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15-11-2018

09:23

L’histoire parlera-t-elle plus de Mohamed Ould Abdel Aziz, hors du palais ?

Le Rénovateur Quotidien - En Afrique, il est difficile pour l’homme venu à la tête de l’appareil d’Etat de sortir la tête haute, par la grande porte du palais, sous les vivats du peuple.

Faudrait-il des qualités exceptionnelles, une chance inouïe pour arriver à cette ligne finale si sublime du destin politique d’un dirigeant de surcroit venu à la suite d’un coup d’état. Ceux qui sont arrivés par cette voie quittent rarement par les grands Adieux. Même si leur reconversion à la démocratie leur procura le visa de « fréquentabilité » durant le temps passé à « moudre » les affaires.

Depuis son arrivée au pouvoir et après une période de transition démocratique et deux quinquennaux bientôt sonnés, Mohamed Ould Abdel Aziz vient en troisième position en termes de longévité à la tête du pays après Ould Taya et le défunt fondateur Moktar Ould Daddah.

La nation tout entière a marché au pas, au rythme des amendements constitutionnels et autres réformes controversées avec des épisodes d’incertitudes et de désespoir de remettre le pays sur les rails d’un changement de cap où plus jamais on ne volera au peuple sa victoire si tant est que c’est ce dernier qui décidera de son sort. En deux scrutins présidentiels, le rêve d’une alternance démocratique apaisée portant au sommet un outsider de grande trempe patriotique ne fait que s’éloigner.

Autant dire que durant toute cette période, le pays marchait à reculons sur un chemin rocailleux malgré de nombreux défis que le président sortant pouvait affronter avec intelligence après en avoir pris en grande pompe l’engagement. Mohamed Ould Abdel Aziz avait-il de bonnes dispositions de s’attaquer aux dossiers brûlants desquels dépend l’unité nationale sans laquelle point de démocratie apaisée. Sur le passif humanitaire, le geste du reste symbolique « sanctifié » par la prière de l’absent dans la capitale du Gorgol a plus une allure politique visant à mettre le « règlement » du passif humanitaire à l’actif d’un régime en mal de reconnaissance que d’une recherche de solutions consensuelles dignes de l’histoire. Le président ayant accompli son plan de liquidation de ce dossier ne voudrait plus en entendre parler.

Pire, il s’emporte à sa moindre évocation, se contentant de fossiliser cette page douloureuse par la réparation matérielle à laquelle les ayant-droits par l’impatience et les pressions de certains hommes de service ont souscrit, sous réserve d’un refus d’absoudre les crimes par les indemnisations où seul le devoir de vérité, de mémoire et le droit à la justice se dresseront en rempart contre l’impunité. Les souvenirs cauchemardesques de l’enfer d’Inal viennent à chaque célébration de la fête de l’indépendance réveiller les souvenirs macabres de soldats sacrifiés à l’autel de l’abominable messe des « sangsues » dédiée à un événement à jamais entaché par des actes si barbares.

Ce passif durera aussi longtemps que l’indifférence aux appels des familles à un traitement humain demeurera la réponse catégorique. Sur le dossier de l’esclavage, le président a raté l’occasion de s’ouvrir aux défenseurs des droits de l’homme pour crever l’abcès après avoir durci les lois sur cette pratique requalifié de crime contre l’humanité. Au final, tout l’arsenal juridique ne sera consacré qu’à une propagande politique pour amuser la galerie face à l’internationalisation de la lutte des abolitionnistes dont la répression policière, l’emprisonnement continuent d’aggraver les charges contre le gouvernement sur son incapacité à appliquer la justice aux fins d’éradiquer ce phénomène.

La suspension de la Mauritanie de l’AGOA en est une illustration. Dans un monde où les valeurs s’universalisent et le droit une redoutable arme « conventionnelle » entre les mais des grandes puissances, la politique de l’autruche n’est plus un mode opératoire pour un gouvernement soumis aux conventions internationales. En refusant de se conformer à l’évidence de certains faits dont il n’est pas l’instigateur direct, et d’agir avec tact, MOAZ s’est fourvoyé dans une politique de surenchère après avoir livré une guerre sans merci sur tous les fronts non sans avoir perdu bien de batailles. Venu au pouvoir par la force du destin, l’homme fort du pays s’est imposé comme le dirigeant le plus ambigu dans ses motivations, le hér(os)aut qui aura vendu au prix fort l’image de la Mauritanie en bien ou en mal.

Les scandales réels ou supposés dans les affaires d’Etat comme l’affaire Sénoussi, les biens de Diamé, les accords secrets avec des Djihadistes, le Ghanagate, les ventes de certains domaines publics seront-ils un jour, à côté des actifs du président sortant des passifs dont l’histoire parlera quand il sera loin du palais présidentiel. On comprend de plus en plus, le long suspens qui entoure le départ de l’ex-général à la recherche d’un fidèle successeur à qui il passera le témoin, le temps de pouvoir peut-être rebondir un jour…

CTD



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