Cridem

Lancer l'impression
08-03-2017

19:16

L’EDITO de RMI : Chaque jour est un 8 mars !

RMI Info - Si tu veux savoir si une nation est civilisée, observe la manière dont elle traite les femmes, disait-on jadis. En effet, un peuple soucieux d’honorer les femmes est toujours en avance vis-à-vis de celui qui les assigne et les conditionne à travers des idéologies réductrices, rétrogrades et machistes.

En Mauritanie, même si depuis la transition de 2005, le statut des femmes a été amélioré du point de vue de la représentativité politique (avec l’instauration d’une parité à hauteur de 20%), il n’en demeure pas moins qu’il reste beaucoup à faire. Dans le domaine professionnel, la notion d’égalité des chances fait toujours figure de vœu pieux scandé chez les autorités publiques.

Seule une réelle émancipation culturelle nous permettra de sortir des réflexes paternalistes qui relèguent les femmes au second plan au sein de la société. Si à l’étranger, on voit dans les médias des femmes qui remplissent publiquement les fonctions de maires et de parlementaires, au niveau de notre hémicycle, la loi sur la parité peine encore à se libérer du joug des traditions socioculturelles.

La scolarisation des filles

Malgré le fait que seulement 27% des filles en âge d’aller au secondaire soient effectivement scolarisées (enquête MICS Unicef 2015), depuis 2013, les filles dament le pion aux garçons pour l’obtention du baccalauréat. Dans les concours nationaux, elles parviennent à décrocher quelques postes de la fonction publique, pourtant traditionnellement confiés aux hommes.

Bien qu’il reste quasiment impossible d’évoquer avec exactitude le pourcentage des femmes qui exercent en tant que professeurs hospitaliers dévoués également à la recherche, si l’on compare la situation dans le milieu médical à celle qui sévissait il y a quelques décennies, on constate qu’un nombre croissant de femmes rivalise dans des spécialités autrefois réservées aux hommes.

Après la première femme avocate dans toute l’histoire de la Mauritanie Maitre Fatimata, le milieu judiciaire, très masculin, a été marqué en 2014, non sans résonance féministe, par l’arrivée de la première magistrate, Madame Oumeyma Mint Cheikh Sidya. Rappelons qu’à l’époque, certains membres du jury de la formation avaient contesté son admission.

Malgré cela, aujourd’hui, la magistrature reste encore exclue aux femmes en Mauritanie. Par deux fois, le Ministère des affaires, poste ministériel de souveraineté nationale, a été confié à des femmes.

Par ailleurs, quelques femmes se sont lancées dans l’entreprenariat afin d’expérimenter autre chose que l’investissement via les coopératives ou autres activités génératrices de revenus.

Bien qu’issus globalement de la classe moyenne urbaine, ces succès constituent de réelles victoires émanant de la scolarisation des jeunes filles. En revanche en milieu rural, la pauvreté, les mariages précoces et forcés provoquent encore, hélas, de trop nombreux et fatidiques décrochages scolaires. On ne peut que déplorer les chiffres alarmants de l’alphabétisation à l’intérieur du pays, quand on sait, par exemple, que dans la région du Guidimakha, seulement une femme sur cinq sait lire et écrire (enquête MICS 2015).

Les traditions ont la peau dure !

A peine sorties du processus d’émancipation féminine entamé dans les années 90, aujourd’hui encore les femmes mauritaniennes sont confrontées à plusieurs problèmes. Sur le plan institutionnel, et ce malgré la promulgation et la ratification de plusieurs conventions par nos autorités, leurs droits ne sont pas entièrement garantis, notamment en matière de sécurité et protection, lorsqu’elles sont victimes des viols ou agressions sexuelles. Limitées financièrement, quelques associations tachent d’apporter une assistance juridique et matérielle aux victimes.

La proposition du projet de loi relatif aux violences basées sur le genre (VBG) a suscité inutilement beaucoup de polémiques. La recrudescence des viols et des agressions de femmes nous astreint tous à nous engager pour protéger la dignité des Mauritaniennes. La loi VBG doit être vue comme un bouclier, mieux encore une arme de dissuasion et de protection qui la prémunit contre les dangers d’un mâle prédateur. Qu’il soit son mari, son frère ou un inconnu.

Les chiffres sur les viols à Nouakchott sont terrifiants. Ne devrions-nous pas être alertés quand on sait que dans un seul mois l’on enregistre près de 13 cas de viols ? Selon un responsable de l’Association Mauritanienne pour la santé de la Mère et de l’enfant (AMSME), spécialisée dans l’assistance des victimes des agressions sexuelles, le phénomène est en train de prendre des proportions incontrôlables.

Malheureusement, les lourdeurs des procédures administratives et judiciaires liées aux plaintes et aux jugements font que les crimes restent pour la majorité classés sans suite, quand bien même les officiers de police daignent accepter les plaintes. D’où la multiplication des récidives pour lesquelles la loi (VGB) prévoit que : « le juge assimile toutes les violences basées sur le genre au viol pour sanctionner leur auteur ».

Aujourd’hui, tous les citoyens mauritaniens doivent se mobiliser pour obliger nos autorités à promulguer le projet de loi sur les violences basées sur le genre afin de mieux protéger les femmes. Se joindre aux militantes pour réclamer le respect des droits de la Femme ne doit pas seulement avoir lieu lors d’une journée qui se célèbre chaque année.

Cet état d’esprit doit se manifester dans notre quotidien. En effet, une femme respectée et épanouie dans la société est, comme le disait le sage Amadou Hampaté Bâ, « un apôtre qui formera les hommes de demain ». Donc chaque jour est un 8 mars !

Bâ Sileye

Sileye87@gmail.com



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


 


Toute reprise d'article ou extrait d'article devra inclure une référence www.cridem.org