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11-10-2015

09:54

Mauritanie : comité interministériel sur le suicide : Ce phénomène n’a ni âge, ni sexe…[PhotoReportage]

En Mauritanie, par décret, le 21 août 2015, un comité interministériel chargé d’étudier le phénomène du suicide a été mis en place. Le 08 octobre une journée de réflexion sur « suicide et maladie mentale » a été organisée par le service psychiatrique du centre hospitalier des spécialités de Nouakchott.

«Un jeune garçon d’une famille de schizophrènes qui était suivi à l’hôpital. Un jour, chez lui, il s’est passé la corde au cou. Une jeune fille de 19 ans, suite à une grossesse non désirée, a avalé des produits chimiques destinés à la teinture..., un érudit, vers 13 heures, a coté de chez lui, s’est donné la mort. Un étudiant en 3eme cycle que je suivais…. » Sall Abdoul Aziz, technicien supérieur en santé mentale adulte à Nouakchott, n’a pas fini d’énumérer les exemples de suicides.

Sa gorge s’est étranglée et il a fondu en larmes. Il a quand même pu partager un constat tiré de son expérience : le suicide n’a pas d’âge, pas de sexe, pas de niveau d’étude… Monsieur Sall Abdoul Aziz s’exprimait lors de la journée de réflexion « suicide et maladies mentales » à l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale (10 septembre).

Le thème choisi par le centre hospitalier des spécialités en collaboration avec le ministère de la santé est donc « suicide et maladies mentales.» Des médecins, des représentants de la société civile, de la protection civile…ont pris part à la journée de réflexion.

« Est-ce que l’on a été à la hauteur ?

Le Dr Ousmane Sall chef du service psychiatrique du centre hospitalier des spécialités de Nouakchott explique la détresse du technicien supérieur de santé qui n’a pu finir son témoignage : « le suicide pose énormément de problèmes. Ce n’est pas seulement la personne qui a mis fin à ses jours qui souffre. C’est tout l’entourage : les parents, les amis et les professionnels de santé ». "Quand on suit un malade qui se suicide, explique le Dr Ousmane Sall, on se demande si on a fait tout ce qu’il y avait à faire." Il en est de même des parents d’un enfant qui se suicide. Ils se demandent « est-ce que l’on a été à la hauteur ? » Le Dr Sall cite un responsable du système des Nations Unies qui disait que « chaque décès par suicide a des conséquences dévastatrices du point de vue affectif, social et économique pour les familles, les amis et les professionnels. » Un véritable problème de santé publique avec un million de personnes qui meurent par suicide chaque année. La tendance est à la hausse. Le suicide tue plus que la guerre.

Enquête sur le suicide

En Mauritanie, par décret, le 21 aout 2015, un comité interministériel chargé d’étudier le phénomène du suicide a été mis en place. Ce comité regroupe les ministères de la santé, de l’enseignement supérieur, de la justice, de l’intérieur, des affaires sociales et de la défense. Pour le compte de ce comité, deux experts (Drs Moustapha Ould Taleb et Ousmane Wagué, sociologues) ont été chargés de mener une enquête sur ce phénomène. Il s’agit, entre autres, selon Moustapha Ould Taleb, de faire la « typologie du suicide, de traiter de sa perception sociale…. »

Fin des réticences

En 2006, le thème de la journée mondiale de la santé mentale était déjà lié au suicide. Les autorités mauritaniennes de l’époque étaient réticentes à évoquer la question. 10 ans après, il est institué un comité interministériel chargé d’étudier ce phénomène. Est-ce à cause d’une recrudescence des actes d’auto-mise à mort ? Le Dr Ousmane Sall pense qu’il s’agit plus d’une meilleure communication sur le phénomène que de réelle recrudescence.

Attitudes négatives

La souffrance des proches de la personne qui s’est donnée la mort est renforcée par certaines attitudes explique le Dr Ousmane Sall. Il y a d’abord la police ou la gendarmerie qui, pour les besoins de l’enquête, débarque en tenue à grand renfort de voitures. Il est préférable, conseille le Dr de venir en tenue civile avec voitures banalisées. Il y a aussi la presse qui se soucie plus des scoops et qui ne pense nullement aux effets néfastes des articles sur les parents de la personne qui s’est qui a mis fin a ses jours.

Islam et suicide

Nous sommes, a expliqué le Dr Sall, « tiraillés entre les forces qui poussent vers la vie et celles qui poussent vers la mort. Et quand les forces vers la mort dépassent les capacités, il faut utiliser le positif pour rester en vie. Les forces qui tirent vers la vie peuvent être trouvées dans la famille, l’entourage, la religion… » Et pendant la journée, il y a eu une communication sur le suicide en Islam. Une pratique interdite par la religion. Interdite mais « si quelqu’un met fin à ses jour parce que cette machine qui lui permet d’être normal, de faire face aux exigences de la vie est détraquée, perturbée, il s’agit de quelqu’un qui a perdu la raison, le discernement » explique le Dr Sall. Il ajoute que « le prophète Mohamed refusait de prier sur les victimes de suicide pour prévenir ceux qui seraient tentés de suivre l’exemple de l’auto-mise à mort.»

Khalilou Koita, psychologue clinicien, a noté que les personnes sur le chemin de « l’idéation suicidaire » ont besoin de soutien pour qu’elles ne passent à l’acte. C’est pour quoi, explique-t-il, qu’il est important pour les praticiens de détecter les états dépressifs qui surviennent en plus de certaines pathologies comme le VIH sida.

La majorité des personnes qui se suicident, explique le Dr Sall, sont, avant le passage à l’acte, à la recherche d’une planche de salut.

Prévention du suicide

Fatimetou Mint Abdel Malick maire de Tevragh Zeina a pris part à la journée de réflexion. Sa commune est porteuse d’un programme destiné aux malades mentaux. La maire de Tevragh Zeina a déploré l’absence de structures pour accompagner les déficients mentaux errant au niveau de sa commune. Mint Abdel Malick a également un projet de « radio municipale » qui jouera le rôle d’alerte mais elle n’a pas encore reçu l’agrément. La libéralisation des radios se limite seulement au volet commercial, privé.

Youssouf Ould Limame, chef de service santé de base au ministère de la santé a fait une présentation sur « la prévention du suicide dans le cadre de la santé mentale communautaire. »

Ould Youssouf a donné l’exemple de l’expérience d’un conseil de santé mentale de la communauté urbaine de Nouakchott. Cette structure, après un arrêté de nomination de ses membres, la signature de sa charte, l’approbation de son règlement intérieur, un plan d’action 2013-2015, n’a pas fait long feu.

Khalilou Diagana
(©Cridem/ 11 Octobre 2015)





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