Cridem

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07-02-2013

16:34

Lutte contre la gabegie : L’Onu n’a pas le même langage que le FMI et la BM sur la santé financière de la Mauritanie

Un récent rapport de l’organe des Nations unies spécialisé dans la lutte contre la corruption (La Convention des Nations unies contre la corruption) n’est pas tendre avec la Mauritanie. On y évoque, entre autres griefs faits au gouvernement du Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf, le fait que la corruption gangrène aujourd’hui l’administration mauritanienne !

En chiffres, note un journal algérien qui s’est intéressé à la question chez nous, l’ampleur de la corruption est estimée à 60 milliards d’ouguiyas Le moins qu’on puisse dire, à la lecture de ce rapport, récemment rendu public sur la santé financière de la Mauritanie, est qu’il y a déphasage entre le discours plein de satisfecit de la Banque mondiale et du FMI et celui du système des Nations unies.

Sans doute parce que les uns s’appuient sur la macroéconomie (des chiffres qui sont souvent livrés, bruts, par l’administration mauritanienne et qui, même s’ils sont analysés ailleurs, par une institution indépendante, ne tiennent pas compte de la réalité vécue et que certaines agences du système des Nations unies observent au quotidien). On ne peut donc que reposer la question : qu’en est-il, réellement, de la lutte contre la gabegie ?

C’est un principe partagé aujourd’hui par tous les mauritaniens : Avant l’arrivée d’Aziz au pouvoir, le credo de tous les responsables était fort simple : « détourne et tais-toi » ! On se rappelle encore de cette histoire des faux chiffres qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Quand le Fonds monétaire international (FMI) avait découvert (en 2004, je crois) que les autorités nationales « trafiquotaient », à dessein, pour tromper la vigilance des bailleurs et continuer à profiter de leurs largesses en matière de lutte contre la pauvreté.

La découverte du pot aux roses avait conduit au débarquement, sans ménagement, des principaux responsables de notre économie nationale : Maed, Ministre des Finances, Gouverneur de la Banque Centrale. C’était encore sous Taya mais cette « lutte contre la gabegie » n’était faite que pour sauver les apparences, à un moment où le navire commençait à couler. On se rappelle également que le début de la Transition avait reposé la question de l’utilisation des ressources financières nationales, qu’elles soient propres à l’Etat ou argent provenant de l’aide publique au développement (APD).

De l’avis de tous les observateurs, le succès relatif de la Transition militaire 2005-2007, au plan politique, avait été terni par le saccage des ressources nationales. Au niveau de la gestion de la nouvelle manne pétrolière (avenants de Woodside) et des énormes engagements financiers faits au nom du processus de démocratisation qui engloutira des dizaines de milliards d’ouguiyas. Une gabegie qui passera pour justifiable aux yeux des autorités qui viendront après (Sidi Ould Cheikh Abdallahi et Mohamed Ould Abdel Aziz qui a « rectifié » son régime), même si Zeine Ould Zeidane, devenu Premier ministre, n’avait pas hésité à dénoncer le saccage économico-financier opéré par les autorités de la Transition.

C’est dans un tel contexte que survient la « Rectification » du général Aziz dont l’un des axes principaux était la mise en avant du refus de « revenir en arrière » avec tout ce que cela comporte comme clientélisme politique, affairisme, détournements des biens publics, implication de la famille, au sens stricto sensu mais aussi tribal du terme, dans la gestion de l’Etat.

Tout le monde se rappelle, dans ce cadre précis, du mauvais procès que les militaires et leurs alliés politiques au niveau du Parlement avaient voulu faire au président déchu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, à travers, justement, l’implication de son épouse, Khattou Mint El Boukhary, dans le différend qui l’opposait aux généraux Aziz et Ghazouani.

Mise en place, donc, d’une Haute Cour de Justice, menace de présenter l’ex Première Dame comme première « cobaye » d’une lutte contre la gabegie qui, par la suite, donnera du tournis aux mauritaniens par son savant jeu d’ombre et de lumières.

Des personnalités de premier plan, tels Yahya Ould Ahmed Waghef (le Premier ministre de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi Abdallahi), Boidiel Ould Houmeid (ancien ministre de Taya et ministre Secrétaire général de la Présidence sous Sidioca), l’ancien gouverneur de la BCM, Sid’El Moctar Ould Nagi (cousin de Sidioca et opposant farouche au putsch d’Aziz) ont alors étaient les premières victimes expiatoires d’une lutte contre la gabegie dont les contours étaient encore flous.

On le dit et on le pense parce que toutes ces histoires de « détournements » portant sur des milliards d’ouguiyas, entretenues médiatiquement par la radio et la TVM, le temps de la crise qui opposait les pro et anti coup d’Etat du 06 août 2008, avaient fini en queue de poisson ou en accommodements politico-tribalo-économiques qui laissaient penser à des moyens de pression exercés sur ces hommes pour les faire plier.

La suite des évènements est connue : Les hommes d’affaires ont négocié une solution à l’amiable avec la BCM, grâce à l’intervention, auprès du Raïs, de l’érudit Cheikh Mohamed El Hacen Ould Deddew, l’ex Premier ministre Ould Waghef a été libéré, dans le cadre de l’Accord, devenu « historique », de Dakar et Boidiel Ould Houmeid avait été contraint de payer 102 millions d’UM au Trésor public pour ne pas subir ce qui ressemblait bien à une « contrainte par corps » exercés sur tous qui ont eu le malheur de figurer sur la liste noire du pouvoir d’Aziz.

Sur ces affaires-là, les avis des mauritaniens étaient partagés. Coupables, aux yeux de tous ceux qui croyaient, dur comme roche, à la volonté du président Aziz de mener une guerre sans merci aux « budgétivores » passés, présents et à venir, ou qui, en tant qu’hommes politiques du premier cercle, défendaient le pouvoir contre vents et marées. Victimes expiatoires d’un système en mal d’audience et enfoncé dans la crise née du coup d’Etat, rétorquent les opposants au régime, les parents et amis, des hommes arrêtés. A ce niveau là, un premier doute s’installe.

Impôts, pression et « liquidation »

Maintenant, l’on revit le même scénario avec les tracas causés à l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou. Hier premier soutien du président Aziz, il est devenu, semble-t-il, l’homme à abattre. Par tous les moyens. Lourde fiscalité, retrait des avoirs des sociétés d’état de sa banque, la GBM et retour sur de vieilles affaires comme la faillite de Mauritania Airways. Dans ce genre d’affaires, il n’est pas évident que les choses se traitent en toute transparence. Il y a forcément de la manipulation dans l’air.

Entre celle-ci et la corruption la limite est souvent impossible à établir. La Mauritanie fonctionne ainsi. Et c’est pourquoi elle caracole aux dernières places dans les classements établis par les institutions et organismes internationaux sur le climat des affaires et le niveau de la corruption. Les seuls investissements qui restent encore attractifs concernent l’exploration et de l’exploitation pétrolière, de l’extraction minière dont le fer et l’or, des télécommunications avec l’acquisition de licences pour les lignes de téléphone portable et de la construction.

Mais, dans un tel climat, ce sont les Chinois qui pointent avec un intérêt croissant pour des investissements dans l’exploitation, entre autres, des gisements de fer et la construction portuaire. Mais tout le monde le sait, quand les héritiers de Mao s’en mêlent, ça devient encore plus compliqué.

MOMS.


 


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