Cridem

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21-11-2012

09:15

Relations COD-CAP : Quand le choc des oppositions fait le bonheur du pouvoir.

Dans le choc entre la COD (Coordination de l’opposition démocratique) et la CAP (Coalition pour une Alternance Pacifique), c’est l’opposition mauritanienne qui perd sa substantielle logique dans ce jeu de la bipolarité si propre à toute démocratie.

Entre les frères ennemis d’aujourd’hui, la chaise laissée vide par un président convalescent constitue la principale pomme de discorde. C’est le cas entre l’opposition qui tente de remettre cette chaise en jeu et l’opposition qui cherche à la préserver.

En arrière plan, une sordide lutte personnelle de leadership, d’amour-propre et d’inimitié tutélaire, entre Messaoud Ould Boulkheïr et Ahmed Ould Daddah.

Il était prévu qu’une délégation de la COD rencontre aujourd’hui, dimanche 18 novembre 2012, celle de la CAP. L’objectif serait la mise en place d’un gouvernement d’union nationale pour remplir ce que les premiers considèrent comme un "vide politique".

Cette démarche de l’opposition dite radicale, la COD, entre dans le cadre d’une tournée politique qui a déjà mené ses missionnaires auprès du parti-Etat, UPR (Union Pour la République), mais aussi auprès de la coalition pour la Rencontre démocratique qui regroupe ADIL de l’ancien Premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghf, le Mouvement pour la Refondation du député Kane Hamidou Baba et le Renouveau démocratique de l’ancien ministre Moustapha Ould Abeiderrahmane.

Mais le succès de la démarche de la COD reste mitigé, avec un UPR qui ne reconnait pas la vacuité du pouvoir et une Coalition pour la Rencontre démocratique qui agite la Proposition de Messaoud Ould Boulkheïr, président du parti APP (Alliance pour une alternance pacifique), comme document prioritaire. D’ailleurs, l’un des députés du parti, Bodahiya Ould Sbayi a fait remarquer que la COD ne vend que la version plagiée du président Ould Boulkheïr.

Du divorce COD-CAP

Messaoud Ould Boulkheïr, par ailleurs président de l’Assemblée Nationale, dans sa démarche pour éviter toute rencontre avec ses anciens alliés de la COD, aurait choisi de se retirer en brousse pour se reposer au milieu des siens. Cette attitude fait suite à son refus catégorique de se réunir avec les leaders de l’opposition démocratique.

Pour lui, nul règlement politique en Mauritanie ne sera possible tant que le président Mohamed Ould Abdel Aziz ne sera pas de retour au pays. D’autre part, il trouve peu cavalière la démarche de la COD qui cherche à contourner la Proposition de sortie de crise qu’il a été le premier à mettre sur la scène nationale et que ses frères ennemis cherchent aujourd’hui à usurper.

Joignant la décision qu’il a prise de ne pas discuter sur la situation politique à la parole, ses partisans déclarent qu’il ne regagnera Nouakchott qu’à l’approche de la fête nationale de l’indépendance prévue le 28 novembre. Entre temps, Ould Abdel Aziz qui est interné depuis plus d’un mois à Paris suite à une blessure par balles, serait peut-être là, comme l’avancent certaines informations.

Il faut rappeler que le divorce entre notamment Messaoud Ould Boulkheïr et la COD, est survenu au lendemain de la décision qu’il avait prise d’engager un dialogue politique avec le pouvoir, entraînant dans ses sillages deux anciens partis de la Coordination, en l’occurrence El Wiam de Boïdiel Ould Houmeid et Sawab. Depuis lors, ces trois partis "dissidents" ont constitué un troisième front qui se veut l’expression d’une "opposition responsable" selon la terminologie utilisée. Ce front est devenu plus proche du régime en place que de l’opposition dont il se réclame, se démarquant nettement de son discours et de son combat.

Dans la lutte qu’elle mène sur deux fronts, d’une part contre un adversaire politique naturel qui est le pouvoir, et d’autre part contre une "opposition de l’opposition " par laquelle elle désigne la CAP, la COD par la voix se son président en exercice, Saleh Ould Hanana poursuit ses questionnements sur les circonstances de la blessure du président Mohamed Ould Abdel Aziz, réclamant toujours cette enquête indépendante qui ne vient pas.

S’exprimant au cours d’un meeting organisé samedi dernier par son parti, Hatem, dans la Moughataa de Dar Naïm, Ould Hanana a de nouveau brandi le slogan qui est celui de la COD depuis les premières semaines qui ont suivi l’évacuation de Mohamed Ould Abdel en France, "Ensemble pour une période de transition concertée pour dépasser le vide politique".

Saleh Ould Hanana est revenu également sur un autre thème, celui de la gestion floue du pays en l’absence du "maître de céans" et ceux qui détiennent dans l’ombre les rennes du pouvoir. Pour lui, la non délégation du pouvoir du président constitue un jeu malsain mené contre les intérêts du peuple mauritanien dont le patrimoine économique et financier est entrain d’être dilapidé en cette période de "non droit" et de "non contrôle".

