbare qui avait franchi en avril 1989, une barrière inacceptable. Par son refus d’apporter une solution politique et humaine aux attentes des victimes, Ould Abdel Aziz entérine et valide de fait les événements odieux d’avril 1989.

Nous exigeons que justice soit rendue, que tous les responsables et acteurs impliqués dans les tortures, les massacres et les déportations soient jugés, que les victimes soient rétablies dans leurs droits. Un mémorial doit être édifié à la mémoire de toutes les victimes. C’est par des mesures justes et politiquement symboliques que le travail de deuil pourra se faire. Il n’y a pas d’avenir du vivre ensemble dans notre pays tant que ce crime restera impuni et occulté.

Dans l’histoire politique de la Mauritanie indépendante, par l’ampleur des massacres et des déportations, Avril 1989 restera à jamais un passage à l’acte barbare et raciste et un événement tragique, dont le principal responsable fut l’ancien président dictateur sanguinaire Sid’Ahmed Ould Taya.
La prise en compte de cette tragédie est un impératif et comme tel une priorité politique nationale qui doit s’imposer à l’actuel président Mohamed Ould Abdel Aziz qui était son aide-camp à l’époque des faits, aux responsables, aux militantes et militants des organisations politiques et des associations de défense des droits humains.

Non à l’oubli, pour l’exigence de justice et du devoir de mémoire.

Paris 26 avril 2015
Pour l’AVOMM
Le porte-parole
Hamdou Rabby SY