09-07-2017 15:10 - Les assurance dans notre pays, et les solutions de "raccommodage" de Madame la Ministre.. Par Mohamed Yeslem Yarba BEIHATT
Mohamed Yeslem Yarba BEIHATT - Pour plus de clarté, et dans le but d’éclairer
davantage le public, la déclaration de Madame La Ministre du Commerce,
tenue après la réunion hebdomadaire du Conseil des Ministres, jeudi,
le 07/07/2017, ne pouvait passer sans un commentaire.
En effet,
suffit-il que notre honorable Ministre déclare l’obligation,
désormais décrétée, pour toute société d’assurance de verser un
montant de Trois cent millions d’ouguiya sur un compte ouvert auprès
du Trésor public ; pour venir à bout de tous les problèmes posés au
secteur des assurances dans notre pays? Pas du tout.
Il est vrai que le
marché national est étroit et que le commun des mauritaniens n’a
pratiquement pas de culture sur les assurances. Il est aussi vrai que
les opérateurs sont devenus nombreux. Ils sont au nombre de quatorze
sociétés opérant sur le marché d’un pays à peine peuplé de
quatre millions d’individus. Tout ceci est vrai.
Mais est ce à dire
que le secteur des assurances dans notre pays ne souffre que de la
saturation ou plus exactement de la multiplicité des "Agréments" ? Agréments qui furent naguère, malheureusement
accordés sur des critères de népotisme, de clientélisme et de trafic
d’influence. Loin s’en faut.
Et nous savons tous que le secteur
connaît des difficultés énormes et vit sous une crise multiforme,
pluridimensionnelle. Il serait donc réducteur de vouloir prendre en
considération le seul facteur du nombre des opérateurs. Il était plus
judicieux, pour le Ministère de tutelle d’affronter en bloc toutes
ces difficultés. Et même à admettre que c’est là l’ultime
problème, la solution ici préconisée, est critiquable à bien des
égards, comme nous le verrons ultérieurement. Il y a à vrai dire
plusieurs difficultés donc et non pas une seule.
Il y a des réels
dysfonctionnements, dont la première victime est, malheureusement, le
citoyen mauritanien. Un citoyen consacré aux différents stades d’une
vaste opération d’escroquerie, à l’échelle nationale, se
présentant sous forme d’une "occasion", accordée de facto
aux assureurs avides. Et ce sont les citoyens mauritaniens qui paient de
leur vie, et de leurs biens, le prix de cette grande "arnaque", qui permet aux assureurs de remplir tranquillement
leurs poches, en vendant aux pauvres citoyens "de l’encre sur
papiers" au lieu de leur accorder des garanties réelles. Et en
leur accordant, en cas de sinistres, des rendez-vous creux, pour enfin,
les traîner, des années durant, devant la justice.
Une situation qui a
si empiré que, nous avons assisté à des cas de refus d’exécution
de jugements "définitifs" et rendus en dernier ressort ;
entre les mains d’un huissier qui vient, accompagné par des
éléments de la force public, pour une "exécution forcée" !
Démonstration outrageuse à l’ordre public qui dénote de l’absence
de toute forme d’état de droit, et qui dénote une absence totale de
respect de l’autorité du pouvoir judiciaire dans notre pays.
C’est
dire que personne ne contrôle ce que font les assureurs en Mauritanie,
et que personne ne soucie pour ces atrocités dont est victime le
citoyen mauritanien lambda. Il revient ainsi à l’Etat de réviser
tous les agréments qui ont été accordés, depuis la date de
privatisation du secteur en 1993, jusqu’à présent. Un secteur qui,
Dieu seul sait, a connu toutes sortes d’injustice, de fraude,
d’arnaque, d’escroquerie et de pillage qui ont affecté les citoyens
mauritaniens dans leurs vies et leurs biens.
Il est grand temps que
l’Etat s’attaque à la situation lamentable que connaît un secteur
vital pour l’économie nationale et qui touche quotidiennement les
intérêts des citoyens ; il y va de leurs vies et de leurs biens. La
régression fort regrettable, qui a concerné tout dernièrement
l’abandon de la méthode "pratique", de collecte des taxes
de l’Etat par système de "Quittances Sécurisées" n’est
qu’une preuve patente de l’incurie et du cafouillage du Ministère
de tutelle. L’abandon de cette importante mesure est une preuve de
plus que le Ministère manque de sérieux dans ces efforts de réforme
du secteur.
Et malgré que cette décision en son moment-et nous
l’avions souligné-ne constituait qu’une timide et partielle mesure,
dans le bon sens, elle a fini par donner des bons résultats pour le
Trésor d’une part, en terme de recettes de taxes collectées, et elle
a surtout servi de "contrainte", de moyen de "suivi"
et de "contrôle" indirect de ce que font les sociétés
d’assurance. Cependant, la férocité des lobbies de pression a fini,
malheureusement encore, par jeter à l’eau cette importante mesure. Il
est donc grand temps pour que l’Etat comprenne que cette voie de
spoliation, d’usurpation, d’escroquerie, bref de "vol" des
citoyens ne peut plus continuer. La situation est si grave à notre
sens, que l’intervention du Président de la République en personne
est vivement souhaitée.
