Cridem

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23-08-2012

05:56

Biram a le droit d'être accusé en vertu d'un texte clair, assorti d'une sanction préétablie.

Il y a quelques jours, j'écrivais sur ce même portail les contraintes de droit et de faits qui privent Mr Biram Ould Abeid de bénéficier d'une grâce présidentielle à l'occasion de L'Aid EL Fitr 2012.

Aujourd'hui, je reviens à la charge pour discuter du libellé de l'acte d'accusation porté contre ce personnage dans le dossier d'incinération d'ouvrages religieux du rite malékite.

Selon la dépêche du 2 mai 2012 de l'Agence Mauritanienne d'Information (AMI), la justice mauritanienne a inculpé Biram de "violation des valeurs islamiques du peuple mauritanien" : (http://www.ami.mr/fr/index.php?page=Depeche&id_depeche=17560). Je veux bien. Mais cette accusation est trop vague, générale, imprécise et je dirais, ne repose sur aucun texte juridique mauritanien.

En effet, j'ai consulté les principales lois de nature pénale en Mauritanie: entre autres, le Code Pénal (Ord. 83-162 du 9 juillet 1983, la Loi relative à la Lutte contre le Terrorisme, No 2010-35 du 21 juillet 2010. Mais force est de constater qu'il n'y a pas de texte qui érige en infraction la «violation des valeurs islamiques du peuple mauritanien». Or, comme on le sait, il y a pas de peine sans texte!

Certes, le préambule de la Constitution de 2006 dit clairement que le peuple mauritanien "Confiant dans la Toute Puissance d'ALLAH (...). Fort de ses valeurs spirituelles et du rayonnement de sa civilisation, il proclame en outre, solennellement, son attachement à l'Islam (...)". Fort bien, mais ces valeurs ne sont que déclaratoires ou, à la rigueur, serviraient d'appui pour interpréter les lois mauritaniennes, notamment les dispositions cette même Constitution, mais jamais susceptibles de créer par elles-mêmes des sanctions opposables à un sujet de droit.

Oui, Mr Biram est un «voyou» pour certains, un «leader» pour d'autres. Toutefois, il est d'abord et avant tout un citoyen mauritanien. À ce titre, il a le droit fondamental d'être inculpé suivant un texte de loi clair, que personne n'est sensé ignorer ("Article 17 de la Constitution: "Nul est sensé ignorer la loi"), et dont la sanction est bien spécifiée.

Il faut dire qu'ici on est plus à ergoter si Mr. Biram est coupable ou pas, relativement aux faits qui lui sont reprochés. La preuve de l'incinération des livres sacrés est de notoriété publique, voire de connaissance judiciaire, et lui-même en a présenté des excuses publiques qui peuvent être qualifiées d'aveux-extrajudiciaires.

La question qui se pose donc, c'est en vertu de quelle disposition juridique l'État a le droit de l'accuser. Certainement pas en vertu de la «violation des valeurs islamiques du peuple mauritanien».

Si ce texte n'existe pas, tant mieux pour Mr Biram et pour la société mauritanienne. Le vide juridique doit bénéficier à l'accusé. Le législateur mauritanien doit dans ce cas refaire ses devoirs, en adaptant la législation à des nouvelles situations inédites, jamais imaginées, comme celles relatives à l'outrage, l'incinération des livres ou des écrits sacrés, par un musulman ou tout autre personne!.

Il faut dire que le Code Pénal mauritanien à son article 306 est très clair, quant l'outrage public à la pudeur et aux mœurs islamiques, lesquels sont punissables de trois mois à deux ans de prison et une amende de 5.000 à 60.000 ouguiyas.

"ART. 306. - Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur et aux mœurs islamiques ou a violé les lieux sacrés ou aidé à les violer, si cette action ne figure pas dans les crimes emportant la Ghissass ou la Diya, sera punie d'une peine correctionnelle de trois mois à deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 5.000 à 60.000 UM."

Les gestes de Mr Biram, ne sont-ils pas de nature à porter un outrage public à la pudeur et aux mœurs islamiques? Comme on dit, poser la question c’est y répondre.

Me Takioullah Eidda, avocat & procureur
Québec, Canada



 


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