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10-05-2017

05:00

Rapport Alston : Encore beaucoup d’efforts à faire

Le Calame - Le Rapporteur spécial des Nations Unis sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté a entrepris du 2 et au 11 mai 2016 une mission en République Islamique de Mauritanie qui a ratifié les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Selon les termes de son rapport, les objectifs de sa visite, qui a suscité une grande polémique, étaient de voir si les politiques et programmes mis en œuvre par la Mauritanie pour lutter contre l’extrême pauvreté étaient conformes à ses obligations en matière des droits de l’homme.

Pour cela, le rapporteur spécial a rencontré de hautes personnalités gouvernementales, notamment, le premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, les ministres de l’intérieur et de la décentralisation, de l’économie et des finances, des affaires sociales, de l’éducation nationale , les directeurs généraux de l’Office National des statistiques, de l’agence nationale pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté et de l’agence nationale de la population et des titres sécurisés, le commissaire à la sécurité alimentaire et la présidente de la Commission Nationale pour les Droits de l’Homme.

Le rapporteur a rencontré aussi les partis politiques et les responsables des organisations de la société civile. Selon le rapport, la pauvreté reste encore présente, malgré les énormes ressources dont dispose le pays (minéraux, poisson, cheptel et terres cultivables) aussi bien en zones urbaines qu’en zones rurales où les populations vivent encore dans un grand dénuement.

Le rapport cite une enquête commanditée par les autorités en 2014 selon laquelle la pauvreté aurait été ramenée de 42% en 2008 à 31% en 2014 et l’extrême pauvreté de 25,9 % à 16,6% au cours de la même période.

Dans son paragraphe VI intitulé ‘’problèmes spécifiques liés à certaines communautés nationales’’, le rapporteur écrit : ‘’ Les Harratines (Maures Noirs) et les Afro-Mauritaniens sont systématiquement absents de la quasi-totalité des postes de responsabilité et constamment exclus de nombreux aspects de la vie économique et sociale’’.

Pour illustrer ses propos, le rapporteur cite des statistiques contenues dans un rapport de 2014 selon lequel : ‘’ seuls 5 des 95 sièges à l’Assemblée Nationale étaient occupés par des Harratines et un seul sénateur sur 56 appartenait à ce groupe. De plus, 2 des 13 gouverneurs régionaux et 3 des 54 préfets départementaux sont Harratines ».

Le rapporteur cite une autre étude dont les chiffres sont de 2005 selon laquelle 90% des officiers de l’armée étaient beydanes, 7% harratines et 3% Afro-Mauritaniens. Dans le rapport, des problématiques comme la question foncière, le registre de l’état-civil et le cadre national de lutte contre la pauvreté sont également évoqués.

Sur ce dernier point, le rapporteur ne semble pas satisfait des prestations de l’agence Tadamoun créée en 2013 et disposant d’un budget de 20 millions de dollars qui ne serait pas, d’après l’appréciation du rapport, suffisants pour s’acquitter de sa triple mission de lutte contre les séquelles de l’esclavage, de l’insertion des rapatriés et de l’éradication de la pauvreté.

Selon le rapporteur, « l’agence a choisi de montrer peu d’empressement par rapport à ces deux derniers rôles » (NDLR : la gestion des questions de l’esclavage et l’élaboration et la mise en œuvre de programmes visant à promouvoir la réinsertion) .

Plus loin le rapporteur écrit : « Bien que Tadamoun prétende être une agence de développement, elle fonctionne dans la pratique davantage comme une association caritative cherchant à laisser sa marque en réalisant des activités de construction ».

Puis le rapporteur continue en évoquant les défis liés à l’élimination de l’extrême pauvreté. Selon lui, il y a d’abord l’absence de reconnaissance des droits sociaux et économiques qui sont mentionnés dans le préambule de la constitution, mais qui ne sont pas pris en compte dans les dispositions de fond de la loi fondamentale.

Ensuite, l’absence de données précises et ventilées, la corruption et le manque de transparence. Enfin, la restriction du champ d’action de la société civile et la coordination des donateurs. Au niveau de son paragraphe VII, le rapporteur a fait des recommandations pour améliorer l’état des lieux des droits de l’homme et la lutte contre l’extrême pauvreté en Mauritanie.

La première de ces recommandations est que pour être pertinente, la stratégie doit se fonder sur un compte rendu réaliste de la situation actuelle et contenir des objectifs raisonnables et mesurables et indiquer précisément qui mettra en œuvre les politiques et de quelle manière ?

Le gouvernement devrait ensuite reconnaître l’étendue de ses obligations internationales et organiser un dialogue national sur les questions foncières. Il doit encore procéder à une importante révision du cadre juridique du régime de la propriété foncière sur la base de consultations approfondies avec les communautés et les individus touchés.

Synthèse d’El Kory Sneiba



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