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22-06-2019

01:00

Appel du CCME aux candidats aux élections présidentielles 2019 en Mauritanie

CCME - Pour un leadership courageux et visionnaire, au service de l’unité nationale et d’un développement inclusif

Le COLLECTIF des CADRES MAURITANIENS EXPATRIÉS (CCME) est une association créée en 2006 à l’initiative de hauts cadres mauritaniens, fonctionnaires des institutions internationales, professeurs et chercheurs d’universités, experts de grands groupes financiers, industriels ou de médias internationaux, désireux de contribuer à la marche de la Mauritanie vers le progrès, et attachés à la défense et à la consolidation de l’unité nationale et de la cohésion sociale entre toutes les composantes de sa population.

L’Unité Nationale constitue la pierre angulaire et le socle précieux sans lesquels ne pourrait se construire un développement durable et équitable qui garantit la prospérité pour tout citoyen mauritanien, sans préjudice de son lieu de naissance ou de son appartenance communautaire.

Le CCME demeure par ailleurs convaincu que tous les candidats à l’élection présidentielle souhaitent l’unité nationale et comptent y consacrer une grande attention. Ce qui les différenciera sera sans doute le niveau d’engagement et la plateforme de solutions qu’ils proposeront dans leurs programmes respectifs. Nous scruterons avec le plus grand intérêt, sur cet aspect en particulier, le contenu des programmes des candidats et observerons régulièrement, tout le long du mandat, les actions effectivement réalisées dans ce domaine par celui que le Peuple aura choisi, en référence avec ses engagements.

Les discours tenus par l’ensemble des acteurs politiques nationaux, aujourd’hui comme par le passé, identifient l’UNITE NATIONALE comme le principal défi auquel le pays doit faire face, sans que lesdits discours -généralement très théoriques- ne présentent avec clarté et pertinence des esquisses de solution, avec des actions concrètes envisagées pour relever durablement ce défi. Certains parmi eux nous ont du reste semblé déconnectés de la réalité, si ce n’est parfois en contradiction avec certains actes de leurs auteurs.

Pour être viable et porteur de changements réels, l’engagement pour l'unité nationale du Président que nous souhaitons pour la Mauritanie doit aller au-delà des discours convenus et des déclarations d’intention, rompre avec le conservatisme et le statu quo, et prendre des décisions, mesures et actions concrètes, nécessitant un leadership courageux et visionnaire, à la dimension du défi de l’intégration nationale et de la cohésion sociale en Mauritanie.

Comme contribution à la réalisation de cette noble ambition, le CCME –fort de sa diversité culturelle et de l’expertise plurielle de ses membres- a entrepris une réflexion de haut niveau sur le sujet, et a produit –au terme d’une année de concertation en interne, un mémorandum sur le thème de « l’Unité Nationale ». Ce document, que nous avons voulu d’une grande profondeur analytique et comme source d’inspiration pour des propositions crédibles, a été transmis au Gouvernement via le MAEC par correspondance en date du 31/12/2018, et présenté dans un second temps aux différents acteurs nationaux qui ont bien voulu prendre part à une conférence débat organisée à cette fin à Nouakchott, le 14 mars 2019.

Le nombre et le haut niveau des participants ainsi que la pertinence de leurs interventions ont à la fois consacré la qualité du document élaboré par le CCME, et permis la formulation de propositions additionnelles dans la recherche de réponses durables à la problématique posée.

Dans la suite logique de cet exercice d’analyse et de production d’idées et de propositions, le CCME souhaite partager avec tous les candidats à l’élection présidentielle- le fruit de cette réflexion, afin de susciter un engagement renforcé pour notre devenir commun.

Notre unité nationale souffre d’une fragilité évidente qui ne saurait échapper à l’observateur profane et, encore moins, à la vigilance des acteurs politiques nationaux, au premier rang desquels ceux qui aspirent à l’exercice de la fonction présidentielle.

Par "Unité Nationale", nous n’entendons pas la dissolution à pas forcé de toutes les spécificités dans une culture unique ou dominante. La déchirure socio-politique qu’ont connue plusieurs pays en Afrique et dans le monde n’a pu être empêchée par ce genre d’approches uniformisantes ou de déni de la diversité. Notre souhait pour notre pays est d’avoir à sa tête un PRESIDENT visionnaire, patriote et courageux, conscient des défis et déterminé à agir pour ‘panser les plaies’, réconcilier les cœurs et redonner à chaque citoyenne et citoyen la perception d’une pleine appartenance à des valeurs unitaires partagées, qui lui garantissent à la fois le respect de ses droits et son épanouissement individuel, dans un accomplissement collectif.

Face à l’urgence et à la gravité de la situation, il plait au CCME de soumettre à votre haute appréciation quinze (15) recommandations qui –de notre point de vue- contribueraient à offrir à notre pays un environnement socio-politique apaisé, indispensable à la réalisation de ses ambitions pour un développement durable et inclusif.

Ces recommandations sont issues d’un diagnostic rigoureux, sans complaisance ni auto-flagellation, qui a couvert un large spectre de causalités et de facteurs aggravants, parmi lesquels le regain des réflexes identitaires, la montée en puissance des nationalismes exclusivistes, un usage de plus en plus déviant des réseaux sociaux, une accumulation des sentiments de déni de justice, un déficit de bonne gouvernance, et un accroissement très perceptible des inégalités.

Les dites recommandations se déclinent comme suit.

1. Apporter une réponse pérenne au passif humanitaire, à la dimension des exécutions extrajudiciaires de militaires et civils et des déportations de populations vers le Sénégal et le Mali survenues à la fin des années 80 et début des années 90, et ainsi faire courageusement face à notre douloureux passé et à la responsabilité historique de l’Etat, pour en panser définitivement les plaies. A cette fin, il faudra faire toute la lumière sur lesdits crimes, établir la chaîne des responsabilités et créer un climat favorable au pardon que seuls les ayants-droits sont en mesure d’accorder. L’expérience sud-africaine en la matière est une riche source d’inspiration.

