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20-01-2018

14:33

Mauritanie : Un changement de base monétaire pour quoi faire ?

Afrimag - La banque centrale mauritanienne s’apprête à rappeler les billets de banque et pièces de monnaie en circulation pour les remplacer par de nouvelle. L’opération se passera avec un changement de base monétaire : une ancienne ouguiya ne vaudra qu’un dixième de la nouvelle.

A près un nouveau drapeau et un nouvel hymne controversés, la Mauritanie s’apprête à connaître un autre changement d’envergure économique, cette fois. L’ouguiya, devise nationale, en vigueur depuis la sortie de la Mauritanie dans la zone Franc, change de base, selon une décision de la Banque centrale.

La monnaie garde son nom actuel : "ouguiya", tous les anciens signes qu’il s’agisse de billets ou de pièces seront démonétisés pour être remplacés par de nouveaux.

Au passage, la “nouvelle ouguiya” qui sera reconnue dans les standards internationaux par le sigle MRU vaudra dix fois “l’ancienne ouguiya”, le MRO. “Aussi, cette nouvelle reforme, vise à restructurer et à moderniser notre monnaie fiduciaire à travers la démonétisation des différentes séries de billets de banque et de pièces de monnaie (MRO) actuellement en circulation et leur remplacement par de nouvelles séries ouguiya (MRU), plus fortes, plus sûres, plus durables et plus novatrices”, souligne de manière plus détaillée Abdelaziz Dahi, le gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie.

Evidemment, beaucoup se posent des questions sur les raisons de ce changement. Et aux autorités monétaires et financières de se lancer dans une longue série d’arguments dont le premier “la circulation importante et l’utilisation excessive du cash”.

En réalité, dans une économie peu bancarisée, la quasi-totalité des transactions se font par l’intermédiaire des billets de banque et des pièces de monnaie. Rares sont les commerçants qui utilisent les chèques. Quant à la carte bancaire, au virement et au paiement par internet, ils n’interviennent que pour des opérations spécifiques. L’Etat mauritanien et les grands groupes comme la société minière SNIM, les banques et autres compagnies d’assurance ou opérateurs téléphoniques sont les seuls pratiquement à y recourir régulièrement dans leurs transactions ou lors du paiement des salaires. Même certaines transactions qui se chiffrent facilement en millions d’ouguiya se font en espèces. A chaque fois, il faut compter et recompter, ce qui ne facilite pas la vie aux agents économiques.

Le deuxième argument qu’évoque la Banque centrale est qu’elle a la lourde responsabilité de la “gestion d’une circulation simultanée de plusieurs séries de billets et de pièces de douze dénominations chacune avec des formats et des supports variés”. En somme, cette réforme permettra d’uniformiser les signes fiduciaires de l’émetteur central mauritanien. Cette simplification permettra une meilleure utilisation de la monnaie, il est vrai. Les étrangers qui se rendent souvent en Mauritanie peuvent en témoigner, pour chacun de leur voyage, ils sont obligés d’avoir un temps d’adaptation relativement long, avant d’acquérir les réflexes. La simple vérification de l’appoint rendu par un commerçant devient une gageure.

Il y a ensuite trois autres arguments que note la Banque centrale et qui sont inhérents à la rationalisation de la production des signes et de leur gestion. En effet, il est plus facile de gérer des séries de billets et pièces qui se limitent à des multiples de centaines. L’actuel système fiduciaire va des pièces de quelques unités aux billets de 2000 ouguiyas. La qualité des billets en circulation est devenue douteuse, de sorte que les faussaires peuvent facilement exploiter cette faille. Enfin, gérer autant de billets et de pièces entraîne des charges importantes pour la banque centrale, alors que le PIB mauritanien n’est que de 4,64 milliards de dollars en 2016.

Néanmoins, certains craignent que cette réforme n’entraîne une hausse des prix. En effet, la baguette de pain qui coûte actuellement 140 “anciennes ouguiyas” sera-t-elle vendue à 14 “nouvelles ouguiyas » ? C’est théoriquement ce qui est censé se passer. Mais ce qui risque de se produire c’est que beaucoup de commerçants feront des arrondis à la dizaine supérieure, ce qui fera que la baguette finira dans quelques mois coûter pas moins de 20 nouvelles ouguiyas. Il devrait en être ainsi avec tous les produits de premières nécessités qui sont vendus en détails dans le petit commerce.

A titre d’exemple, c’est ce qui s’est passé au moment du passage à l’euro dans tous les pays européens et le budget des ménages pourrait en prendre un sacré coup. Alors que les salaires, eux, resteront à leur niveau actuel avec un zéro en moins dans les bulletins de paie.

Par Mar Bassine Ndiaye Comité Editorial – Casablanca



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