14-06-2019 10:36 - Un rapport sur la peine de mort en Mauritanie apporte un éclairage sur les limites de la justice dans ce pays

Un rapport sur la peine de mort en Mauritanie apporte un éclairage sur les limites de la justice dans ce pays

Francetvinfo - La peine de mort n'y est plus appliquée depuis 1987, pourtant les condamnations à la peine capitale se poursuivent. Paradoxe à l'image d'une justice parent pauvre d'un pays... pauvre.

Le rapport de l'ONG "Ensemble contre la peine de mort" sur la justice mauritanienne apporte un éclairage intéressant sur ce que peut être la justice dans un pays pauvre. Une institution sans moyens, déconsidérée, dans laquelle les citoyens n’ont guère confiance, même si les textes semblent donner au pays les bases d'une justice moderne.

En Mauritanie, la dernière exécution capitale remonte certes à 1987, mais les condamnations à mort ne sont pas bannies du code pénal. C’est ainsi qu’en 2015 un homme, le blogueur Mohamed Ould Cheikh M'Kheitir, a été condamné à mort pour apostasie, avant de voir sa peine ramenée en appel à deux ans de détention.

Le moratoire sur la peine de mort n'a pas empêché que "les autorités [aient] adopté, le 27 avril 2018, une réforme du Code pénal rendant la peine de mort automatique pour apostasie (zindaqa) et actes blasphématoires", note Nordine Drici, rédacteur du rapport.

Sur le papier, le pays a mis en œuvre une série de mesures qui entrent dans la panoplie des Etats s’engageant dans une justice en rapport avec le droit international. La Mauritanie a ainsi créé sa Commission nationale des droits de l’homme en 2006, a ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT) en octobre 2012 et a institué un Mécanisme National mauritanien de Prévention de la torture (MNP) en 2015.

Au delà de la question de la peine de mort, tout l'intérêt du rapport est d'être allé voir plus loin que ces textes. L'auteur s'est rendu en Mauritanie de novembre 2017 à la fin de décembre 2018, rencontrant des professionnels d’horizons divers (sociologues, juristes, avocats de la défense, magistrats, diplomates, travailleurs sociaux, défenseurs des droits de l’homme), en vue d’échanger sur le fonctionnement du système judiciaire. Plusieurs condamnés à mort ont été rencontrés.

"La torture et les mauvais traitements sont trop souvent à déplorer"

L'idée est de "donner un aperçu de la réalité de l’application de la peine de mort en Mauritanie, notamment par le biais d’une analyse du contexte dans lequel elle s’inscrit, du système judiciaire, du cadre juridique et du vécu des condamnés à mort, de leurs avocats et de leurs proches", précise l'auteur.

Ce dernier, qui a donc parcouru les méandres de la justice mauritanienne, donne un aperçu des limites des ambitions de celle-ci. Il évoque la torture qui semble bien présente. "Si le régime actuel bénéficie bien d’une 'rente sécuritaire', la torture et les mauvais traitements sont trop souvent à déplorer, et plus particulièrement durant les premières phases du parcours carcéral (garde à vue et détention préventive)", note-t-il.



Pourtant là aussi les textes existent : "Si la loi relative à la lutte contre la torture mentionne 'le droit d’avoir accès à un avocat dès le début de la privation de liberté ou à l’assistance d’une personne de son choix, ainsi que la possibilité d’avoir rapidement accès à une aide judiciaire', la pratique fait que cette disposition est difficilement mise en œuvre pour plusieurs raisons : manque d’information sur cette loi, notamment pour les officiers de police judiciaire et les services de police et de renseignement, indisponibilité des avocats, absence de liste d’avocats mobilisables pour les gardés à vue…"

Sur le fonctionnement de la justice elle-même, il se montre prudent exprimant "un doute certain sur l’indépendance de la justice, le respect du principe d’un procès contradictoire, et la place réellement donnée à l’appréciation des juges dans les décisions de justice".

"Les conditions de détention et de traitement des détenus sont particulièrement difficiles"

Le rapport décrit un monde carcéral peu efficace et manquant cruellement de moyens. Là encore, les textes offrent des garanties au niveau des droits de l'homme, mais leur application reste lettre morte. "En raison notamment d’un manque de ressources humaines, matérielles et financières, les juges d’instruction ainsi que ces commissions de contrôle n’effectuent pas" les visites dans les lieux de détention prévues par la loi, précise le rapport.

Le texte montre que la Mauritanie compte une très forte hausse du nombre de détenus : "cette population carcérale est en effet passée d’un peu plus de 1413 détenus en 2001 à plus de 2300 détenus en 2018, soit une augmentation de plus de 60 % sur cette période". Avec les conséquences que l'on peut imaginer : "cette inflation carcérale a eu des répercussions extrêmement négatives sur l’accès des détenus aux services de base (eau, hygiène, santé)".

