20-07-2017 10:30 - Biram Dah Abeid, militant abolitionniste : « Les noirs de Mauritanie ressentent une indifférence des Etats africains à leur sort »

Biram Dah Abeid, militant abolitionniste : « Les noirs de Mauritanie ressentent une indifférence des Etats africains à leur sort »

Droits Humains - Lauréat du Prix des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et de plusieurs autres distinctions à travers le monde pour son combat en faveur des noirs en Mauritanie, Biram Dah Abeid dénonce le silence de l’Union Africaine au sujet du sort de la communauté noire dans son pays.

Se référant au cas sud-africaine, le chef de file du mouvement de libération des noirs en Mauritanie, rencontré à la faveur de l’édition 2017 du Forum mondial des médias à Bonn (Allemagne), dénonce une « indignation sélective » des Etats africains en réaffirmant l’engagement de son mouvement à poursuivre le combat contre le pouvoir raciste, « afrophobe » et esclavagiste qui dirige la Mauritanie.

Droits Humains Infos : Quel état des lieux faites-vous de la situation des Droits humains en Mauritanie ?

Biram Dah Abeid : La Mauritanie est un pays qui vit un apartheid non écrit en Afrique de l’ouest. Cet apartheid n’est pas implanté par des blancs d’Europe mais par une minorité arabo-berbère dont les membres se définissent eux-mêmes comme étant des blancs. Ils ont hérité le pouvoir, l’Etat post indépendant des Français dont ils étaient les auxiliaires et les alliés dans la colonisation de la Mauritanie.

Il y a une faction arabo-berbère qui est obscurantiste, « afrophobe », foncièrement raciste et anti-noirs qui a pris le pouvoir par la force depuis 1978. C’est un club de militaires qui se disent nationalistes mais en vérité ils sont imbus d’un nationalisme local principalement tourné vers la confiscation de l’Etat en Mauritanien au profit de leur minorité arabo-berbère au détriment des noirs autochtones de la Mauritanie qui sont considérés dans la philosophie, dans la rhétorique de cette faction fascisante comme des étrangers.

Pour cette faction, l’Etat mauritanien est un Etat maure, arabo-berbère qui exclut les africains. Donc, la Mauritanie est menacée, pour eux, par un péril noir, africain surtout ces derniers temps. Avant, c’état le péril de la communauté peulh qui a été quasi « génocidée » pendant les années d’épuration ethnique contre les noirs entre 1986 et 1992 et maintenant, c’est autour de la communauté des aradines qui est la communauté des esclaves et des anciens esclaves donc les esclaves des arabo-berbères qui sont, en majorité en Mauritanie, des esclaves qui ont développés ces derniers temps une lutte contre l’esclavage et les discriminations raciales dans le cadre d’un grand mouvement de droit civiques que je dirige qui est aussi un mouvement d’idées et une organisation des droits de l’homme.

En Mauritanie, il y a deux législations qui cohabitent : la loi traditionnelle qui est la loi traditionnelle qui est considérée comme la principale source de loi et qui est considérée comme la seule interprétation valable et officielle de la charia islamique et qui, pour nous, est une loi qui n’a rien à voir avec l’islam. Ce sont des codes négriers, des codes d’esclave qui sont appliqués encore à 20% de la population mauritanienne.

Donc, 20% de noirs qui sont considérés comme des esclaves qui n’ont pas le droit à l’éducation, aux pièces d’état civil, à qui on impose des travaux forcés sans repos, sans salaire, sans soins. Ils sont aussi susceptibles d’être vendus, d’être gagés, d’être loués, d’être cédés par leurs suzerains et leurs propriétaires arabo-berbères. Cette loi cohabite avec beaucoup de lois modernes et de conventions qui sont ratifiées par la Mauritanie mais qui ne sont jamais appliquées. Leur ratification est faite pour être conforme théoriquement au droit international, pour plaire à la communauté internationale.

Face à cette situation que vous qualifiez d’apartheid, quelle est la réaction des Etats africains réunis au sein de l’Union Afrique (UA) ?
La réaction des Etats africains est inexistante. Il existe des réactions des pays des Nations Unies, de l’Union Européenne, des Etats-Unis, des pays comme le Canada qui soutiennent les nombreux prisonniers d’opinion noirs, des militants, des détenus qui luttent pour leurs droits, contre l’esclavage, contre le racisme qui sont sujets à la torture systématique, aux emprisonnements arbitraires, aux peines lourdes, à l’interdiction de manifester, à l’interdiction de se réunir, de s’organiser.