Rappelons ici que Madame la Ministre avait
annoncé, elle-même et tout récemment, que l’Etat mauritanien a
l’intention de créer une Autorité de Régulation propre au secteur
des assurances. C’est une mesure importante. Qu’en est-il de ce
projet, et pourquoi nous n’avons pas encore assisté à la mise en
place d’une autorité de régulation propre à ce secteur ? Souhaitons
que cette mesure, si importante, ne soit pas, elle aussi, abandonnée
sous la pression des lobbies de commerçants influents et avides.
D’autre part, et si le souci n’est que plus d’efficacité dans le
contrôle et la régulation du secteur des assurances dans notre pays,
pourquoi ne pas penser à prendre des mesures plus "pratiques"
plus "opérationnelles", et qui sont de loin, beaucoup plus
sérieuses et plus efficaces dans la lutte contre le non respect des
lois par les assureurs ?
Des mesures pourtant connues et adoptées dans
beaucoup d’autres pays du monde. Ce sont les mesures de contrôle sur
pièces, le suivi, le questionnement, l’avertissement, le blâme, la
sanction, par des lourdes amendes, et le retrait pur et simple de
l’Agrément, pour toute société qui refuse de se conformer aux
règlements en vigueur et continue à enfreindre les lois. Cela est
possible, en se concentrant sur les aspects suivants, par exemple :
-La
moralité des propriétaires ou actionnaires et la compétence des
dirigeants ou gérants des sociétés d’assurance.
-Le contrôle en
amont, sur la nature juridique réelle de la société, pour s’assurer
qu’elle est bien une société "anonyme" et non pas une
société propriété d’une "seule personne" ou d’une "seule famille", comme c’est souvent le cas chez nous.
-L’exigence de la libération totale du "Capital social"
lors de la constitution de la société d’assurance.
-L’exigence du
respect de tout Tarif officiel, homologué, promulgué par l’autorité
de tutelle, comme le Tarif Auto que nous avons chez nous, pour la RC
Auto.
-Le suivi, par le contrôle continu, strict et rigoureux de la
solvabilité des sociétés d’assurance. Solvabilité pour la
détermination de laquelle, on se réfère aux biens, meubles et
immeubles, appartenant à la société. Biens propres suffisants, qui
permettent à une société d’assurance d’être reconnue comme en
mesure de respecter ses engagements.
-Le respect des principes de base
de l’assurance, dont le respect du grand "PRINCIPE
INDEMNITAIRE", qui doit être constamment présent à l’esprit
d’un assureur car, faut-il le rappeler ici, "la raison d’être
d’un assureur est d’indemniser". Indemniser correctement, de
manière juste te équitable, et dans les délais impartis.
-La
constitution des réserves pour les primes non-acquises.
-Les provisions
pour les sinistres en phase de liquidation.
-Les provisions pour
sinistres survenus et non encore déclarés
-Les provisions
mathématiques pour la branche Vie.
-Le respect rigoureux des règles
prudentielles concernant les placements, c’est-à -dire l’utilisation
des primes d’assurance, pour ne permettre qu’une "utilisation" permise par la loi.
-Le respect d’une cadence "raisonnable" et "acceptable" dans le règlement
définitif et satisfaisant de tous les dossiers de sinistres, surtout
les dossiers d’accidents corporels de blessés graves ou les mortels,
ceux connus chez nous sous l’appellation des dossiers de "Diyas".
-Le respect des droits des employés chez les
sociétés d’assurance, notamment le droit pour tout employé
d’être recruté sur la base d’un "Contrat de Travail",
d’être payé, à la fin de chaque mois, par un "bulletin de
salaire" en bonne et due forme, de jouir de/et du décompte de son
congé annuel, planifié à l’avance, d’être immatriculé à la
CNSS, affilié à la CNAM, et de pouvoir profiter d’une formation
continue.
Ce sont là quelques aspects beaucoup plus importants Ã
contrôler et à suivre, et qui doivent constituer la priorité du
Ministère de tutelle, au lieu de penser à une seule mesure, partielle
et inefficace. Mesure qui suscite plusieurs lectures d’ailleurs, comme
nous le verrons, et qui reste à élucider, car bien après
l’honorable intervention de Son Excellence Madame la Ministre, nous ne
sommes pas encore suffisamment édifiés sur la nature exacte de ce
montant (Trois cent millions d’ouguiya) : est ce qu’il s’agit
d’un "Capital propre" ou d’un "Capital social"
ou d’une "Caution" ? Mais, en attendant de le savoir, nous
sommes dans l’obligation de demander Madame la Ministre, de
l’interpeller, de l’alerter, par les questions suivantes :
-Madame
la Ministre, savez-vous que les sociétés d’assurances de chez nous,
sont des sociétés "d’individus" pour ne pas dire
individuelles ou de famille, qui n’ont généralement pas de conseil
d’administration effectif, et sont plus proches de "boutique" gérés par des vendeurs "d’encre sur
papiers"?