Hanana considère que cette situation est une insulte pour la population car selon lui, "dans les démocraties qui se respectent, le président de la République délègue tout ou partie de ses pouvoirs à la moindre opération chirurgicale nécessitant une mise sous anesthésie". Il a déclaré que le meeting populaire du mercredi prochain envisagé par la COD sera le lieu d’un compte rendu détaillé sur les résultats des démarches entreprises auprès des forces politiques nationales pour les fédérer autour de l’initiative relative à la mise en place d’une transition politique pour combler le vide institutionnel.

De leur côté, les Islamistes de Tawassoul, par la voix de leur président Mohamed Jemil Mansour, ont mis en garde les partis politiques qui ont refusé les solutions démocratiques et pacifiques pour une sortie de crise préconisées par la COD. "Nous n’accepterons pas que le pays soit kidnappé par une poignée d’individus et que ses richesses continuent à être dilapidées impunément " ont-ils déclaré.

Face à des centaines de militants de son parti lors d’un meeting organisé samedi dernier, Ould Mansour a promis de dévoiler le nom de "ceux qui profitent du vide constitutionnel pour détourner les affaires du pays ou qui les mettent au frigo en attendant le retour d’un président impotent et malade". Ecartant toute idée de confrontation entre son parti et l’armée, il a invité la classe politique mauritanienne à faire preuve de sagesse pour sauver la Mauritanie, mettant en garde les "maîtres informels" du pays contre toute intervention militaire dans le Nord Mali.

Menant de front la négociation politique et la pression de la rue, les Islamistes ont pu ainsi mobiliser des milliers de manifestants pour dénoncer les exactions israéliennes à Gaza et glisser en douce leur agenda politique. Ainsi, le vide institutionnel en Mauritanie fut parmi les slogans qui se sont glissés dans cette gigantesque marche organisée en fin de semaine dernière.

Les manifestants ont ainsi évoqué avec la même ferveur la situation des habitants de Gaza et la situation politique de la Mauritanie marquée selon eux par le vide institutionnel. Ils ont lancé dans la foulé un appel aux acteurs politiques pour une solution de sortie de crise, attribuant le malheur des Mauritaniens qui dure depuis des décennies à l’immixtion de l’armée dans la gestion du pays.

La propagande mortelle de la COD

Pour les partisans du pouvoir, l’opposition poursuit sa propagande néfaste dont le but est d’empoisonner la vie des Mauritaniens, citant les rumeurs qu’elle fait circuler pour déstabiliser le pays et dévoyer le peuple. Pour l’UPR, les mauvaises intentions de l’opposition se reflètent à travers son refus systématique de croire à la version officielle autour de l’incident du 13 octobre dernier au cours duquel le président Mohamed Ould Abdel Aziz a été blessé par des tirs amis. "Les leaders de la COD ne croient pas à cette version, malgré le récit qu’en a fait le président lui-même peu avant son évacuation à Paris " émoigne-t-il.

Pour les alliés du régime, la situation en Mauritanie est tout à fait normale et le pays fonctionne comme à l’accoutumée sans anicroches. Le gouvernement poursuit ses actions, la presse continue son travail dans la plus grande liberté, même si certains ont commis des dépassements au-delà des limites permises dans la couverture des évènements survenus dernièrement dans le pays, notamment sur l’état de santé du président Mohamed Ould Abdel Aziz et la gestion actuelle du pays.

La liberté de presse est telle, selon l’UPR, que certains médias ont servi de relais aux rumeurs, aux ragots et à l’intox, loin de tout professionnalisme qui dicte la vérification et le recoupement de toute information avant sa publication.

Pour les partisans du pouvoir "les chiens aboient et la caravane passe". Ainsi, pour certains militants de la majorité interrogés, "l’opposition perd son temps dans des combat stériles alors que nous de notre côté, nous sommes dans les préparatifs pour accueillir bientôt le Président Mohamed Ould Abdel Aziz".

Certains ont même voulu jeter un clin d’œil, en invitant les leaders et les partisans de l’opposition à venir participer à cet accueil triomphal qui dépassera d’après eux tout entendement. Les faucons de l’UPR ont cependant préconisé la poursuite de la campagne anti-opposition, pour répondre au moindre communiqué ou propos émanant de la COD.

Fort de l’appui gracieux de l’autre opposition, les alliés de la CAP, l’UPR croit que les arguments de la COD sont assez récurés et que leur crédibilité sur le plan national s’est beaucoup dépréciée. La guerre de leadership à la tête de l’opposition mauritanienne entre Messaoud Ould Boulkheir et Ahmed Ould Daddah, qui dure depuis les prémisses de la démocratie, leur facilite grandement la tâche.

Cheikh Aïdara.


 


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