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L’Algérie et les pays frontaliers : l’implantation d’Aqmi.
Les pays "du champ", l'Algérie, le Niger, la Mauritanie et le Mali, a affirmé, ce vendredi, d'Addis-Abeba, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, sont unanimes pour le dialogue entre Al Qaïda au Maghreb islamique et le gouvernement malien. Mais quelle politique mène chacun de ces pays en matière de lutte anti-terroriste?
"Nous avons toujours préconisé et souhaité le dialogue entre les acteurs maliens et le gouvernement central (du Mali)", a indiqué, hier, vendredi, M. Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et Africaines, dans une déclaration à la presse, à Addis-Abebba, en Ethiopie, précisant que "les pays du champ", l’Algérie, le Niger, le Mali et la Mauritanie sont d’accord sur cette approche (…) "
Il y a de plus en plus de convergence et d’urgence à régler les problèmes au Mali par le dialogue quand il s’agit de prendre en charge les revendications de certaines populations du Nord et de combattre aussi le terrorisme et le crime organisé, une véritable menace pour la paix, la sécurité et la stabilité de notre sous-région", a réitéré M. Messahel.
Pour le ministre délégué, la situation au nord du Mali n’est "pas nouvelle", évoquant à cet effet les revendications des Maliens.
"Il y a, d’une part, des Maliens qui revendiquent une participation à la vie du pays et qui ont probablement des revendications légitimes, notamment les rebelles touaregs, ainsi que les Arabes et les autres populations", a indiqué M. Messahel en soulignant que :
"Il y a, de l’autre côté, le terrorisme et le crime organisé, et dans notre approche, en tant que pays du champ, nous avons toujours fait la distinction entre le crime organisé et le terrorisme qu’il faut combattre et les revendications légitimes qu’il faut prendre en charge dans le cadre d’un dialogue avec les limites consistant à ne jamais remettre en cause l’unité nationale du Mali et sa souveraineté."
Or, dans chacun de ces pays dits du champ, la réalité du danger du terrorisme islamiste d’Al Qaïda au Maghreb islamique prend véritablement de l'ampleur au moment où le chômage des jeunes est endémique, les difficultés économiques générées par des pouvoirs dictatoriaux et une corruption endémique vont croissant.
Le Niger
Le Niger qui fait face à une poussée de l’intégrisme islamiste qui depuis 2011 multiplie les attentats au cœur même de la capitale, secouée aussi par des rebellions Touaregs, oriente ses efforts en intégrant ces rebellions dans l’appareil d’Etat afin que celles-ci ne fassent pas jonction avec les groupes terroristes d’Al Gaïda qui ont déjà rallié à leur idéologie quelques castes du pays. Mais cela suffit-il pour endiguer la menace des groupes djihadistes d’autant que face à celle-ci, le gouvernement se contente de mener des campagnes de sensibilisation en multipliant les réunions à travers campements et villages du Nord du pays.
Des efforts sont constamment faits pour favoriser l'intégration, dans l'appareil d'Etat, de tous ceux qui constituent des rebelles potentiels. Parallèlement, des solutions somme toute consensuelles sont trouvées aux divers problèmes. Le nouveau chef de l’Etat nigérien, Mamadou Issoufou, élu lors du scrutin présidentiel de 2011, n’a pas véritablement engagé une lutte armée anti-terroriste.
En cherchant à s’allier, voire à étouffer les rebellions Touaregs, il risque de mener le pays à l’enlisement politique et à sa fracture. Si donc Niamey a certes pris conscience du danger pernicieux de l'islamisme radical qui aurait pu trouver lit dans les rébellions touarègues et proliférer, ce n’est sans doute pas par des opérations de charme en direction de ces dernières, qu’elle pourra lutter efficacement contre l’islamisme politique et ses bras armés. Pays vaste et frontalier de l'Algérie, de la Libye, le Niger vit donc une rébellion touareg qui n’est pas prête de s’essouffler et une réelle avancée, sur son territoire, d’Al Qaïda au Maghreb islamique.
