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28-02-2019

16:45

Hommage à Fatma Ben Abdallah, une femme solidaire

Secours Populaire - Portrait. « J’ai toujours rêvé d’être utile », clamait haut et fort Fatma Bent Abdallah, présidente de l’ONG humanitaire mauritanienne El Karamat, (dignité) dont le regard marquait une profonde détermination de ceux qui sans cesse remuent ciel et terre pour venir en aide aux autres.

Le Secours populaire français vient d'apprendre la triste nouvelle de son décès. Cette femme, au port altier, élégamment drapée dans une tenue traditionnelle multicolore, avait fait le choix depuis son plus jeune âge d’incarner la solidarité pour son peuple.

Née en 1954 en Maroc, dans une famille dont le père était entrepreneur, Fatma Bent Abdallah rêvait depuis son plus jeune âge de devenir assistante sociale. Elle a suivi dans ce pays toutes ses études, jusqu’à l’Institut royal des cadres. Suite à son mariage avec un Mauritanien rencontré en Syrie, elle décide de s’investir dans le pays d’origine de son mari.

Rentrée au pays, elle devient directrice des affaires sociales au ministère en charge de ces dossiers à Nouakchott. Elle gagne Paris où son mari est nommé à l’Unesco. En France, cette militante de la solidarité est détachée auprès du consulat mauritanien où elle exerce ses fonctions d’assistante sociale de 1979 à 1998. Elle aide, conseille, apporte réconfort et soutien aux travailleurs immigrés pour tout ce qui touche à leur vie quotidienne.



La tâche est multiforme et immense: elle règle les problèmes de ses compatriotes avec l’administration française. Elle s’occupe entre autre de l’obtention d’allocations familiales pour les familles, de l’éducation des enfants, règle les problèmes de santé en organisant des évacuations sanitaires vers les hôpitaux français depuis son pays. Elle s’investit très intensément dans le soutien aux femmes immigrées en leur offrant l’accès à l’éducation et notamment à l’apprentissage du français.

Un engagement précoce

Lors de son séjour en France, elle tisse des liens avec le monde associatif français, et grâce à des médecins elle fait connaissance du Secours populaire qu’on lui recommande chaudement. Depuis les relations avec l’association ont gagné en importance : « Ici je me sens chez moi, c’est ma famille, car ici on partage les mêmes principes sur la solidarité », explique-t-elle.

L’heure de quitter la France sonne en 1998. Fatma Bent Abdallah rentre dans son pays. Un an plus tard, elle décide de créer sa propre association humanitaire, « toujours pour être utile ». Ce sera El Karamat, ce qui signifie « la dignité » : un symbole fort choisi par l’infatigable militante. Et elle décide immédiatement de concentrer l’activité de son association en direction de la zone d’Hodh el Gharbi, « une région enclavée où la population descend des anciens esclaves », relève la responsable de l’association mauritanienne. « Quand nous sommes arrivés dans cette région en 2000 avec le Secours, c’était une zone complètement oubliée », se rappelait-elle.

Et depuis, avec les militants, les bénévoles dans les fédérations du Secours populaire, avec d’autres associations humanitaires, El Karamat n’a de cesse d’aider les quelques 50 villages regroupant 40 000 habitants de cette zone déshéritée du sud du pays, dans la zone subsaharienne où les températures atteignent 50°.

La dirigeante de l’ONG mauritanienne n’a de cesse de mobiliser toutes les énergies. C’est encore le cas au printemps 2014 où elle a lancé depuis Paris un vibrant appel pour « soulager la souffrance de la population » de cette région victime d’une grave crise alimentaire. Appel auquel, entre autres organisations, le Secours populaire a répondu présent.

Agir dans les anciens villages d'esclaves

Avec beaucoup de fierté, Fatma Bent Abdallah évoque le bilan de l’action d’El Karamat au profit des habitants de la zone et notamment en direction des Adouabas, les villages d’anciens esclaves, situés dans la commune de Gaat Teydouma. Cette zone est prioritaire car le taux d’analphabétisme atteint près de 90 %, et le taux de couverture sanitaire est l’un des plus faibles du pays. D’ailleurs, la responsable d’El Karamat a réussi l’exploit de créer des synergies avec les autres acteurs de la société civile, l’Etat et ses partenaires au développement.

Pour elle, sa mission, au-delà des problèmes d’urgence alimentaire, des invasions de criquets qui déciment les récoltes et autres catastrophes naturelles, consiste sempiternellement à aider à l’alphabétisation de la population, celle des enfants, mais aussi à défendre les femmes pour leur faire « gagner le droit à l’égalité » dans une société où les traditions séculaires sont fortes et marquées par la violence et le viol.

Les droits humains, comme base d'actions

Fatma Bent Abdella a engagé une lutte déterminée contre les mariages précoces ou les excisions. El Karamat éduque aussi les populations pour qu’elles exercent leurs droits civiques. L’ONG a initié un projet agricole qui a permis de créer des zones de maraîchages confiées aux femmes, avec la possibilité de vendre les excédents de production.

Et toujours et encore, Fatma Bent Abdella a mis les femmes mauritaniennes au centre des préoccupations de son ONG : « Il faut développer la question des droits humains, par exemple, avec des ateliers juridiques, des centres d’accueil pour les femmes victimes de violence, de viols. » Pour elle, « la dignité est la chose la plus importante à défendre, car même si on est plongé dans la pauvreté, il faut garder sa dignité ».

Témoignages

"Nos projets ont consisté à défendre les femmes contre les pratiques d’excision et à leur gagner le droit à l’égalité dans une société où les traditions séculaires sont fortes. La dignité est la chose la plus importante à défendre".

Fatma Bent Abdallah, présidente de l’association mauritanienne El Karamat, partenaire du SPF

Rédigé par : Patrick Kamenka


Femmes de la commune de Gat Teydouma en Mauritanie



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