15-12-2017 19:30 - Cedeao : pourquoi Mohammed VI n’ira pas au sommet d’Abuja

Cedeao : pourquoi Mohammed VI n’ira pas au sommet d’Abuja

Jeune Afrique - Tout n’est pas prêt pour l’adhésion du Maroc à l’organisation régionale. Il y a bien quelques retards d’ordre technique, mais aussi des réserves politiques. Décryptage.

Contrairement à ce qui était attendu, l’adhésion du Maroc à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ne sera pas entérinée lors du 52ème sommet de ce regroupement régional qui aura lieu ce samedi 16 décembre à Abuja. En juin dernier, à Monrovia, les chefs d’État de la Cedeao ont donné leur accord de principe à l’adhésion du royaume.

S’ils ont assuré ce dernier de leur plein soutien, ils ne pouvaient pas forcer leurs appareils politiques et diplomatiques hostiles au Maroc sur la question du Sahara occidental.

Poids des alliés de la RASD

Les plus grandes réserves ont été exprimées par le Nigeria, allié solide de la RASD sur le continent. Même si les relations entre le roi du Maroc et le président, Muhammadu Buhari, sont qualifiées « d’amicales » – le roi du Maroc avait à plusieurs reprises appelé le président nigérian pour s’enquérir de son état de santé et ce dernier l’avait assuré de son soutien à l’adhésion du Maroc à la CEDEAO – il ne pouvait pas se mettre à dos une machine politico-diplomatique nigériane historiquement acquise aux indépendantistes sahraouis.

L’ex-général de confession musulmane était le premier chef d’État africain à avoir reconnu la RASD en novembre 1984, un an après sa première accession au pouvoir suite à un coup d’État militaire. C’est dire combien le soutien au Polisario est fortement ancré dans la politique nigériane.

« Contrainte technique »

Mais depuis son récent rapprochement avec le Maroc – à la faveur d’un méga-contrat de construction d’un gazoduc ouest-africain et d’un investissement croisé dans les phosphates- il s’est montré plus ouvert au dialogue sans pour autant renier ses positions pro-polisario.

Il y a quelques semaines, en tant que pays hôte du sommet de la Cedeao, il a fait savoir au président togolais Faure Gnassingbé, président en exercice de cette organisation, que l’adhésion du Maroc ne pouvait pas aboutir lors du sommet de décembre. Raison officielle : les pays membres n’avaient pas reçu à temps l’étude d’impact de l’entrée du Maroc. Par conséquent, la décision d’accepter ce dernier parmi eux sera légèrement repoussée – visiblement à début 2018 – le temps que tout le monde examine cette copie.

Le 9 décembre, Faure Gnassingbé envoie un courrier au roi Mohammed VI lui expliquant cette « contrainte technique ». Le lendemain, le 10 décembre, il reçoit le ministre des Affaires étrangères marocain, Nasser Bourita, en mission secrète à Lomé pour lui exprimer de vive voix le fait que ces contraintes ne remettent pas en cause les bons sentiments des chefs d’État africains à l’égard du monarque marocain.

Naviguer en terrain hostile

Le message a été visiblement acceuilli avec compréhension par le Maroc. Certes, le roi n’ira pas à Abuja, mais le royaume sera représenté par son appareil diplomatique, déjà à pied d’œuvre sur les modalités techniques de son adhésion à ce marché commun.

Réputés offensifs, les Marocains ont appris à faire preuve de souplesse lorsqu’ils sentent que leurs amis Africains pourraient être gênés vis-à-vis de leurs opinions publiques. En témoigne, la participation du roi Mohammed VI, fin novembre, au sommet UA-UE d’Abidjan en dépit de la présence annoncée de la RASD qui a réussi à se faire inviter grâce à une bataille d’influence menée par Alger au sein de l’UA.

Rabat avait alors fait savoir qu’elle ne voulait pas se laisser entraîner dans «des batailles subalternes» qui allaient mettre ses amis africains dans une position délicate. Le Maroc ne pratiquera pas la politique de chaise vide, mais garde toujours en vue son objectif majeur : en finir avec cette « aberration historique » appelé la RASD.

Par Nadia Lamlili



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Source : Jeune Afrique
Commentaires : 3
Lus : 3154

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (3)

  • moukhabarat (F) 16/12/2017 13:11 X

    Aziz à Abuja et M6 ne fera pas le déplacement! Le Maroc a intérêt à de mander à la Mauritanie d’appuyer son entrée dans la CDEAO. Car contrairement à ce que pensent certains la Mauritanie est re-devenue influente dans la sous-région grâce notamment à son leadership au sein du G5.

  • morehob (H) 16/12/2017 09:52 X

    Ce qui est une aberration historique et juridique c'est l'expansionnisme du Maghzen marocain au Sahara occidental alors que cet Etat (même s'il est encore virtuel) est considéré par toutes les instances internationales du monde comme le dernier territoire au monde encore colonisé...Apres plus de quarante ans d'impasse, Il est grand temps pour Mohamed 6, comme l'a fait avant lui son père Feu Hassan 2, de faire rase table du passé et rencontrer ses frères saharaouis pour faire avec eux une paix des braves où il n y aura ni vainqueur ni vaincu. Ce faisant, tous les problèmes d'intégration de la région entre elles et les autres se feront comme par magie et sans besoin d'éternels atermoiements...

  • jakuza (H) 16/12/2017 01:48 X

    "Le Maroc...garde en vue son objectif majeur : en finir avec cette « aberration historique » appelé la RASD" Tout est dit là! En fait les pays membres de la CEDEAO comprennent que Le Maroc veut se constituer un "noyau dur" de partisans qui vont l'aider à bouter la RASD hors de l'UA. Et isoler la Mauritanie. Peine perdue apparemment au vu des résultats qui tardent. A mon avis, Mohamed VI vaut mieux que ça et notre espoir est qu'il développe une stratégie qui sorte le Maghreb du blocage.