La Mauritanie
La Mauritanie est officiellement «une République islamique» depuis 1960. Après la destitution de Mokhtar Ould Daddah, lorsque le Colonel Haïdallah s’empare du pouvoir en 1980, il cherche à renforcer la place de l’Islam et sa pratique dans le pays. Pour cela, il instaure la sharî`a en 1982. Maouiyya Ould Sid’Ahmed Taya, qui lui succède à partir de 1984, consolide la politique basée sur la chari’a comme fondement politique de l’Etat. Mais au début des années 1990, sous la forte pression internationale, Tayya est contraint d’entamer un processus démocratique dans le pays.
Dans ce nouveau contexte, les islamistes qui se préparent à intégrer le jeu politique, inquiètent le régime : en 1991, Taya limite leur audience en interdisant la constitution de partis à caractère religieux. Jusqu’en 2005, Taya pratique la politique de la carotte et bâton à l’égard des islamistes. Comme le régime de Bouteflika, il a, à maintes reprises, affirmé qu’il n’y avait pas de place pour l’islamisme en Mauritanie dans la mesure où le peuple maurétanien est musulman.
Le 5 janvier 2008, les organisateurs du Paris-Dakar décident d’annuler la "mythique" course, suite aux directives du gouvernement français qui met en garde contre de possibles menaces terroristes en Mauritanie, pays dans lequel doit se dérouler la majeure partie des épreuves. Dans la nuit du 1er février 2008, le "V.I.P", la plus grande boîte de nuit de Nouakchott, et l’ambassade d’Israël mitoyenne, sont pris pour cible : six individus ouvrent le feu sur les lieux, blessant une Française et deux Franco-mauritaniens.
L’attaque est là encore revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb. Auparavant, le 24 décembre 2007, quatre touristes français sont froidement assassinés en Mauritanie. Deux jours plus tard, trois soldats mauritaniens sont tués dans la base militaire de Al-Ghallaouia, située au Nord-Est du pays. L’attaque est revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), ex-GSPC algérien (Groupe Salafiste pour la prédication et le Combat.
L’Algérie
L’Algérie qui se fait fort de jouer l’outsider du dialogue "avec toutes les parties" de la crise malienne a, depuis 1996, soumis à référendum la politique de concorde civile, élargie en concorde nationale en direction des maquis du terrorisme islamiste du GSPC dont les massacres, attentats, sont officiellement minimisés par le fait d’un "terrorisme résiduel".
Profitant de cette politique de concorde nationale qui ni plus ni moins accorde l’impunité aux maquis terroristes, le GSPC se redéploye et s’allie à Ben Laden en créant Al Qaïda au Maghreb islamique qui signe son acte de naissance par des attentats kamikazes ayant frappé les symboles de l’institution militaire algérienne: l’académie militaire interarmes de Cherchel, la base de la gendarmerie de Tamanrasset et celle de Ouargla.
Le parti politique, Le FLN de Bouteflika, majoritaire lors des dernières élections législatives, n’a pas condamné ces attentats et promeut, à travers ses mosquées et ses imams, l’idéologie du Front islamique du Salut (FIS) de Abassi Madani.
Dans chacun de ces pays, Al Qaïda au Maghreb islamique ne rencontre pas d’opposition politique. L’organisation terroriste, fortement implantée au cœur des conflits tribaux ou au sein des rebellions touaregs y est fortement implantée jusqu’aux niveaux de l’Etat-pouvoir. Au Mali, elle a réussi à rallier Ansar Eddine, une formation touareg qui revendique la chari’a au nom de laquelle ses "Touaregs terroristes" détruisent le patrimoine archéologique local et universel de la ville mythique de Tombouctou qu’ils ont mise à sac et en ruines.
Le dialogue avec "toutes les parties en conflit" au Mali, apparaît donc, comme une forme d’abdication à Al Qaïda au Maghreb islamique et tous les pays du Sahel en portent les signes avant-coureurs de sa prolifération. Bouteflika a ouvert le bal en invitant à Alger Ansar Eddine à sa table de négociation…
R.N avec APS et Africa.com