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18-08-2017

13:51

Sur la piste des découvreurs du Sahara

La Liberté - Les grandes figures de l’exploration civile et militaire sont à l’honneur au Musée saharien, à Montpellier.

Aussi inaccessible que mystérieux, le Sahara est resté longtemps terra incognita. Ce n’est qu’au XIXe siècle que ce monde hostile a été exploré et cartographié par des aventuriers téméraires, souvent au péril de leur vie. Ces figures de l’exploration civile et militaire sont dés­ormais mises en lumière au Musée saharien, aux portes de Montpellier, un nouveau musée entièrement dévolu à l’histoire et aux populations du plus vaste désert de la planète.

«J’ai découvert le Sahara comme pilote automobile en faisant le Paris-Dakar. Le désert m’a scotché! Magnifique! Des paysages somptueux, des ethnies passionnantes, des modes de vie captivants», confie avec l’accent du Midi le fondateur du musée, Bernard Adell, accueillant les visiteurs dans la bâtisse de style berbère, inaugurée en 2014 avec le soutien de la Rahla, l’Amicale des Sahariens.

Déguisé en mendiant

Sur deux étages, l’édifice recèle un trésor d’Ali Baba: cartes tracées à la main, coffres mauritaniens, sabretaches, sacs tassoufra en cuir à franges, boucliers en peau d’oryx, épées et lances de combat touareg, sabres du Pays dogon, bâts et selles du Hoggar, fusils arabes moukala à silex, burnous de caïd brodés, tenues de tirailleurs et de chasseurs d’Afrique, fanions, tente de Touareg en peaux de chèvre, instruments de musique, bijoux, croix du Sud... le tout d’origine!

Le décor est planté. Il n’y a plus qu’à suivre le guide pour se plonger dans le passé des pionniers du Sahara: «Le premier explorateur à débarquer à Tombouctou, au Mali, c’est le major écossais Alexander Gordon Laing, en 1826. Il passe par le désert de Tanezrouft, se déguise en mendiant pour entrer dans la ville, y reste un mois, fait des croquis, en ressort indemne, mais est égorgé 30 km plus loin. On n’a jamais retrouvé ses dessins», raconte Bernard Adell.

Exploit primé


Le major Laing étudiait alors l’hydrographie du bassin du Niger. Il aurait été tué sur ordre d’un chef nomade parce qu’il refusait de reconnaître le prophète Mahomet. C’est du moins l’avis du Français René Caillié, 2e Européen à entrer à Tombouctou. Lui s’en sortira vivant, en 1828. «Il s’est familiarisé auparavant avec la langue arabe et l’islam. Il a pris une identité musulmane pour éviter de se faire tuer», explique l’ancien garagiste féru d’histoire.

René Caillié se fait passer pour un humble lettré, fait des croquis qui sont conservés aujourd’hui au Musée des Invalides à Paris, se dit finalement déçu par Tombouctou, déjà sur le déclin. Premier Occidental à revenir de la ville mythique, il reçoit les 10 000 francs promis par la Société de géographie de Paris.

Bernard Adell est intarissable lorsqu’il évoque les découvreurs du Sahara, qu’il a lui-même «approchés» sur le terrain grâce à un ami professeur à l’Université mauritanienne de Nouakchott. Et grâce à la rencontre et à la générosité de descendants de colons, comme la famille de l’administrateur Xavier Coppolani, le «pacificateur de la Mauritanie» tué en 1905.

Notre guide cite l’Ecossais Hugh Clapperton, l’un des premiers à être allé au lac Tchad, en 1823. Ou le Français Paul Flatters, qui part d’Alger en 1880 avec 93 tirailleurs et ingénieurs pour étudier la création d’une ligne de train transsaharienne. La caravane se fait attaquer en 1881. Tous les Français sont tués.

Plus tard, en 1900, la mission Foureau-Lamy à travers le Sahara finit tout aussi mal: le commandant Amédée Lamy est tué lors de la bataille de Kousseri. Le musée expose aussi quelques vestiges de la «croisière noire» de Citroën, qui a traversé le Sahara en 1924 avant de rejoindre l’île de Madagascar.

La liste des aventuriers sahariens est longue. Le plus intrépide, selon notre guide, c’est Camille Douls. A peine débarqué, ce Français est fait prisonnier par les Maures. Devant le chef et le marabout, il se met à réciter des versets du Coran, un jour, deux jours, trois jours... jusqu’à être relâché. Il reste alors dans la tribu et participe même à des attaques de caravanes! Il ne s’enfuit que lorsque le chef veut lui donner sa fille! Démasqué lors d’un second périple, il est égorgé par ses guides en 1889.

Le Musée saharien fait également la part belle aux éminents connaisseurs du désert qu’étaient le scientifique, naturaliste et humaniste Théodore Monod et le Père ermite Charles de Foucauld. Ce dernier, auteur d’un dictionnaire touareg-français en quatre tomes qui fait encore autorité aujourd’hui, a été assassiné en 1916 et béatifié en 2005 par le pape Benoît XVI. Les visiteurs peuvent admirer son barographe, qu’il utilisait pour ses relevés météorologiques, mais aussi quelques reliques du «Frère du désert»... que convoiterait volontiers le Vatican!

Musée saharien, Le Crès (Montpellier).

 Renseignements: http://museesaharien.fr

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Hommage au photographe suisse du désert

Le Suisse Maximilien Bruggmann a arpenté le Sahara en long et en large pendant des années pour révéler par l’image les mystères cachés du désert. Le guide saharien Jean-Claude Bourgeon l’a plusieurs fois accompagné.

Sous son chèche indigo, le regard du chef Abakaoua, souligné d’un trait de khôl, révèle toute la fierté touareg. Le vieil homme a été photographié dans la région de l’Aïr, au Niger, par le Suisse Maximilien Bruggmann, décédé en août 2016. Le reporter globe-trotteur aux 100 000 diapositives et soixante ouvrages illustrés (notamment aux Editions Silva) est actuellement à l’honneur au Musée saharien, à Montpellier. Grand passionné du désert, il se rendait fréquemment dans les lieux les plus reculés du Sahara à la rencontre de ses amis nomades ou à la recherche de gravures rupestres.

«Le chef Abakaoua participait aux missions françaises du Centre d’éducation renforcé (CER), qui ont été menées deux fois par an entre 2000 et 2006 dans le Sahara. Il portait la sagesse de la caravane», se souvient le guide Jean-Claude Bourgeon, qui a plusieurs fois accompagné le photographe dans le désert. Chaque mission du CER était destinée à une quinzaine de mineurs délinquants multirécidivistes, auxquels la justice française proposait un dépaysement total de trois mois pour «casser leurs repères» et leur permettre de «découvrir d’autres valeurs» en vivant auprès des Touareg. Le Suisse Maximilien Bruggmann a participé aux expériences hivernales. Il en a ramené les superbes et émouvantes photographies actuellement à voir au Musée saharien. Une vitrine permanente lui sera consacrée dès l’an prochain. PFY

http://maximilienbruggmann.com

Pascal Fleury
 de retour de Montpellier



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