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09-01-2019

12:30

Lo Gourmo Abdoul : « Des communautés entières sont considérées quasiment citoyens de seconde zone »

Initiatives News - Ce mercredi, à l’appel du gouvernement, les mauritaniens marchent contre « le discours de haine et l’extrémisme. » le FNDU (forum national pour la démocratie et l’unité) à décliné l’invitation à cette marche. Pourquoi ? Réponse de Lo Gormo Abdoul, vice-président de l’Union des forces de progrès (UFP), parti membre du Forum

IN :Le FNDU a décliné l’offre pour participer à la marche du 09 janvier. Pourquoi ?

Lo Gourmo Abdoul : Il n’y a jamais eu a proprement parler d’invitation. Il y a eu juste des propos en l’air demandant à tout le monde de venir marcher.

D’ailleurs quand on veut organiser une marche transpartisane engageant tout le monde, la première des choses est d’en discuter avec les gens.

Ensuite, venant d’un gouvernement à qui on demande de faire face à une situation devenue extrêmement grave en matière d’égalité entre les communautés, les citoyens, une telle marche est curieuse. Le niveau de discrimination est devenu tellement inacceptable. Ce gouvernement, par ses pratiques, est l’obstacle à l’unité du pays.

“Le pouvoir, à travers ses différentes hiérarchies, son parti, obligent, fait marcher les fonctionnaires.”

C’est du fait de ses politiques publiques que nous en sommes arrivés à cette situation de risques très graves qui pèsent sur l’unité nationale, l’unité sociale.

Voir un tel gouvernement, dans de telles circonstances et a quelques mois de son départ du pouvoir, marcher, agiter le spectre des divisions par le haut sans poser des actes de décrispation, d’apaisement du climat politique, économique et social, c’est montrer que derrière cette marche se camoufle une opération de manipulation grave de l’opinion.

C’est pourquoi nous nous abstenons et nous demandons à ceux qui ont des choses à faire mercredi d’aller s’occuper de leurs affaires.

Nous sommes habitués à des spectacles de cette nature. Le pouvoir, à travers ses différentes hiérarchies, son parti, obligent, fait marcher les fonctionnaires.

C’est du déjà vu comme le village de Potemkine ou seules comptent les apparences, la représentation.

“Etre un hartani ou un négro-africain, aujourd’hui, en Mauritanie, c’est être d’office dans une situation d’inégalité vis-à-vis du reste de la communauté dont se prévaut ce pouvoir.”

Un jeu de dupes pendant lequel les gens marchent en récriminant contre le pouvoir, en disant qu’en réalité ils marchent contre les tares du régime, contre les discriminations de ce régime.

IN :Concrètement quand vous parlez de de politique de discriminations et d’inégalités, c’est quoi ?

Lo Gourmo Abdoul : C’est une situation globale dans laquelle des communautés entières sont mises à l’écart. Etre un hartani ou un négro-africain, aujourd’hui, en Mauritanie, c’est être d’office dans une situation d’inégalité vis-à-vis du reste de la communauté dont se prévaut ce pouvoir. Même si cette communauté elle-même, Dieu le sait, est dans une situation aussi critique que les autres.

Mais, du point de vue de la représentation, des faits, des activités publiques, de l’enseignement, de la distribution des fonctions, de la représentation culturelle, la télévision, radio, de tous ce qui est de nature à faire que quelqu’un se sente citoyen chez lui, y compris l’état civil, tout cela est fait de telle sorte que des communautés entières (celles que je viens de citer) sont considérées quasiment citoyens de seconde zone.

C’est une grande première dans l’histoire de ce pays. Ça ne veut pas dire qu’avant il n’y en avait pas. Mais ça a atteint un seuil tellement dégradé dans les rapports entre cescommunautés et le pouvoir que l’on se trouve dans une phase d’antagonisme profond.

Si le gouvernement ne se ressaisit pas, toutes ces situations, tout ce contexte d’inégalités risque de déboucher sur une crise grave.

IN : Indépendamment du pouvoir, les mauritaniens entre eux, sur les réseaux sociaux, ont des échanges limites

Lo Gourmo Abdoul : Où est-ce que vous avez vu un pays du monde, y compris les plus démocratiques, une situation sans discours haineux.

“même du côté du pouvoir, il y a eu des discours plus que haineux. “

Les discours viennent des individus. Que la loi s’applique. Ce n’est pas en marchant qu’elle va s’appliquer. Mais en incriminant dans la légalité, le respect des règles de droits.

Par ailleurs, même du côté du pouvoir, il y a eu des discours plus que haineux. Pendant la réunion qui a occasionné la sortie de SAMORY Ould Bey, quelqu’un a tenu un discours grave pour l’unité nationale.

Il n’a jamais été inquiété. Aminetou Mint Moctar, présidente de l’AFCF a été menacée publiquement de mort. L’auteur des menaces n’a pas été inquiété. Il ne faut donc pas instrumentaliser les mauvaises choses. Pour certains, les discours sont bons même quand ils sont pires.

“Lors de la nomination de l’actuelle équipe gouvernementale, j’ai comparé la politique suivie par le pouvoir, en matière de représentation des communautés, a l’apartheid.”

Pour d’autres les discours sont mauvais,même quand ils restent dans les limite de l’exercice des libertés démocratiques. Les libertés ne peuvent s’appliquer à géométries variables.

IN : Certains défenseurs des droits de l’homme sont aussi accusés de tenir un discours violent, extrémiste, stigmatisant une communauté

Lo Gourmo Abdoul : Tous ceux qui stigmatisent une communauté, quelles qu’elle soit, quels que soient leurs prétextes, les faits, sont dans leurs torts le plus absolu. Surtout quand ils sont des responsables de haut niveau dans la société.

Mais, il ne s’agit pas de prendre un aspect d’un discours pour diaboliser les gens. Lors de la nomination de l’actuelle équipe gouvernementale, j’ai comparé la politique suivie par le pouvoir, en matière de représentation des communautés, a l’apartheid. Ils ont voulu me faire passer pour le pire des extrémistes. Pourquoi ? Parce que j’ai osé faire ce rapprochement.

En faisant le tailleur de propos, on peut faire porter le costume que l’on veut à qui on veut.

Propos recueillis par BS



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