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29-04-2017

06:29

Les sites de mémoire de Djowol, benjamine des villes anciennes de Mauritanie

Le Quotidien de Nouakchott - Djowol la rebelle et benjamine des villes anciennes de Mauritanie.

Tu es Benjamine de par ta date de reconnaissance (2015) par l’état Mauritanien comme ville ancienne de Mauritanie. Tu aurais dû l’être depuis par la richesse de ton histoire, la pluralité et la diversité de tes sites de mémoire…

Le mérite de ta reconnaissance revient à Madame Hindou Mint Aïnina, à l’époque, Ministre de la Culture et de l’Artisanat qui s’est pleinement investie pour faire aboutir ce projet. Qu’elle trouve ici l’expression de notre admiration, pour son courage, son objectivité ainsi que notre profonde gratitude.

DJOWOL SAARE

Saaré était ton nom d’origine à l’époque de l’empire du Ghana. Depuis le 9ème siècle, ses habitants ont immigré vers le sud. Sur leur chemin ils fondèrent dans le département de Barkéol sur le Gorgol Noir un village qu’ils baptisèrent Djowol et qui existe encore, aujourd’hui. C’est par la suite qu’ils rejoignirent ton emplacement actuel situé à 18 km de Kaédi où ils t’appelèrent Djowol Yowi Loodé.

- Tu es Djowol Saaré Wadjoubé Ndeni

- Djowol Yowi Loodé

- Djowol Samaye Soudou Fowrou, Samaye Mbélou Haïré

- Samaye Sabboundou Gnakoké

- Hodé Djeeri, Loutti Djoogué Mayo

- Thiéné Thiagni Biri

- Djoogué Haïnoré

- Piyodji Ndaaré Thibé

- Lerani Djahodje

Djowol, Mo Mbégnou Ghana Samb Mariam Molo Borogo

Sounno et Margnadé

Ngada et Alkabéré

Takéré Libi Loodé Athia-Ni Doodido

Mbara Haïré, Mbara Mbêlou Haïré

Sounno Warani Wonebé Eless Mbélou Haïré.

Ces expressions en langue Pular exprimées sous forme de métaphore rappellent ton glorieux passé, la beauté de ton paysage ainsi que les chevauchées de ta belle cavalerie. Elles décrivent également la stratégie de combat qu’utilisaient tes braves fils pour te protéger et remporter les victoires contre les envahisseurs ennemis.

Ta jeunesse doit connaitre le rôle joué et le sacrifice consenti par nos ancêtres à travers certains de tes sites de mémoire tels que :

- Toulel Tabaldé

- Bilbassi

- Thourouyal

- Haïré Sounné

- Haïré Madjioubé

- Haïré Toodi ou Soudou Fowrou

- Makandiam et Hayordé

- Une ancienne forge découverte récemment (le 11 Septembre 2016) par Amadou Tijani Ba fils d’Ousmane Sadio à l’endroit nommé Mogo et Codé et qui n’a pas dit tous ses secrets.

- Koylel Mbara

- Koutou Tambirou

- Haïré Dammé

- Gaalé

- Silla Doré Khaaré (marigot qui porte le nom de Silla Doré)

- Ma Maro Goumba (le profond lac qui porte le nom de Ma Maro)

- Mama Sira Madi Khoolé (le Marigot qui porte le nom de Mama Sira Madi)

Ainsi que Haïré Youldé, ou Guidi Botonté, Haïré Tékéré et Demba Pathé ou Dempété

Toulel Tabaldé

Toulel Tabaldé est une vaste plaine située au sud ouest du village surplombant le champ de bataille du Bulbassi. Elle est limitée à l’est par Doundé Diawbé actuellement occupé par le village du Tinza à l’ouest par Koylel Mbara occupé par le jardin d’Eli Samba. C’était le lieu de rassemblement de tes braves troupes guerrières à l’annonce de l’attaque du village par les ennemis ou à la veille des grandes batailles. Elles répondaient ces troupes à l’appel du Tabaldé Djayndé, du chant guerrier Goumbala et aux Baoudi Alamari.

Bulbassi et Njarendi

Bulbassi est une immense étendue de sable blanc bordant la rive gauche du fleuve Sénégal. C’était un champ de bataille où il eut de nombreux affrontements sanglants. Parmi lesquels on notera en particulier la bataille de Bulbassi du redoutable guerrier Samba Gueladou Djegui.

