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18-12-2014

05:45

Le passé « sombre » de la Mauritanie : Après les révélations de la CIA, à quand le procès des “grands” criminels ?

L'Authentique - La Mauritanie cumule une ardoise lourde de passifs humanitaires. Aux crimes d’Etat perpétrés sous Mokhtar Ould Daddah, selon les révélations de Moustapha Ould Beddredine, en passant par les crimes commis sous les régimes d’exception, notamment sous Ould Haïdalla et sous Ould Taya, dont les tortures par procuration et la remise de détenus à des forces étrangères comme la CIA, à quand un véritable déballage juridique et la traduction devant les tribunaux de tous les « criminels mauritaniens » qui se sont faits depuis, une honorabilité usurpée, se lamente aujourd’hui un grand pan de l’opinion nationale.

Il n’est question depuis quelques jours que des révélations récentes faites par le Congrès américain sur les exactions commises par la CIA (Central Intelligence Agency) avec la complicité de plus d’une dizaine d’Etats dans le monde, dont la Mauritanie.

Soucieuse de redorer son blason aux yeux de l’Occident et des Etats-Unis, et de sortir des sanctions internationales qu’elle subissait suite à son soutien à l’Irak de Saddam Hussein durant la première guerre du Golfe, la Mauritanie sous le règne de Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya aurait collaboré dans les crimes commis par la CIA aux lendemains des attentats du 11 septembre 2001.

Les éléments des services de sécurité avaient ainsi participé à une véritable chasse à l’homme, procédant à des arrestations extrajudiciaires, des enlèvements et des kidnappings de citoyens mauritaniens et étrangers, qui ont été soumis à des tortures parfois en présence d’enquêteurs américains, puis livrés à la CIA. C’est ce que vient de révéler le Congrès dans un déballage sur les exactions de la CIA qui n’a cependant concerné que 500 pages d’un rapport de 6.000 pages.

C’est ainsi que le Libyen Daiki aurait été séquestré par les autorités mauritaniennes le 12 octobre 2003, interrogé puis livré aux services secrets américains qui s’étaient intéressés à son cas. C’est ainsi que la CIA l’aurait transféré au Maroc. En février 2004, les services de sécurité mauritaniens auraient également interpellés un autre Libyen, Madaghi.

Soumis à des interrogatoires musclés en présence d’enquêteurs étrangers et des officiers des services secrets, il aurait été lui aussi transféré au Maroc au mois de mars 2004. En 2001, le Mauritanien Ould Sellahy avait déjà été la cible des enquêteurs mauritaniens qui l’auraient livré par la suite à la CIA qui le transféra d’abord en novembre 2002 en Jordanie où il fut torturé pendant huit mois, comme il l’a souligné dans ses mémoires, avant d’être interné en juillet 2004 dans la tristement célèbre basse militaire de Bagram en Afghanistan. De là, il aurait été acheminé vers l’Ile de Guantanamo où il croupit depuis août 2002 sans charge ni procès.

Les autorités de l’époque et les responsables sécuritaires mauritaniens qui avaient participé à ces crimes sont aujourd’hui couverts par l’impunité pour raison d’Etat. Un alibi qui a toujours servi d’échappatoire aux responsables incriminés, mais qui ne les met pas souvent hors des poursuites judiciaires sur le plan national ou international, font remarquer les observateurs.

A ce passé sombre que traîne la Mauritanie, s’ajoutent d’autres crimes restés jusque-là impunis, malgré le cri des ayants-droits qui réclament toujours justice. Ce serait le cas pour tous ceux qui ont trouvé la mort dans les couloirs de la torture ou dans les cellules des prisons. Beaucoup de dossiers restent ainsi non ouverts, tels que la mort de Soumeïda dans les années 60, le sort des auteurs du 16 mars 1981 passés par les armes suite à un jugement expéditif, la mort de Bouceïf, la disparition de l’avion du Wali de Nouadhibou, les pogroms commis dans les années 1989-1990, le coup d’Etat raté de 2003 qui fit des victimes…

Jamais, dans l’histoire de la République, les auteurs d’exactions policières et de crimes d’Etat n’ont été jugés, laissant béante des cicatrices jamais guéries. Des centaines de veuves, d’orphelins et de mères éplorées courent ainsi depuis des lustres derrière des réparations judiciaires qu’ils risquent hélas de ne pas voir aboutir.

Pendant ce temps, plusieurs auteurs de crimes se sont fait des honorabilités. Certains ont gravi les échelons de la haute administration, d’autres se sont mués en élus « respectables » de la Républiques, d’autres encore sont devenus chefs de partis ou d’ONG de défense des droits de l’homme, non pas par conviction mais par opportunisme et comme source d’enrichissement.

Cheikh Aïdara



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