22-07-2017 21:45 - Pourquoi la Mauritanie a opté pour la fermeture de sa frontière avec l’Algérie

Pourquoi la Mauritanie a opté pour la fermeture de sa frontière avec l’Algérie

Le360 - Le décision unilatérale de la Mauritanie de décréter sa frontière avec l’Algérie "zone militaire" interdite de toute circulation a surpris Alger. Si les explications fournies par la partie mauritanienne sont jugées insuffisantes pour la prise d’une telle décision, une autre piste est privilégiée.

Voilà une dizaine de jours que la frontière algéro-mauritanienne a été décrétée de manière unilatérale «zone militaire» interdite aux civils par la Mauritanie. Une décision lourde de sens qui émane certainement des chefs militaires et surtout du président mauritanien Mohamed ould Abdel Aziz.

Ainsi, une vaste zone allant du quadrilatère compris entre Cheggat au nord-est, Aïn Ben Tili, au nord-ouest, DharTichitt au sud-ouest et Lemrayya au sud, soit une aire géographique couvrant toute la frontière mauritano-algérienne et le nord de la frontière algéro-mauritano-malienne, est désormais fermée.

Et «tout individu circulant ou transitant dans cette partie du territoire national sera traité comme cible militaire», ont averti les autorités mauritaniennes.

Cette décision a surpris plus d’un et n’a pas provoqué de réactions chez le voisin algérien, même si on comprend qu’elle l’agace du fait de son caractère unilatéral, surtout que l’explication fournie par Nouakchott manque, pour certains, de clarté, en justifiant qu’«il est impossible pour l’armée de distinguer civils et trafiquants», dans cette zone.

De même, l’approche faite par certaines sources liant cette fermeture à l’arrestation d’orpailleurs mauritaniens par l’armée algérienne au niveau de la frontière est jugée trop légère par les observateurs avertis.

Ainsi, la question que tout le monde se pose est de savoir qu’est ce qui explique réellement cette décision unilatérale mauritanienne de fermer sa frontière avec l’Algérie.

Difficile d'y répondre du fait que les raisons sont jalousement gardées du fait du secret défense cher à la grande muette. L'absence de réaction algérienne aussi complique la recherche de la cause mais dit long sur l'embarras du voisin de l'est.

Reste que pour nombre d’observateurs avertis, le timing de cette décision pousse à avancer comme explication fondamentale le lancement prochain de la force conjointe G5 Sahel. Une force soutenue par Paris et qui ne fait pas plaisir à Alger, qui a été écarté alors qu’il faisait partie du Comité d’états-majors opérationnel conjoint (CEMOC), regroupant l’Algérie et les pays sahéliens dont la Mauritanie.

Or, si Alger est écarté directement de la force G5 Sahel, regroupant la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad, sous le parapluie de la France, avec pour mission de combattre le terrorisme dans toute la région du Sahel, tout le monde sait que le voisin algérien entretient des canaux de communication avec certains leaders de groupes terroristes, notamment Iyad Ag Ghali qui a réussi lui aussi à faire fusionner les groupuscules terroristes qui essaiment le centre et le nord malien et dont certains leaders ont des liens avec les services algériens.

D’ailleurs, conscient qu’Alger joue un rôle trouble dans cette région, le président Macron a appelé à trois reprises son homologue algérien pour lui faire part de sa préoccupation en ce qui concerne l’instabilité au nord du Mali et au Sahel en général. Ainsi, en soulignant que Paris aura «une exigence renforcée à l’égard des Etats du Sahel et de l’Algérie», Macron fait certainement référence au double jeu que certains accusent Alger de mener au niveau du Sahel.

A ce titre, certains observateurs expliquent qu’Alger avait favorisé la création en 2010 du Comité d’états-majors opérationnel conjoint (CEMOC), regroupant les pays du Sahel avec comme base à Tamanrasset. Toutefois, ce centre n’a jamais joué son rôle et a échoué lamentablement comme en atteste son inertie face à l’invasion du Mali par des groupes islamistes et terroristes en 2012.

Depuis, Alger n’ayant ni soutenu ni renseigné les Maliens, les pays du Sahel sont devenus plus méfiants à l’égard de cette puissance. Du coup, c’est vers Paris que ces pays se son tournés pour créer une force sous-régionale G5 Sahel et surtout disposer de la protection de l'ancienne puissance coloniale.

Ainsi, avec la création du G5 Sahel, le contexte a radicalement changé. Avec Alger comme allié et la neutralité longtemps affichée par la Mauritanie vis-à-vis des groupes terroristes, refusant ainsi de prêter main forte au Mali lors de son invasion en 2012, ou d’envoyer des soldats comme l’ont fait certains pays africains pour soutenir son voisin malien, le pays avait en quelque sorte tissé un pacte de non agression avec les groupes terroristes.