Cette bataille fut tellement atroce et cruelle en causant de nombreuses victimes au point où l’historien pour la qualifier a prononcé la célèbre phrase suivante : Bulbassi, Bulbassi sable blanc devenu rouge du sang des héros.

Thourouyal ou Tidi Khassé

Thourouwal est situé à l’ouest du village sur la rive droite du fleuve Sénégal non loin de Haïré Dammé.

C’est l’endroit où a échoué par le passé un bateau à vapeur. Celui-ci avait heurté un gros rocher qui était au milieu du fleuve. Après cet accident le colon français a installé des repères pour les bateaux. C’est ainsi qu’à la place du rocher, il a été fixé un long poteau métallique à l’intérieur duquel on a placée une lampe pour guider les bateaux la nuit. Ce poteau, est tombé il y a quelques quatre ou cinq ans, et il n’a jamais été remplacé.

Thourouwal rappelle aussi la résistance héroïque que sept de tes fils ont opposée aux colons français pour arrêter le travail forcé imposé par ces derniers aux populations de la vallée du fleuve Sénégal.

Thourouwal est une grande barque que certains appellent Chaland. Elle servait de moyen de transport sur le fleuve Sénégal avant l’avènement des bateaux à vapeur. Cette barque chargée de marchandises pour se déplacer était tirée par sept jeunes gens recrutés au niveau de chaque village tout le long du fleuve. Ces jeunes marchaient sur les bords du fleuve de jours comme de nuits bravant tous les obstacles. Arrivé au niveau d’un village les premiers jeunes se reposaient et ils étaient remplacés par de nouvelles recrues. Il en était ainsi jusqu’à arrivée à destination. Cette corvée a été supprimée au niveau du village de Djowol.

En effet, les sept jeunes de Djowol retenus par les colons ont refusé de s’exécuter. Pour se faire, l’un d’entre eux Abdoul Dicko Dia cracha sur le drapeau français et les autres se joignirent à lui pour le brûler. Après ce geste des jeunes, le colon abatta Abdoul Dicko d’un coût de fusil et les autres s’enfuirent et se dispersèrent dans la grande forêt qui entourait à l’époque le village de Djowol. Parmi ces sept jeunes, qu’on appelle Thiopi Djowol, nous n’avons pu identifier que six d’entre eux.

Il s’agit de :

- Sedoum Wélé

- Abdoul Dicko Dia

- Bouna Amadou Waïga

- Samba Wantcha Wélé

- Abdoul Baboye Ba

- Oumar Demba Wele

Haïre sounne

Haïre sounné est la montagne qui surplombe les cimetières et qui fait face au nord à la montagne de Toodi plus connu sous le nom de Soudou Fowrou. C’est sur cette montagne que se plaçaient les sentinelles chargées de surveiller les mouvements des troupes ennemies qui voulaient s’attaquer au village.

Toodi ou Soudou Fowrou

C’est la montagne qui est située au nord et qui fait face à Haïré Sounné. Soudou Fowrou est une montagne qui possède une caverne. C’est dans cette caverne, que les chefs des troupes guerrières du village viennent se rencontrer et se préparer avant d’aller à Toulel Tabaldé. C’est cet endroit qui servait de cachette pour leurs fétiches. Toodi est devenu par la suite Soudou Fowrou du nom d’une hyène féroce. Cette hyène avait terrifié toute la sous région avant de venir se cacher dans cette caverne. Les guerriers Djowolois l’ont abattue. Avec l’avènement de l’islam, cet endroit est devenu la place de prière des grandes fêtes de Tabaski et de korité.

Haïré Madjoubé

C’est la montagne autour de laquelle les villages de Djowol et Gori (Soninké) ont fini par s’installer définitivement à leur retour de la rive gauche du fleuve. C’est sur cette montagne que les colons français voulaient construire un FORT. Mais c’est sans compter avec la détermination et le rejet de la politique française de colonisation des populations de la vallée du fleuve.

Lors que les français construisaient les murs de la fondation le jour, la nuit, les jeunes du village procédaient à leur destruction. Le lendemain matin il était raconté aux français que l’endroit est habité par de mauvais esprits qui n’acceptent pas la cohabitation dans ce lieu. Ainsi, le projet de construction du Fort de Djowol fut abandonné.

