05-09-2019 21:00 - En Mauritanie, bientôt la manne pétrolière
LE MONDE diplomatique - En juin dernier, M. Mohamed Ould Ghazouani a été élu à la présidence de la République de Mauritanie, succédant à M. Mohamed Ould Abdel Aziz.
Un Maure blanc issu d’une « grande tente » (maraboutique) prend la place d’un Maure blanc issu d’une « grande tente » (guerrière). Un ancien général remplace un ancien général. Pendant toute la campagne, le premier a reçu le soutien du second, dont il était auparavant le ministre de la défense.
Seule nouveauté : pour la première fois depuis quarante ans, un président entre en fonctions sans coup d’État préalable. M. Ould Abdel Aziz en avait fomenté un en 2008, avec l’aide, déjà , de M. Ghazouani, avant de se faire élire officiellement un an plus tard.
Il avait été réélu en 2014, avec 82 % des voix, pour un second mandat, comme le prévoit la Constitution — qu’il n’a pas voulu ou pas pu amender, contrairement à nombre de ses pairs africains et arabes. Le score obtenu dès le premier tour par M. Ghazouani (52 %), face à cinq adversaires, a des apparences plus démocratiques. Mais, en l’absence d’autorité de contrôle indépendante ou fiable, on ne sait pas si ce chiffre correspond à une quelconque réalité.
Il n’est en tout cas pas conforme au vote des personnes que nous avons rencontrées, haratine et négro-africaines (lire « Mauritanie, une société obsédée par la couleur de peau »), qui, toutes, voyaient en M. Biram Dah Abeid le seul espoir d’une amélioration de leur vie. Militant de longue date pour l’abolition totale de l’esclavage et la sortie des Haratine (groupe auquel il appartient) de leur situation de misère et d’oppression, il avait réussi à unir dans un même combat tous les Noirs du pays, Haratine et Négro-Africains. Il est arrivé deuxième, avec 18,5 % des voix.
Aucun bouleversement, donc, dans la gestion des affaires mauritaniennes, alors que le pays s’apprête à recevoir une masse d’argent providentielle. L’exploitation de gisements de gaz découverts il y a quelques années doit débuter en 2021. Elle devrait provoquer un doublement immédiat du produit intérieur brut (PIB) dans un pays où le taux de pauvreté, selon la Banque mondiale, s’élève à plus de 30 %.
Cette préservation du pouvoir des Beïdhane arrange les économies occidentales. Rencontré en avril à la table du petit déjeuner dans un hôtel de Nouakchott, un fonctionnaire du Quai d’Orsay nous confiait en toute franchise : « La démocratie comme nous l’entendons n’est pas forcément la meilleure solution pour un pays comme la Mauritanie. Les États africains ont surtout besoin de stabilité. Et nous avons besoin de cette stabilité pour nos entreprises qui viennent investir ici. »
Dans l’exploitation du gaz, mais aussi du pétrole, du fer et de l’or, toutes les compagnies majeures sont déjà présentes : Total (France), BP (Royaume-Uni), Kosmos Energy (États-Unis), Kinross Gold (Canada), Woodside (Australie), etc.
Pierre Daum
Journaliste