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29-05-2015

23:00

Visite du Chef de l’Etat au Brakna : Des défis à relever

Al Housseynou Sy - Dans quelques heures, le Président de la République sera l’hôte des populations du Brakna qui attendent de la plus haute autorité du pays, la résolution de certains problèmes récurrents auxquels elles font face dans leur vie quotidienne. Le Brakna est une région très austère que l’on peut présenter succinctement sur le plan physique et géomorphologique.

Du nord au sud, on peut distinguer :

-des massifs dunaires datant de l’Ogolien et rubéfiés (sous l’effet de l’oxydation des éléments ferrugineux contenus dans le sable. -Une zone alluviale occupée par le lit majeur du fleuve et communément appelée Walo ou Chemama : c’est une zone de prédilection de cultures de décrue et de façon plus récente de riziculture.

-Une zone intermédiaire appelée « Jeejegol »

C’est une région qui présente des potentialités économiques essentiellement du secteur primaire (agriculture, élevage et de façon très restreinte de pêche artisanale et de cueillette en voie de disparition).

Malgré la rareté des ressources du sous-sol, le Brakna a toujours rayonné de l’époque coloniale à nos jours par l’apport culturel et intellectuel de ses fils sur tous les plans. Des figures emblématiques de ce Brakna ont occupé tous les postes névralgiques du pays (Présidence de la République, Présidence du Sénat, Direction générale de la SNIM, Gouvernance de la Banque Centrale, Ministres, Chefs d’états-majors etc.

Aujourd’hui, ce Brakna est en retard et son développement est inversement proportionnel à son capital intellectuel. A qui la faute ? A l’Etat ou à ses fils (ceux qui sont restés au terroir et diaspora confondus ?).

Dès l’avènement de l’indépendance, le Brakna s’est senti délaissé par rapport aux autres Wilayas riveraines du fleuve (Trarza, Gorgol et Guidimakha). Il y a lieu aujourd’hui de redonner à cette Wilaya la place qui lui sied sur l’échiquier national. Ce n’est point du régionalisme parce qu’en définitive, l’essor de cette région doit inéluctablement peser sur le développement national. Finalement, le développement de notre pays n’est-il pas la sommation du développement de nos différentes régions ?

Pour être plus concret, l’Etat doit engager une véritable révolution verte qui passe par l’aménagement de toutes les plaines agricoles avec une méthodologie participative, une mécanisation adaptée et une qualification des ressources humaines aptes à conduire ces ambitieux programmes. Pour ce faire, il y a une impérieuse nécessité d’exploiter les phosphates qui gisent dans le triangle Boghé-Aleg-Louboïra.

L’exploitation de ces phosphates peut profiter non seulement à l’économie nationale mais constituera une plus-value pour les exportations de cet intrant dans les pays voisins. Elle sous-entendra une activité minière jusque-là inconnue dans la région qui sera une source de main d’œuvre et une possibilité de retour au terroir pour certains qui vivent le chômage dans les grandes villes.

Ces mines de phosphates exigeront la mise en place d’infrastructures adaptées pour le transport et en l’occurrence le chemin de fer qui pourrait aller de l’extrême-sud du pays à l’Océan Atlantique et qui pourrait être multifonctionnel : par exemple, transport non seulement du phosphate mais du sucre qui serait produit à Foum Gleïta et les tourbes de Keur-Macène une fois exploitées.

Sur le plan de l’élevage, le Brakna présente avec le Tribilus terrestris et le Cenchris biflorus, les meilleurs pâturages du pays s’expliquant par la transhumance de pratiquement de beaucoup d’éleveurs d’autres régions dans ses terroirs.

Avec les aléas climatiques, il y a lieu de façon diligente de sauver le monde rural par la modernisation du secteur de l’élevage, par l’introduction de ranchs pour un élevage intensif beaucoup plus compétitif d’où la nécessité de mise en place d’usines de lait et de fabrication d’aliments de bétail.

Malheureusement, les acteurs de ces deux domaines précités sont en conflits récurrents en raison de la divagation des animaux et en particulier des camelins qui hypothèquent les campagnes agricoles. L’Etat doit mettre en œuvre une panoplie de mesures dissuasives pour enrayer ces conflits qui compromettent tout développement humain durable.

Concernant le cas spécifique de Boghé, il y a lieu de l’ériger en capitale régionale et penser à un nouveau redécoupage pour ne pas léser les privilèges des uns et des autres. Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, il y a possibilité d’introduction de la pisciculture à grande échelle dans tous les casiers rizicoles mais aussi dans le marigot de Djinthiou.

Ce projet peut remplir plusieurs fonctions : une fonction économique pour le ravitaillement en poissons du marché local, une fonction biologique pour la lutte contre le paludisme (le tilapia est un poisson larvivore adapté), une fonction sociale avec une création d’emplois surtout pour le Genre et une fonction écologique et récréative pour Boghé.

Dans le même ordre d’idées, le désenclavement du village de Thiénel par la construction d’un pont le reliant à Boghé Escale (2 km environ) s’avère plus que jamais nécessaire. En effet, en période d’hivernage, ce village est complétement coupé de son marché d’approvisionnement en denrées mais aussi d’écoulement de ses produits maraîchers (menthe, patate douce, carottes, aubergines etc.).

Sur le plan éducatif, il urge d’introduire les langues nationales, cette voie qui a permis au Japon de colmater la fracture qui la séparait du monde occidental pour faire de lui un membre du G8 entre autres arguments.

Dans les centres de formation professionnelle, il serait souhaitable d’engager une politique de translocation des firmes industrielles permettant le montage sur place de motopompes, de tracteurs, de moissonneuses-batteuses et l’usinage de pièces de rechange. Ce qui permettra de lutter contre le chômage de nos étudiants, une fois sortis de ces écoles.

Enfin, qui va réhabiliter la grande mosquée de Boghé qui date du début des années 70 ? L’édifice religieux est en état de dégradation avancée. L’aspect spirituel serait-il laissé en rade ?

En conclusion, les populations locales attendent des solutions adéquates à ces problèmes qui handicapent leur marche vers le développement, gage de la Visibilité de l’action gouvernementale. Auront-elles les coudées franches pour transmettre ces doléances, sans intermédiaires au premier magistrat du pays ?

Alhousseynou SY
Professeur, directeur du Lycée de Bababé



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