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05-12-2019

17:21

En Mauritanie, le président Ghazouani ne veut pas de l’ombre d’Ould Abdelaziz

L'Opinion - Le nouveau chef de l’Etat mauritanien reprend en main le parti au pouvoir afin de le sortir de l’influence de son prédécesseur.

Challengé sur le terrain politique par son prédécesseur, le président Ghazouani accélère son émancipation politique et nomme des proches à la tête des forces de sécurité. Il a fait convoquer un congrès de l’Union pour la république (UPR), les 28 et 29 décembre prochains, pour s’assurer de la pleine fidélité des organes de décision du parti présidentiel.

Le fauteuil présidentiel ne peut accueillir deux chefs d’Etat. Le président Ghazouani est en train de le faire comprendre aux cadres de l’Union pour la République (UPR, parti présidentiel) qui seraient encore tentés de soutenir un retour en politique de Mohamed Ould Abdelaziz.

L’amitié de quarante ans de ces deux anciens officiers n’a pas résisté aux quatre premiers mois de la nouvelle présidence après une passation de pouvoir réussie à Nouakchott, en août dernier. Assis côte à côte sous le regard bienveillant de leurs pairs africains, les deux hommes affichaient alors leur pleine complicité.

Choisi comme dauphin par Ould Abdelaziz à l’issue de son dernier mandat, Mohamed Ould Ghazouani a pourtant procédé en douceur, conservant une partie de l’équipe de son prédécesseur à la présidence, au gouvernement et au sein des organes de décision de la majorité.

Certains voyaient déjà un fonctionnement à la congolaise, un chef de l’Etat en exercice, un autre agissant dans l’ombre. C’était mal connaître l’ancien chef d’Etat-major de l’armée reconverti en politique.

Le président Ghazouani ne veut pas jouer les reines d’Angleterre. Il veut les pleins pouvoirs pour mener son programme, plus orienté vers la cohésion économique et sociale, et jouer l’ouverture politique. Il a aussi lancé une opération de lutte anti-corruption qui a touché des proches de son prédécesseur.

D’autres partisans de ce dernier – certainement de manière fortuite – se sont vus interdire d’accès le salon VIP de l’aéroport. Enfin, Ould Abdelaziz a échoué à obtenir le poste de médiateur international pour la gestion de la crise libyenne.

« Cela a fini par énerver l’ex-président au naturel sanguin, explique un fin observateur du jeu politique. Ould Abdelaziz est rentré le 17 novembre d’un voyage dans le Golfe et en Europe. Il a ensuite précipité les choses en convoquant une réunion de l’UPR au cours de laquelle il a voulu réaffirmer son leadership et compter ses fidèles. »

Rumeurs de coup d’Etat. Son successeur a, à son tour, convoqué les cadres de la formation. Résultat : la quasi-totalité des députés de la majorité lui ont apporté leur soutien. Il devrait dorénavant installer ses hommes à la tête des organes de décision de l’UPR à l’issue du Congrès de la formation, prévu initialement en février mais qui a été avancé à la fin décembre.

Le président Ghazouani a aussi débarqué le chef et plusieurs officiers du Groupe de sécurité présidentielle, l’ex-Basep, pour installer à sa tête un homme à lui, le colonel Ahmed Ould Mohamed Lemleih. D’autres remaniements dans l’armée sont à attendre alors que les rumeurs de coup d’Etat se sont répandues, à la veille de la fête nationale à Akjoujt, le 28 novembre.

Le lieu de célébration du 59e anniversaire de l’indépendance avait pourtant été choisi pour faire plaisir à Ould Abdelaziz. Cette ville du centre-ouest du pays est son lieu naissance et le fief de sa tribu, les Ouled Bousbaa. Mais, l’ancien chef de l’Etat n’a pas honoré cette fête de sa présence, ce qui en dit long sur la détérioration des rapports entre les deux (ex-) amis.

Pascal Airault





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