Mauriweb - Lors de son récent voyage à Nouadhibou, le président Mohamed Ould Abdel Aziz a entre autres lancé la mise en service de deux nouveaux patrouilleurs de la marine nationale, Le « Timbedra » et Le « Gorgol » qui selon l’Agence officielle d’information sont «dotés d’équipements des plus modernes, construits en République Populaire de Chine. »
Personne ne sait dans quelles conditions ni suivant quelle procédure cette acquisition s’est faite. On ne sait même pas s’il s’agit du même marché dont la révélation en 2010 par le Quotidien de Nouakchott nous a valu le courroux du très controversé Cheikh Ould Baya.
A l’époque nous avions montré preuves à l’appui que le patrouilleur en question avait été commandé au moins deux millions d’euros plus chers que la normale dans une espèce de mascarade qui est tout sauf un appel d’offre international transparent.
A l’époque le prix annoncé était de 10.180.000 euros. Aujourd’hui la très « sérieuse » AMI nous apprends que « Cette nouvelle acquisition de notre marine a été financée par l'Etat mauritanien pour un montant de 42 millions de dollars soit l'équivalent de 15 milliards d’ouguiyas. » Soit prés de 18 millions d’euros pièce. S’agit-il des mêmes patrouilleurs et si oui d’où vient cette inflation des prix ? Mais surtout qui a piloté ce marché donc qui en a bénéficié ?
Voici pour rappel quelques extraits de l’enquête publiée en juin 2010 par le QDN.
CCM/DSPCM : Enigmatique patrouilleurs à 10.180.000 euros
Mercredi 02 juin 2010, la Commission Centrale des Marchés, réunie en session ordinaire, sous la présidence de Monsieur
Sy Adama Mamadou a examiné la lettre n° 363/MPEM/SG du 31/05/2010, demandant l’approbation d’un projet de marché relatif à l’acquisition d’un patrouilleur de haute mer. La Commission, après examen du projet de marché, a approuvé celui-ci, pour un montant de 10.180.000 euros.
L’énormité du montant n’a semble-t-il pas piqué outre mesure la curiosité des membres et conseillers de la CCM. (Commission centrale des marchés). Pourtant il s’agit d’un des marchés les plus importants qui passent entre leurs mains.
Nous avons essayé de savoir ce qu’il en est et nous n’avons trouvé qu’un appel d’offre lancé en 2008 par la Délégation à la Surveillance des Pêches et au Contrôle en Mer (DSPCM) qui planifiait l'achat d'un patrouilleur de haute mer de 65 mètres doté d'une plage arrière pour recevoir un hélicoptère. Et depuis, cette résolution est restée lettre morte.
Sans savoir le prix d’un Patrouilleur, nous avons essayé de voir ce que d’autre pays ont acheté et à quel prix et quelle ne fut notre surprise de découvrir que l’
Algérie a acheté pour 130 millions d'euros 20 patrouilleurs en haute mer auprès d’un groupe français, le
Koweït a payés 85 millions d'euros pour 10 patrouilleurs de haute mer. Soit un prix unitaire pour l'
Algérie de 6,5 millions d'euros et pour le
Koweït de 8,5 millions d'euros.
Plus récemment encore, la
France a passé commande de deux navires patrouilleurs garde-côtes de 40 mètres destinés à la surveillance maritime des côtes françaises.
Cette commande a été notifiée par la direction générale des douanes et droits indirects à la société Socarenam de
Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), à la suite d'un appel d'offres européen. Le montant du marché s'élève à près de 17 millions d'euros TTC soit 8,5 pour l’un et il faut le noter ce prix comprend l’armement livré par Thales.
Mais alors la
Mauritanie, dont les ressources n’ont rien à voir avec le
Koweit, l’
Algérie ou la
France se permet-elle d’acheter un patrouilleur deux millions d’euros plus cher qu’eux. C’est assurément une énigme à laquelle seule la DSPCM ou la CCM peuvent répondre.
Bouna Cherif
Suite à cet article, le DSPCM Cheikh Ould BAYA avait réagi en écrivant :
« Décidément, vous tenez à mêler la DSPCM à toutes les magouilles, même pour un marché accordé par l'honorable CCM. Une vraie obsession ! Je vous félicite quand même pour les données d’une précision effarante sur les prix des marchés extérieurs : France, Koweït et Algérie !
Seulement, permettez-moi, - à supposer que vos chiffres soient vrais et vos sources fiables-, que vous comparez l’incomparable : l’achat en gros et l’achat en détail, un patrouilleur de 40 mètres (France) et 60 mètres (RIM) ?), s’agit-il d’un appel d’offre restreint ou international?, n’y a-t-il une subvention pour le chantier(…) ? etc.
Sachez par exemple, que la DSPCM a acheté un «patrouilleur » en Allemagne à 1.500.000 euros ! C’est vous dire…
Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes limité annoncer le prix du patrouilleur retenu par la CCM en occultant les autres offres dont pourtant au moins quatre sont européennes ? Connaissant votre efficacité je suis sur que vous auriez pu les avoir. Ces offres parvenues à l’issue d’un appel d’offre international sont comme suit :
ASTILLOROS ZAMAKOVA S.A (Prix de Base) : 16.934.000 €
ASTILLOROS ARMON, SA (Prix de Base): 16 .930.000 €
FRANCISCO CARDAMA, SA (Prix de Base) : 12.560.000 €
SENCORA : 16.300.000 €
CSTC : 10.180.000 €
RAIDCOMARINE : 26.000.000 €
Je vous tire quand même mon chapeau, car il faut être un dur à cuire pour boucler un journal chaque jour ! Je comprends la torture que vous impose la recherche des scoops, tous les jours qu’Allah fait, mais si vous tenez à nous attaquer vaille que vaille, essayez plutôt les articles sans chiffres. Vous verrez, c’est plus facile.