-Madame la Ministre, savez-vous que les sociétés
d’assurances de chez nous, n’ont jamais connu, sauf exceptions qui
confirment la règle, la libération d’un dixième du capital exigé
par le décret 026/2007 que vous avez cité, et même, bien avant, alors
même que le capital n’était que de 80.000.000 UM. ?
-Madame la
Ministre, savez-vous que les sociétés d’assurances de chez nous, ne
connaissent même pas, sauf exceptions qui confirment la règle, ne
connaissent pas et ne veulent même pas entendre parler de "réserves" ou de "provisions", et se fichent pas
mal de tous les articles du Code des assurances qui exigent les
différentes sortes de "provisions", techniques,
mathématiques, légales, spéciales, ou autres ?
-Madame la Ministre,
savez-vous que les sociétés d’assurances de chez nous, à force de
concurrence déloyale, ont poussé la pratique néfaste du "dumping" dans l’assurance automobile, par exemple,
jusqu’au seuil où elles se permettent, contrairement à toute
logique, de vendre l’assurance d’une année (12 mois), pour un
véhicule léger dit de tourisme, (moins de 750 Kg, à carrosserie
fermé, à usage personnel, de puissance de 7 à 10 CV) à 10.000 UM,
(dix mille ouguiya seulement )! ; au lieu de 31.006, (trente et un mille
six ouguiya), comme l’exige le Tarif Officiel Auto, promulgué par
votre propre Ministère ?
-Madame la Ministre, savez-vous que les
sociétés d’assurances de chez nous, sauf exceptions qui confirment
la règle, n’ont pas de siège social propre, à l’instar des
sociétés de tailles modestes, dans les pays limitrophes, et qu’elles
ne participent pas au développement économique du pays, en achetant
les bons du Trésor, ne construisent pas d’écoles ni d’hôpitaux. ?
Savez-vous, Madame la Ministre, que les "propriétaires" de
ces sociétés considèrent les primes d’assurance comme une
liquidité destinée à remplir leurs poches, et ne se sentent même pas
tenus, parfois, au simple versement de ces primes dans un compte
bancaire ? Pire, savez-vous, Madame la Ministre que les primes
d’assurance, "liquidité" et manne providentielle
intarissable !, leur servent comme deniers propres pour pourvoir aux
besoins quotidiens du foyer, faire fonctionner les autres sociétés du
groupe, entretenir les "troupeaux" de chamelles, de vaches et
de moutons, acheter le carburant pour leurs grosses cylindrés ; voire
même se procurer des vacances en Europe, jouer au "Bingo" ou
fréquenter les casinos les plus chics de l’Europe ?
-Madame la
Ministre, savez-vous que les sociétés d’assurances de chez nous,
sauf exceptions qui confirment la règle, n’indemnisent pas
correctement ?
Savez-vous combien de dossiers sinistres de "Diyas" traînent toujours dans les archives des services
concernés de ces sociétés ? Savez-vous, Madame la Ministre, combien
de dossiers sinistres de "Diyas" sont pendants devant les
tribunaux, alors que leur enrôlement est à chaque fois reporté ?
Savez-vous, Madame la Ministre, que même en cas de jugements
définitifs rendus, après un parcours de combattant, en faveur des
ayants droits de l’une des victimes, ces derniers peuvent encore buter
sur une impossibilité d’exécution de ces jugements !!!? ?
Savez-vous, Madame la Ministre, que plusieurs années peuvent
s’écouler sans qu’un simple dossier d’accident de la circulation
puisse être réglé, pas même pour sa partie "blessures", Ã
plus forte raison pour sa ou ses parties "décès"? De tout ce
que nous venons de dire, une seule chose se confirme : le fait de rendre
obligatoire, pour toute société d’assurances nouvelle, de verser un
montant de Trois cent millions d’ouguiya sur un compte ouvert auprès
du Trésor public, acte auquel elle est déjà astreinte par la force de
la loi, peut être interprété comme une "opportunité" de
plus offerte gracieusement pour celles opérantes actuellement pour
continuer à exercer leurs activités, ou plus exactement leurs "atrocités" et ce pour 3 (trois) années à venir,
c’est-à -dire d’ici à l’an 2020, sans accorder la même "opportunité" à d’autres opérateurs qui veulent venir
investir dans le secteur des assurances. Ce qui serait "injuste" !!!
Nous pouvons aussi dire le suivant : si le souci
de cette mesure n’est autre que plus de régulation, de contrôle et
de bon fonctionnement du secteur, on aurait exigé le versement
immédiat, ou dans un délai de trois, ou six mois tout au plus, des
trois cent millions au Trésor, à toutes les sociétés actuellement en
service, pour plus d’efficacité. Ce sont là quelques unes des
lectures ou remarques que l’on peut se faire de cette mesure, telle
qu’elle a été annoncée.
Enfin, nous conseillons à Madame la
Ministre, que nous estimons beaucoup, sur le plan personnel, de
s’attaquer fermement et frontalement aux vrais problèmes du secteur,
et de ne plus opter pour des solutions partielles, quelques soient les
motifs immédiats pour les justifier, afin d’éviter de tomber dans le
"raccommodage".
Nouakchott le, 08/07/2017
Mohamed Yeslem Yarba
BEIHATT
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