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21-11-2017

21:15

La littérature mauritanienne s’enrichit de deux nouvelles publications aux Editions Joussour/Ponts

Le Quotidien de Nouakchott - La maison d’édition Joussour/Ponts vient de publier deux ouvrages portant sur la littérature mauritanienne. Il s’agit d’abord de Les clandestins, une fiction littéraire de Harouna Ousmane N’Diouk et ensuite de Regards sur la littérature mauritanienne francophone, Essais critiques, un recueil d’articles du professeur Mamadou Ould Dahmed.

Né en 1972 à Dieuk, dans la Wilaya du Trarza, l’auteur de Les clandestins est un technicien supérieur en radiologie au Centre Hospitalier des Spécialités, après un bref passage par le département de philosophie de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Nouakchott.

Féru de lecture et d’écriture, il signe là son premier roman, consacré à l’immigration ; un sujet qui défraye la chronique journalistique et l’actualité politique, quand il n’alimente pas les faits divers tragiques ; un phénomène dont notre pays devient malheureusement parfois un passage obligé des victimes.

Les clandestins est le récit palpitant des destins extraordinaires de jeunes gens en partance pour l’Espagne, portés par la quête d’un avenir meilleur.

Le roman donne la parole, tour à tour, à Ibou Diop, Amar Sarr, Mbareck et Silly Diarra ; d’étonnants voyageurs qui racontent leurs histoires à l’attention amusée et complice du Niak.

Et le lecteur oublie, comme d’ailleurs ces immigrés eux-mêmes, les dangers de l’aventure, la violence des passeurs et même les drames au bord de l’embarcation de fortune, pour se laisser bercer par un style simple, agréable, qui allie l’originalité de l’expression à l’invention lexicale du Niak qui, grâce au mélange du français et de l’anglais, réussit parfois des trouvailles langagières à couper le souffle.

Pourtant, chacun des immigrés porte en lui l’histoire tragique qui l’a poussé vers l’immigration, devenue le seul espoir pour réaliser ses rêves. Ibou explique son drame par le poids de la tradition, responsable de tous ses déboires ; c’est aussi le cas d’Amar Sarr, alors que le récit de Mbareck est alimenté par son passé d’esclave.

Avec Silly Diarra, le tragique de la condition humaine prend le visage de la pauvreté, des injustices sociales et l’absence d’entraide, autant de questions qui ont donné sens à son engagement puis à son départ ensuite.

Avec Les clandestins, le roman mauritanien francophone aborde une problématique très actuelle, celle de l’immigration et le lecteur découvre un auteur plein d’imagination, maitrisant à la fois les contraintes de la narration et les secrets du dialogue et au-delà de tout cela capable, à chaque fois, d’inventer le langage particulier à tel profil de personnage et à telle situation romanesque.

La littérature mauritanienne s’enrichit de deux nouvelles publications aux Editions Joussour/Ponts

L’auteur du deuxième ouvrage, Mamadou Ould Dahmed, est un enseignant-chercheur à l’Université de Nouakchott Al Aasriya, chef du département des Langues Vivantes de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, membre du Groupe de Recherche en Littératures Africaines (GRELAF), et vice-président de L’Association des Ecrivains Mauritaniens d’Expression Française.

Spécialiste de littérature et psychanalyse, il a déjà publié Le Héros monstrueux, une lecture psychanalytique du personnage romanesque de Stendhal, en 2015, aux éditions l’Harmattan et codirigé la publication de l’ouvrage La poétique de l’histoire, paru chez le même éditeur en 2014.

Il est aussi co-auteur de L’Anthologie de la littérature mauritanienne, Editions Joussour/Ponts, 2016. Regards sur la littérature mauritanienne, Essais critiques est un recueil d’articles inspirés par la littérature mauritanienne de ces dernières années.

Il s’agit, dans certaines études qui y figurent, de présentations de romans pour des lecteurs soucieux d’avoir une vue synoptique sur les œuvres et dans d’autres d’analyses approfondies de quelques aspects thématiques ou formels.

Deux articles portant, l’un sur Un à Nègre à Paris de Bernard Dadié et l’autre sur La Vie et demie de Sony Labou Tansi, encadrent ces essais sur le roman mauritanien francophone.

Pour une présentation plus exhaustive de l’ouvrage, le lecteur lira utilement le commentaire suivant proposé, en guise de préface à l’essai, par le docteur Mohamed Ould Bouleiba Ould Ghraab, spécialiste de la critique et de la littérature comparée : « Cinq auteurs, après B. Dadié, passent respectivement sous la loupe de l’essayiste :

Moussa Ould Ebnou, dont deux romans (Barzakh, L’Harmattan, 1994 et L’Amour Impossible, L’Harmattan, 1990) sont longuement analysés, Idoumou Ould Mohamed Lemine Abass, avec Igdi, les voies du temps (Langlois Cécile, 2015) et Le fou d’Izziwane (Langlois Cécile, 2016), Beyrouk, avec Le Tambour des Larmes (Elyzad, 2016), Barhim Ould Bacar Sneiba, avec Soufi, le mystique qui faisait peur (Editions Thala, 2016) et Sony Labou Tansi, dont deux œuvres majeures, La vie et Demie (Le Seuil, 1979) et L’Etat honteux (Le Seuil, 1979) illustrent la nouvelle écriture africaine dont l’auteur congolais est, à juste titre, l’inventeur grâce à son lexique innovant et, aussi, la poétique pittoresque de ses écrits.

Chaque fois, Mamadou Ould Dahmed donne un résumé méticuleux de l’œuvre qu’il étudie et en dégage les grands axes thématiques, avant de pénétrer, attentif à tous les détails textuels et subtilités stylistiques, dans les implicites et les symboles de l’œuvre.

Ainsi, dans l’article inaugural de ce recueil d’essais, « Un nègre à Paris, de Bernard Dadié ou la découverte de l’Autre », l’auteur traque les manifestations de l’altérité dans le roman ivoirien ; suit les traces laissées par l’Autre (le colon, en l’occurrence) chez le héros « décryptant [le] cheminement psychologique [de ce dernier] qui le fait passer par un processus de questionnements le conduisant à la prise de conscience ultime ».

Il confirme ainsi la prédilection pour l’analyse psychanalytique du roman dont il fait preuve déjà dans son travail sur Stendhal et qui deviendra plus prononcée avec l’étude qu’il consacre à Barzakh de Moussa Ould Ebnou, « drame individuel aux accents œdipiens indéniables », avant de se poursuivre d’ailleurs avec la lumineuse note de lecture qu’il consacre au dernier roman de Beyrouk sous la titre « Déshonneur et honneur des femmes dans Le Tambour des larmes » et l’article très fouillée et documenté sur de Le fou d’Izziwane d’Idoumou, opportunément intitulé « Troubles de l’identité : récits des origines et origines du récit ».

Mamadou Ould Dahmed allie, dans ce recueil d’articles, la précision de style qu’exige la rigueur scientifique à la clarté du travail pédagogique. L’élégance du style de l’auteur et une certaine touche poétique née de son interaction avec ses objets d’études donnent à l’ouvrage l’allure d’une vraie œuvre de création qui se lit avec un beaucoup de plaisir.



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