Malgré toutes ces violations, seuls les Etats occidentaux lèvent le petit doigt mais jamais les Etats africains n’ont réagi contre le régime d’apartheid en Mauritanie. Nous ressentons une indignation sélective de la part des africains contrairement aux différents apartheids, aux différentes oppressions que subit l’homme noir en en Afrique. On pense que les mêmes procédés qui ont été utilisés pour lutter contre l’apartheid en Afrique du Sud devaient être les mêmes procédés à utiliser contre l’apartheid arabo-berbère en Afrique de l’ouest en Mauritanie.

Au regard de la situation actuelle, quelles sont les perspectives du combat que vus menez ?

Notre combat est en essor malgré les difficultés, les emprisonnements, les interdictions. Je suis lauréat avec mon organisation du Prix des Nations Unies pour les Droits de l’homme en 2013 après des figures comme Martin Luther King, Nelson Mandela, à des organisations comme Amnesty International et la Croix Rouge. Nous avons été aussi distingués par le Département d’Etat des Etats unis par le Prix de Héros de la lutte contre l’esclavage en octobre 2016 à notre sortie de prison. Plusieurs gouvernements dont celui des ¨Pays-Bas, l’organisation contre la non violence aux Etats-Unis qui est dirigée par les héritiers de Martin Luther King, nous ont primé.

Nous sommes largement soutenus par des organisations non gouvernementales internationales. Nous sommes sujets dans les pourparlers entre le gouvernement mauritanien et des pays comme les Etats-Unis et des organisations comme l’Union Européenne, quand nous étions en prison puisque nous sommes régulièrement emprisonnés à cause de nos activités. Mais, il n’y a pas encore une véritable action contre la Mauritanie gouvernementale ou non gouvernementale à cause du soutien diplomatique dont la Mauritanie bénéficie dans l’Union Africaine.

A ce stade de votre engagement pour la cause des noirs en Mauritanie, quelles sont vos attentes ?

D’abord, nous avons développé un mouvement de droits civiques qui est intrépide chez nous, très large et massif dont les membres sont prêts et enthousiastes à payer le prix de l’engagement dans les prisons de l’Etat raciste mauritanien. Mais, nous attendons aussi que l’Union Africaine, les africains, la Société civile africaine qui s’associe que ce soit les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et la Société politique aussi donc les gouvernements, nous attendons d’eux qu’ils fassent leur devoir vis-à-vis de leurs frères africains opprimés en Mauritanie, par le racisme, l’esclavage et l’apartheid au même titre que l’action menée en faveur de leurs frères en Afrique du sud du temps de l’apartheid.

Entretien réalisé à Bonn (Allemagne) par Jean-Claude DOSSA



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Commentaires (10)

  • Belphegor (H) 20/07/2017 18:37 X

    Pfff Birame nous ressert du réchauffé en plus de se vanter de ses nombreux prix obtenus à l’étranger caractéristiques de son cote narcissique et son ego démesuré, quand les prébendes obtenus au nom de la lutte anti-esclavagiste commenceront à se faire rare ce Mandela de pacotille s’installera à l’étranger pour jouir des fruits de ses années de « lutte ».

  • mojja1 (H) 20/07/2017 17:13 X

    Je ne vois pas pourquoi les pays africains agissent à notre place pour notre liberté et dignité; si c'est cela qui nous reste mieux vaut se taire et accepter la domination (***) sur tous les plans.

  • foutatoro (H) 20/07/2017 16:45 X

    Et pourtant, unis, les noirs peuvent écraser ce système en une matinée. Et ramener certains au Yémen. Une matinée.

  • jakuza (H) 20/07/2017 16:06 X

    L'excès est nuisible en toute chose et le propos insultant de Biram le décrédibilise ici et ailleurs. Il dit prôner la non violence alors qu'il incite à la haine raciale! Ce journaliste ou d'autres ne sont pas dupes devant ce personnage à l'égo démesuré qui énumère à longueur d'interview ses distinctions! Lamentable....

  • leguignolm (H) 20/07/2017 15:13 X

    sahelien (H) chapeau! Vous avez vraiment toucher le I de nos problème. Tout mon problème de voir un noir qui se vente d'appartenance des réalités des autres mondes ( tels que des arabes ou de ces toubabs d'occident)vraiment je dirais qu'il nous reste encore du sérieux sur la table.