Seulement, avec la force du G5 Sahel, la donne change radicalement et la Mauritanie pourrait devenir une cible potentielle pour les groupes terroristes du fait de son alliance avec la France et les autres pays du G5 Sahel qui sont tous dans la liste des pays cibles du groupe d’Iyad Ag Ghali (France, Mali, Niger, Sénégal, Côte d’Ivoire, etc.), nusrat al islam wal muslim.

En conséquence, les voisins craignent qu’Alger, qui se sent écarté de la gestion du terrorisme au Sahel, joue un rôle plus nuisible pour ses voisins à cause de ses «relations supposées» avec certains dirigeants de groupes terroristes.

Au delà, c'est l'influence de l'Algérie même au niveau de la région qui se réduit face au parapluie de la France. Ce qui explique, en partie, les réactions racistes de dirigeants algériens vis-à-vis des migrants subsahariens qui viennent essentiellement des pays sahéliens et plus particulièrement du Mali et du Niger, membres de la forces G5 Sahel.

Partant, sachant que cette zone nord-est est un point faible du point de vue sécuritaire à cause des terroristes et trafiquants circulant entre Tindouf et le nord du Mali via le désert, la Mauritanie n’avait d’autre choix que de prendre la décision radicale de fermer cette frontière afin d’éviter des surprises comme celle de l’attaque terroriste de Lemgueyti, à quelques encablures de la frontière algérienne. Ainsi, épargnée de toute attaque terroriste dans cette zone depuis 2005, lorsqu’une unité du GSPC algérien avait attaqué une unité mauritanienne faisant 15 morts, 2 disparus et 17 blessés dans les rangs de l’armée mauritanienne dans la localité de Lemgheity poussant Ould Taya, président à l’époque, à déclarer le nord-est de la Mauritanie zone militaire, la Mauritanie semble vouloir prendre les devant et éviter toute surprise.

Ainsi, avec cette fermeture de la frontière, les contrebandiers de Tindouf et certains trafiquants alimentant le terrorisme seront obligés de passer par le territoire algérien pour regagner le nord du Mali où ils sont très actifs. Ce qui ne sera pas facile car Alger tient à contrôler son territoire. Un coup dur contre les trafiquants et les terroristes qui misent sur l’instabilité et voient d’un mauvais œil la création de la force G5 Sahel.

Par Karim Zeidane



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Source : Le360 (Maroc)
Commentaires : 5
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Commentaires (5)

  • wakhty (H) 24/07/2017 08:28 X

    behhhh il sentent tout simplement que le feu qu'ils attisent chez le voisin commence à bruler leurs cases , dailleur en complicité avec ces meme algerien soit disant defenseur du Sahara

  • samba el bakar (H) 23/07/2017 11:58 X

    Dans le jeu trouble de la suprématie régionale que se livrent les frères ennemis du Maghreb -Le Maroc et l' Algérie -la Mauritanie a été toujours considérée comme le maillon faible de cette UMA chimérique.Cette position a été mise plus en exergue depuis le problème du Sahara occidental.Il est regrettable que l' Algérie utilise les forces troubles du désert pour s' affirmer dans la zone sahélienne.Le virage à 180 degrés pris par la révolution algérienne après la disparition de feu Boumédienne, oblige le Pays à un jeu de funambuliste entre les idéaux d'un anti-impérialisme écorné à usage extérieur et une realpolitik intérieure dominée par une querelle de clans.La décision souveraine de la Mauritanie ne sera pas sans conséquence pour la stabilité du pays,mais si c'est à ce prix fort qu'il faut payer son émancipation des "chantages" de ses frères voisins,nous devons tous nous préparer à défendre notre existence en qu'État et Nation.

  • morehob (H) 23/07/2017 08:01 X

    Cet article confus mais n'etonne guère du fait qu'il est destiné à la désinformation dans la quelle semble se specialiser le 360 vis à vis de la Mauritanie et de ses dirigeants et en meme temps créer la zizanie.La frontière avec l'Algerie est loin d'etre fermée car le poste frontiere destiné à cet effet est connu.Le communiqu" recent du ministere de la defense mauritanienne concerne juste d'une zone à l extreme Nord du pays qui est un no man's land difficile à controler et qui est le repère de toutes sortes de trafiquants voire de terroristes.L'Algerie applique de son cote la meme fermeté en tirant sur tous les suspects de la zone pour protéger son territoire et la Mauritanie vient de decider par communiquer de proceder de la meme manière

  • jakuza (H) 23/07/2017 06:51 X

    Dans mon précédent commentaire j'ai copié le passage suivant: .."l'embarras du voisin de l'est.." en précisant que l'Algérie est au Nord, oubliant que l'auteur est lui au Maroc...

  • jakuza (H) 22/07/2017 22:17 X

    ".. 'embarras du voisin de l'est.." L'Algérie est au Nord! Plus sérieusement, nous devons être fiers de notre armée qui fait preuve de vraie stratégie. Sinon Tindouf est cité par l'auteur pour .... suivez mon regard!