18-01-2019 22:30 - Aziz : Une fin de mandat moins tumultueuse
Elhourriya - En Mauritanie, 2019 occupera une place charnière dans l’histoire politique du pays. Elle compte déjà pour le commencement - ou reprise - de relations apaisées, comme on n’en a pas vu depuis longtemps, entre Nouakchott et ses voisins du nord et du sud (Rabat et Dakar).
Mais elle sera aussi et surtout l’année d’une élection présidentielle pour laquelle, sauf changement de dernière minute, le président Mohamed Ould Abdel Aziz ne sera pas candidat ayant décidé de respecter une clause de la constitution mauritanienne limitant le poste de président de la République à deux quinquennats.
Sur le « front » intérieur, les mauritaniens se préparent déjà à l’alternance. Peu importe que celle-ci prenne le visage d’une « succession », au sein de la majorité actuelle, avec le choix d’un dauphin par le président Aziz, ou, hypothèse hautement improbable, une victoire de l’opposition qui vient d’annoncer qu’elle optera pour un candidat unique à la présidentielle de 2019.
Ces deux scénarios sont encore les seuls choix possibles, même si l’on assiste, depuis le 20 décembre dernier, à un retour insidieux des appels à un troisième mandat ! Le bal a été ouvert par une initiative organisée au nom des « élus, cadres et notables » du Trarza, région frontalière avec le Sénégal dont est issu le premier président mauritanien, Moktar Ould Daddah, et que l’on considère comme le « réservoir » de l’élite du pays.
L’Adrar, wilaya d’origine de la plupart des fortunes du pays, a vite réagi en annonçant une sortie similaire, alors que des voix se sont élevées pour dénoncer cette volonté de pousser Ould Abdel Aziz au parjure. Si le président ne réagit pas pour mettre un terme à ces appels au viol de la constitution, les onze autres régions du pays suivront « l’exemple » et renforceront l’idée que c’est le pouvoir lui-même qui est l’instigateur de ce changement de cap.
Sur le plan extérieur, la Mauritanie donne l’impression de vivre en parfaite symbiose avec ses voisins du nord et du sud.
Ce sont les retombées considérables attendues de l’exploitation du gaz qui ont contribué, comme par enchantement, à réchauffer les relations entre Dakar et Nouakchott. Par ricochet, cette coopération dont British Petroleum (BP) et Kosmos Energy sont parties prenantes, a aussi débloqué les négociations au niveau des accords de pêche, un autre dossier sensible dans les relations entre la Mauritanie et le Sénégal. Les pêcheurs « guet-ndariens » (de Saint-Louis) vont revenir mais aux conditions de Nouakchott. La presse sénégalaise parle de "location" de pêcheurs par des hommes d’affaires mauritaniens, ce qui est moins reluisant comme "relations d'affaires" (ou diplomatiques) mais qui aura permis quand même aux deux parties de sauver la face.
Avec le Maroc, le rapprochement est tout aussi remarquable. Nouakchott a cessé les provocations, quand elle affichait ostensiblement ses accointances avec le Polisario, malgré une neutralité déclarée comme profession de foi. Elle a aussi consenti, enfin, à réinstaller un ambassadeur à Rabat comme signe d’un retour à la "normalité" diplomatique en cours depuis plus d'’un demi-siècle.
De son côté, Rabat aurait demandé à l’homme d’affaires et opposant mauritanien Mohamed Ould Bouamatou de cesser toutes hostilités envers le régime mauritanien à partir de son sol. Exilé volontaire au Maroc, depuis 2010, Ould Bouamatou a dû se résigner à chercher un autre point de chute du côté de la Belgique et de la France dont il porte également la nationalité.
L’échange de visites entre les ministres des affaires étrangères des deux pays, Ismail Ould Cheikh Ahmed et Nasser Bourita, précédant la rencontre de Genève annonçant la reprise des discussions sur la question du Sahara, impliquant le Maroc, les séparatistes du front Polisario, la Mauritanie et l’Algérie invitée pour la première fois en tant que partie prenante, procède de cette volonté de retour à la « normalité » entre deux pays condamnés à vivre en parfaite symbiose.
Sur le plan économique, la tenue, à Nouakchott, le 17 décembre 2018, du Forum économique mauritano-marocain, est vu, par bon nombre d’observateurs, comme la preuve irréfutable que les relations entre la Mauritanie et le Maroc sont, à nouveau, au beau fixe. La rencontre, éminemment économique, a scellé les retrouvailles entre grands patrons des deux pays décidés à accompagner le nouveau souffre politique entre Rabat et Nouakchott.
Au-delà du discours habituel tenu par les officiels, notamment la ministre du Commerce, de l’industrie et du tourisme, Khadija Mbareck Fall, qui s’est félicitée de « l’excellence du niveau des relations fraternelles entre les deux pays », les hommes d’affaires ont mis en avant la nécessité d’accroître les échanges commerciaux en faisant de la Mauritanie une « passerelle » vers l’espace CEDEAO avec lequel un accord de partenariat privilégié vient d’être signé.
Précurseurs de cet élan économique, le président de l’Union national du patronat de Mauritanie (UNPM), Zeine El Abidine Ould Cheikh Ahmed, et Salaheddine Mezouar, président de la CGEM (Confédération Générale des Entreprises du Maroc) devraient pouvoir construire, à court terme, sur le Forum de Nouakchott pour lequel une centaine d’investisseurs marocains ont fait le déplacement. A Nouakchott, devant les médias, Salaheddine Mezouar a expliqué que les deux parties «ont dégagé les voies et moyens de dynamiser les relations entre secteurs privés et identifié les domaines prioritaires pour l’investissement: agriculture, pêche, habitat et tourisme ainsi que de nombreuses autres niches, pour profiter pleinement des richesses dont recèlent les deux pays».
On attendra donc la tenue, dans les prochains mois, de la Grande Commission Mixte de coopération marocco-mauritanienne pour voir comment la politique arrive, très souvent, à impulser l’économie quand la proximité géographique est déjà un avantage considérable.
Sneiba Mohamed
Comité Editorial (Afrimag, Casablanca)