  • lass77 (H) 20/07/2017 13:25 X

    C'est aux noirs Mauritaniens de faire le pas pour faire respecter leur liberté, leur dignité etc... Partout dans le monde dans ces fins des temps il y'a des tensions , des frustrés , des opprimés etc... il n'existe finalement aucun pays où une partie de la population n'est pas victime des injsutices , des inegalités , de l'oppression , le probleme c'est quand la tyrannie de la minorité existe comme en Mauritanie. il est insurportable qu'une minorité continue à dominer la majorité dans les injustices et mathématiquement cela a une fin . il y'a des exemples flagrantes qui le montrent ailleurs dans le monde.

  • sahelien (H) 20/07/2017 13:16 X

    Excellente serie d'observations, meme si un peu incomplete. C'est vrai que les pays Africains demontrent une indifference palpable pour ce qui est de l'Apartheid Mauritanien. Mais n'oublions que meme dans le cas Sud-Africain, les etats Africains ne sont adjoint au combat que des annees apres que le reste du monde (Europe et Amerique, surtout) ait porte l'indignation au sommet. Cette "molesse" des etats Africains est sans surprise. La plupart des Africains relegue leur culture de Noir au second ou 3e rang, derriere leur appartenance a des groupes religieux ou culturels completement etrangers a leur culture (Islam, Christianisme, Francophonie, Commonwealth, et autres.) Lorsque la culture et la peau qui vous definit n'a pas d'importance dans votre coeur, vous n'allez pas combattre pour la defendre ..... et c'est la le probleme des Noirs en Afrique.... Un Noir mauritanien va s'identifier d'abord a l'islam (une religion aussi etrangere a son etre que le judaisme) avant de se dire Wolof, Haratine ou Soninke....Avec un complexe pareil, difficile de se battre.....heuresement que nous avons eu Mandela, MalcomX, ML King, et desormais Biram........ dieu vous guide...

  • ardombantou (H) 20/07/2017 12:32 X

    Biram, c'est pas toi qui chantes partout que vous les haratins vous représentez plus de 60% de la population? alors pourquoi vous ne prenez pas le pouvoir par la révolte? et puisque tu te bats juste pour les haratins, pourquoi fais-tu appel aux Etats négro-africains qui n'ont rien de haratin? naif, les blancs qui te couvrent de prix n'ont qu'à intervenir, fait nous dire d'abord ton passé avec le sanguinaire ould Taya et le PRDS.

  • mystere1 (F) 20/07/2017 12:02 X

    la plupart des pays africains, ignorent même que la Mauritanie est un pays habité aussi par des noirs, ils croient que c'est un pays purement maghrébins, au lieu d'afro-arabo/berbère, pour eux, ce pays est juste un grand désert habité par des nomades archaiques, avec leurs serviteurs afro-arabo/berberes ou harratins, quant à la communauté noire autochtone, elle s'est effacée socialement, politiquement, économiquement etc… depuis les ancêtres et voila comme conséquence, elle est à côté tristement et lâchement baissant les bras, dans son pays qu'on a fait du gazra jadis, ah ! pauvres de nous, au réveil et à l'union qui fait la force, personne ne demande la guerre civile, ou fitna, et ne veut d'hostilité vis à vis de nos voisins beidanes, car personne n'en profiterait ; au contraire nous en connaissons tous les conséquences, donc la solution, c'est de se revoir en tant que musulman d'abord avant la citoyenneté, oui ! retournons vers Dieu, ainsi, nous saurons que nous sommes tous pareilles, ce qui nous différencie c'est nos couleurs, moeurs et cultures traditionnelles, et nos passés, or nous avons tous un même language (Il n'y a qu'un Seul Dieu ! et Mohamed est son Messager), cela suffit, hélas ce que nous nous appelons des musulmans et ce que nous commettons sont contradictoire du chemin que Veut le Divin, le reste c'est du faux sur faux à 100%, dont nous vivons dans ce pays, merci biram pour cette sensibilisation à tes frères et soeurs de l'afrique, et du reste du monde, mais malheureusement le réveil ne se fera pas sitôt, sinon dans l’espoir que nous attendons lâchement les futures générations prendre la relève, si je dis future génération, c’est toutes les couches sociales confondues, à commencer par les futures générations arabo-berbères, qui feront table rase de ce qu’avaient fait leurs ancêtres actuels, et que les générations négro-mauritaniens à venir, elles aussi, relèveront le défi, en réussissant là où leurs ancêtres actuels ont échoué lâchement, avec traitrise, et désunis, tous ensemble debout pour une nouvelle mauritanie pure, sans saleté dans tous les sens.

  • samboy (H) 20/07/2017 11:52 X

    vous croyez que les autres vont venir se battre à votre place?