C’est l’occasion pour moi, de prendre le contrepied de la thèse qui voudrait faire croire que la création des villages du sud de la Mauritanie date de 1904 c’est une contre vérité historique. La vérité est que il existait dans cette région sahélienne, avant l’arrivée des français un grand banditisme et des crimes organisés. Il y avait surtout de fréquentes razzias pratiquées par des hordes berbères Maure sur les populations de la vallée. Pour protéger les personnes âgées, les femmes et les jeunes et pour des raisons de stratégie guerrière les responsables des villages déplacèrent ces populations pour les installer sur la rive gauche du fleuve Sénégal qui leur sert désormais de barrière.

Ceci est d’ailleurs confirmé par l’adage Pular suivant :

Marewo Romka, Ndé Worgo Hodha qui signifie littéralement : c’est par dépit que le nord a été abandonné au profit du sud.

Seuls les hommes valides étaient restés sur place pour en découdre avec ces brigands. Il y a lieu de rappeler pour ceux qui ne le savent pas, qu’à l’époque ces populations vivaient ensemble dans le royaume du Fouta qui couvrait les deux rives du fleuve. Il y avait également le Guidimakha et le Gadjaga situés au nord est et à l’est du Fouta. Ces deux contrées peuplées de Soninké étaient dirigées par des chefs guerriers Tounka Lémou. Le Royaume Wolof du Walo quant à lui était situé à l’ouest du Fouta. Il s’étendait sur les deux rives du fleuve Sénégal, de Tekane à Keur Macene. Le Walo était dirigé par de terribles guerriers Walo Bracks. Le Fouta était divisé en plusieurs provinces gouvernées chacune par un chef guerrier. Au nombre de ces provinces on peut citer le Damga, le Nguenar avec comme chef le célèbre et redoutable Farba Djowol, le Bossoya, le Yirlabé hebiyabé, le Law, le Halaybé, le Toro ainsi que le Dimatt.

C’est avec la colonisation française que ces entités ont été supprimées ou modifiées. Un nouveau découpage territorial fut établi avec de nouvelles frontières qui séparèrent les familles. Ce nouveau découpage a fait de certaines familles des sénégalaises d’autres des mauritaniennes et maliennes dont nous vivions aujourd’hui les conséquences dramatiques.

Plusieurs batailles entre les populations de la vallée et ces brigands maure mais qui n’ont été enregistrées que par la tradition orale, ceci bien avant l’arrivé des français. Cette situation continua jusqu’à la période coloniale. On citera entres autres batailles à titre d’exemple, la bataille mémorable que les Halaybés de la région de Boghé ont livrée contre l’émirat du Brakna de Sidi Eli. Cette bataille a eu lieu dans les années 1800 qui a été retenue par l’histoire écrite. C’est quand la France a mis fin à la pratique des grands brigands et que la paix est revenue les populations qui étaient déplacées sont revenues rejoindre leur cité sur la rive droite du fleuve. C’est peut être que c’est ce retour correspond à l’année 1904.

Haïré Dammé

Cette montagne a été un lieu d’affrontements sanglants entre les jeunes guerrier du village de djeol et les berbères maure pratiquant la razzia qui les avaient attaqués.

En souvenir de leur défaite sanglante ils ont nommé la montagne Deum qui signifie le sang en maure.

Les villageois ont repris le terme Deum en le déformant pour devenir Dammé.

Gaale

Gaalé est un ancien village qui a disparu. Il était situé au nord, non loin du village de Ngolo qui porte le nom de Ghahira.

Gaalé fut la capitale et le lieu de résidence du célèbre guerrier Konko Boumoussa qui a livré bataille contre Samba Gueledjo Djegui à Bilbassi.

Koutou Tambirou

Koutou tambirou chez les soninké et Koylel Mbara chez les pular étaient les endroits où se retrouvaient les jeunes de 9 à 10 ans pour subir la circoncision avec tout le cérémonial qui l’accompagnait, à l’époque.

J’invite au terme de cet article, les cadres, les élus de nos villages en particulier la jeunesse à identifier, recenser, valoriser afin de les sauvegarder, les sites de mémoire de nos anciennes cités. Une fois ce travail fait, nous investir pour qu’ils soient pris en charge par l’Etat, ce qui est peu probable dans l’état actuel de notre pays. A défaut de cette prise en charge par l’Etat, nous en occuper nous mêmes pour restaurer ces témoins de notre riche histoire qui a été totalement occultée et falsifiée.

Abdoulaye Oiga

Ancien DG de la CNSS, Mauritanie





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