2. Promouvoir la concorde et l'entente entre tous, en veillant à la stricte application de la loi, pour que la pratique effective de l'égalité devant la loi vienne rassurer, conforter et pacifier.

3. Initier une réforme de l’éducation nationale pragmatique, concertée et dépouillée d’idéologie. Elle devrait instaurer une initiation bilingue, unifiée et obligatoire, en Arabe et en Français; ce tronc commun permettrait la maîtrise des deux langues au terme du cycle secondaire ; le cycle primaire intègrerait l’enseignement des langues nationales, avec l’objectif de permettre à chaque enfant d’apprendre une langue nationale autre que sa langue maternelle.

4. Promulguer une reconnaissance des autres langues nationales comme langues officielles.

5. Intégrer un programme obligatoire d’initiation à la citoyenneté non seulement à l'école mais aussi à la fonction publique et dans les grandes entreprises parapubliques. Ce programme devrait (i) comporter un socle commun portant sur l'histoire nationale et le respect des symboles de l'Etat, (ii) imposer l'apprentissage d'au moins une seconde langue nationale à tous les fonctionnaires, et (iii) promouvoir l’initiation à la langue nationale la plus usitée dans le lieu d’affectation, pour les personnels de l’Etat appelés à interagir au quotidien avec les populations (administration territoriale, état civil, enseignants, personnel de santé, forces de sécurité notamment).

6. Introduire l’inscription dans les langues nationales des enseignes des administrations publiques, les formulaires et autres documents publics et assurer la traduction systématique de tous les discours et actes officiels dans les différentes langues nationales.

7. Rétablir de façon concrète et effective les anciens déportés dans leurs droits: restitution des terres et des documents d’état-civil.

8. Mettre un terme à la confiscation des terres et rendre obligatoire des concertations avec les détenteurs des droits réels si des investisseurs envisagent de mettre en valeur les terres agricoles. Les Directives volontaires de la FAO pour une gouvernance responsable des régimes fonciers pourraient largement y aider.

9. Assurer la transparence des concours de recrutement à la fonction publique, l’armée et les forces de sécurité qui doivent être représentatives de la Mauritanie plurielle. Etudier la faisabilité de quotas provisoires en vue de rétablir un équilibre de présence minimale de toutes les communautés dans les corps et les services publics (notamment dans l’armée, la police et l’administration territoriale).

10. Initier une politique économique et sociale inclusive qui permettrait d’associer toutes les composantes nationales à la gestion des ressources et la redistribution des richesses.

11. Favoriser un traitement préférentiel pour certaines communautés et catégories de populations qui accusent un retard dans le partage des responsabilités et des ressources au niveau national.

12. Veiller à ce que les médias publics et privés instaurent : (i) une équité dans les programmes pour toutes les communautés et composantes nationales, (ii) une diversité des sujets et (iii) la diffusion de programmes citoyens, y compris ceux promouvant l'intégration et l'entente entre les différentes communautés.

13. Aller vers une vraie et juste libéralisation des médias. Elle doit permettre une bonne représentativité de la diversité de la population mauritanienne et toutes les composantes nationales doivent y trouver leur compte. La préservation de la diversité nationale n'a pas de prix; elle peut cependant avoir un coût qu'il faut accepter de payer.

14. Combattre, à travers l’application effective et ferme de la loi et les organes d’autorité de l’Etat, tous les actes, évènements et propos faisant l’apologie de stigmatisations basées sur les anciennes ségrégations sociales (castes), l’esclavagisme et le racisme.

15. Faire la promotion à tous les niveaux -de l’école aux services de l’Etat, en passant par les organes d’information publique- des principes de l’égalité de tous devant la loi, et de la préservation de la cohésion nationale.

Distingués Candidats ;

Cet appel a été volontairement centré sur la question de l’unité nationale. Le CCME est néanmoins conscient que cette problématique reste fortement corrélée à bien d’autres, aussi importantes pour le pays.

Ces autres thématiques majeures –voire existentielles pour notre pays et nos concitoyens ont pour nom:

1. L’impératif d’une plus grande cohésion nationale à travers la justice, l'égalité des citoyens et des chances ;

2. Une démocratie effective avec une réelle séparation des pouvoirs, un pluralisme politique ouvert, des élections transparentes, une liberté de la presse, et une bonne gouvernance.

3. La valorisation de nos ressources humaines par la promotion d’une éducation de qualité, la culture, la santé et l’emploi.

4. Des orientations économiques éclairées et une gestion durable des ressources (agriculture, élevage, pêche, mines, énergie, etc).

5. Une organisation territoriale optimisée, permettant un découpage électoral équitable, une décentralisation et une gestion efficiente des collectivités.

Le CCME serait très heureux de trouver dans vos programmes respectifs des réponses courageuses allant dans le sens des propositions développées ci-dessus, et qui donneraient davantage d’espoir que le Pays portera à sa tête un Président visionnaire, à la hauteur de nos défis de développement.

Le Collectif des Cadres Mauritaniens Expatriés vous remercie d’avance pour le temps qu’il vous plaira de consacrer à la lecture de ce document, en dépit de vos nombreux engagements du moment, ainsi que pour l’attention et l’intérêt que vous accorderez à nos propositions. Nous ne ménagerions alors aucun effort pour soutenir –le cas échéant- le Président élu dans la mise en œuvre des actions envisagées.

Veuillez agréer, l’expression de notre haute considération.

Nouakchott le 12 juin 2019

Le Collectif des cadres mauritaniens expatriés - CCME





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