Cordialement
Le DSPCM »
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Commentaire (réaction) du QDN
Tout aussi, sinon plus cordialement, sachez monsieur le DSPCM que nous ne tenons pas le moins du monde et à fortiori vaille que vaille à vous
« attaquer. » Tout comme nous ne voyons pas pourquoi vous appelez attaque quand un journaliste après des recherches plutôt laborieuse trouve que son pays a acheté un bateau
« trop » cher. Vous nous conseillez, et soyez en remercié, d’essayer les articles sans chiffres. Si les chiffres vous dérangent à ce point nous allons essayez d’en user avec parcimonie.
Tout d’abord, vous nous assenez la liste des autres offres en croyant faire une démonstration qui va nous clouer le bec, mais attention à l’effet boomerang ou le retour de manivelle ou appelez le comme vous voulez.
En effet, en scrutant avec un peu d’attentions ces offres financières, on se rend compte qu’il s’agit tout simplement de faire valoir, c’est adire des entreprises qui, pour celle d’entre elles qui en sont vraiment, sont tout juste capable de réparer des barques ou pour la turque spécialisée dans la construction des bateaux de plaisance et les yachts mais certainement pas les bâtiments de guerre comme les patrouilleurs de haute mer.
Mais si vous le permettez voyons ces offres en détail. La première chose qui frappe, c’est la disparité des offres entre les 10 millions de la CSTC et les 26 millions de RAIDCOMARINE, il y en a pour plus du double, or vous le savez sans doute mieux que nous, une telle disparité est impossible dans un marché de fourniture et non de travaux. Mais passons aux autres.
- ASTILLOROS ZAMAKOVA S.A n’existe pas admettons que vous vouliez parler de ASTILLOROS ZAMAKONA S.A (http://www.astilleroszamakona.com/) ce n’est certainement pas cette petite unité de réparation navale basée à
Vizcaya et
Gran Canaria qui construira un patrouilleur de haute mer.
- ASTILLOROS ARMON, SA http://fis.com/armon/ cette société qui n’a pas de site Internet est tout juste répertoriée par un annuaire de business espagnole donc libre à vous de la considérer comme entreprise EUROPEENNE qualifiée pour postuler à ce genre de marché.
- FRANCISCO CARDAMA, SA, autre chantier naval espagnol situé à
Vigo mais dont l’un des plus gros marché est la construction en 2008 d’un remorqueur de 24 mètres pour l’
Angola.
- RAIDCOMARINE : c’est sans doute la seule entreprise qui ait l’envergure financière et la capacité technique pour honorer un tel marché mais à en croire son catalogue cette entreprise française construit surtout des vedettes rapides.
- CSTC : La China Shipbuilding Trading Co., Ltd. Est une entreprise chinoise fondée en 1982 mais qui a déjà une solide expérience en constructions navales mais les règles d’une saine concurrence ont-elles été respectées pour la sélectionner ?
Enfin nous ne pouvons terminer sans souligner
« l’argument » que vous nous assenez pour expliquer l’achat par le
Koweït et par l’
Algérie de bâtiments de la même catégorie moins cher, a savoir le prix du gros et du détail. Vous croyez vraiment que dans ce type de marché il y a des marges de l’ordre de quatre millions de dollars ? Ici vous ne mettez pas seulement en doute nos connaissances mais notre perspicacité et notre bon sens.
Mais si cela vous intéresse sachez que le
Yémen a acquis 10 patrouilleurs, conçus pour les plus hautes normes commerciales et utilisant les dernières techniques de construction, et l'utilisation de matériaux éprouvés pour US$55 million. Y compris des pièces de rechange et la formation pour 60 personnes. Mais nous sommes sûres que vous pouvez avoir toutes ces informations et même plus.
Pour finir nous ne pouvons qu’à notre tour, vous tirer nos chapeaux. Avec vos multiples occupations : lutte contre la pêche illégale, lutte contre l’émigration clandestine, surveillance de côtes, monitoring environnemental (même pour de fausses alertes), contrôle des usines à terre, distribution gratuite de poissons, ouverture de poissonnerie et nous en oublions sans doute, vous trouvez encore le temps de répondre, tel
Lucky Luke qui tire plus vite que son ombre, à tout ce que dit ou écrit la presse.
Sachez que ce n’est nullement un reproche que nous vous faisons, nous trouvons même que c’est un procédé civilisé pour faire valoir son point de vue et nous vous en sommes grès, mais prenez garde ! À force d’en user on risque d’être pris à son propre piège. Alors sans rancune !
PS : Nous avons comme vous l’imaginez, écrit à ces différentes sociétés pour leur demander si à leur connaissance elles ont participé à un appel d’offre en
Mauritanie. Nous n’avons pas encore reçus de réponses, mais comme nous, vous devinez aisément ce qu’il en sera mais soyez sûr que dès qu’elles nous parviendront nous vous les ferons partager.
MSS
Directeur Publication le
Quotidien de Nouakchott
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