Dans ce pays où la religion continue de peser lourdement sur la justice (dans la définition des peines notamment), le rapport apporte beaucoup d'informations sur l'état du système judiciaire d'une nation très pauvre, de l'enquête jusqu'à la prison, en passant par l'instruction et le procès pénal.

Reste que la Mauritanie a respecté son engagement de ne pas recourir à la peine de mort comme une majorité de pays africains.

Quant à la justice, "il est clair que la lutte effective contre l’extrême pauvreté ne pourra avoir, dans le contexte mauritanien, qu’une influence positive sur la question de la criminalité", conclut le rapport.

Pierre Magnan




Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Source : Francetvinfo
Commentaires : 3
Lus : 1807

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (3)

  • mystere1 (F) 17/06/2019 11:59 X

    Attention quand il s'agit une peine de mort, là il s'agit bien sûr en 1er lieu de la religion qui le recommande selon La Loi Divine ! or on ne joue pas avec la justice, et surtout dans ce pays où la justice et loi ne sont pas appliqué à la règle, la preuve revoyant juste le cas fameux de ce blogeur M'kheitir!, peu importe son identité sociale (forgeron, noble, esclave etc...) on s'en fiche, mais parlant de son cas délicat, cette affaire reste étrange et sans réponse, ainsi soit on applique la justice ou on laisse, au lieu de duper, manipuler les gens par des pretextes de mensonges, oui, ce type, on l'a protégé des griffes du peuples, afin d'éviter que le pire se déclenche, en engendrant d'autres problèmes sociaux à cause de notre cohabitation sociale en clan ; par contre il faut que l'on sache que le jour où ce pays appliquera la charia, en particulier la peine de mort, alors sachons que la justice passera à côté à cause des jugement d'erreurs de la justice, des inégalités de ségrégations raciales, du favoritisme, car on tuera un pauvre innocent et la fausse vérité sera donné au coupable parce que tout simplement ce dernier est issu de milieu riche, bourgeois ou a une classe sociale de haut degré, non il vaudra mieux qu'on laisse les choses comme telles, car si la justice des hommes est mal nuancée avec celle Divine, alors c'est le chaos total, la religion est une ligne rouge à ne pas franchir, en le prenant pour un jeu.

  • lass77 (H) 14/06/2019 15:14 X

    Dans ce pays où la religion continue de peser lourdement sur la justice (dans la définition des peines notamment), le rapport apporte beaucoup d'informations sur l'état du système judiciaire d'une nation très pauvre, de l'enquête jusqu'à la prison, en passant par l'instruction et le procès pénal. La justice en Mauritanie n'est pas rendue à la base de la réligion mais plutot par passion pour ceux qui la rendent.

  • Bertrand (H) 14/06/2019 13:03 X

    La peine de mort représente la vie. Une aspiration a une vie saine, juste et pérenne. Il est inconcevable qu'une personne puisse tuer des une ou des milliers d'être humains, sans qu'elle puisse être condamnée à la peine qu'elle a délibérément et en l'absence de toute défense des victimes proféré et exécuté de sans froid. Seul Satan , le diable, le malin y a intérêt. ce sont ceux qui véhiculent le mal, la mort les souffrances qui prennent en pitié leurs acolytes. C'est de la folie, ça ne répond à aucune logique, humaine, légale et sentimentale et ça montre un degré d'hypocrisie inégalé. Les législations des pays qui prônent la suppression de la peine de mort se contredisent, parce qu'elle reconnaissent à la victime d'une tentative de meurtre le droit de tuer son agresseur, et appelle cela de la légitime défense. On reconnait à l'agresseur et à la victime de tuer en dehors de tout cadre légale et on prive la société et la partie civile de leur droit d'infliger une peine égale à l'acte perpétré de sang froid par son auteur. Ceux qui prônent de telles solutions ne sont pas humains, sont complice des meurtriers et sont tous simplement fou et faux. quand à ceux qui sont musulmans et qui prônent la suppression de la peine de mort il se mettent directement en contradiction avec le seigneur des mondes, LE JUSTE. Ils sont hypocrites et faux il crient et vocifèrent comme des perroquets damnés sans savoir qu'ils descendent bêtement en enfer imbéciles qu'ils sont. CE SONT CEUX QUI PENSENT AVOIR LES MOYENS DE DONNER LA MORT QUI VEULENT PROTÉGER LE MEURTRIER PARCE QUE SE SONT DES MEURTRIERS ET DES ASSASSINS GÉNOCIDAIRES EN PUISSANCE.