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21-08-2020

10:52

Mauritanie : Le pouvoir "a paniqué" face à Aziz (Isselkou A. Izid Bih)

Al-akhbar - Le pouvoir de Mohamed Ould Ghazouani « a paniqué en apprenant que l’ex-président allait s’exprimer », selon Isselkou Ahmed Izid Bih, ex-ministre mauritanien des Affaires étrangères et un proche politique de Mohamed Ould Abdel Aziz.

Parmi "les signes de panique" cités par Isselkou Ahmed Izid Bih il y a le "siège du domicile de l’ex-président par plusieurs forces de l’ordre de différents corps" et "l’arrestation (....) de son fils, Hamza, parce qu’il sortait et entrait chez lui, beaucoup trop, aux yeux des forces de sécurité".

Lex-ministre mauritanien des Affaires étrangères estime dans ce contexte que "la Commission d'Enquête Parlementaire (CEP) a été dressée contre l'ex-président pour l'empêcher de revenir sur la scène politique".

Isselkou Ahmed Izid Bih conclue, dans cette interview à Alakhbar, que le pouvoir de Mohamed Ould Ghazouani "rappelle une période très triste de notre histoire : les années 80 – 90".

(Interview)

ALAKHBAR _ Comment vous décrivez les conditions de détention de Mohamed Ould Abdel Aziz ?

Isselkou A. Izid Bih : Nous considérons qu’il est séquestré par la Police politique à la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN) dans une chambrette sans commodités et dans des conditions non convenables à son statut d’ex-chef d’Etat.

ALAKHBAR _ Qu’est ce qu’on lui reproche, selon vous ?

Isselkou A. Izid Bih : Mohamed Ould Abdel Aziz a été élu et réélu Président de la République Islamique de Mauritanie de manière démocratique et transparente. Avant de quitter volontairement le pouvoir, il disposait d’une majorité confortable au Parlement qui lui avait attesté, par écrit, son soutien à un 3e mandat. La rue était aussi majoritairement favorable. Mais, l’ex-président a décidé, par respect de son pays, de la démocratie et de lui-même, de ne pas briguer ce 3e mandat. Il a donc fait élire l’actuel président de la République (Mohamed Ould Ghazouani). Ce dernier a été élu grâce à l’appui de l’ex-président. C’est la réalité. Sans l’appui du président Mohamed Ould Abdel Aziz, l’actuel président ne serait pas élu. Et après son élection, Mohamed Ould Abele Aziz a quitté le pays lui laissant les coudées franches afin qu’il constitue son équipe à sa guise. Et puis, l’ex-président a évité toute interférence dans les affaires de l’Etat, après son départ.

ALAKHBAR _ Mais l’ex-président est finalement revenu sur la scène politique.

Isselkou A. Izid Bih : A son retour au pays, Mohamed Ould Abdel Aziz a décidé, comme tout citoyen libre, d’exercer son droit le plus élémentaire : faire de la politique via le parti qu’il avait lui-même créé, 10 ans plus tôt. L’Union Pour la République (U.P.R), qui est actuellement dans les conditions que vous savez, est une création de l’ex-président. Mais quand il a essayé de réintégrer ce rôle de citoyen, intéressé à la chose publique, les nouvelles autorités l’ont vu d’un très mauvais œil. Il y a eu alors cette mobilisation parlementaire de l’UPR contre lui et, surtout, cette coïncidence : l’opposition, essentiellement le parti Tawassoul, antenne des frères musulmans en Mauritanie, avait proposé, bien avant ces évènements, une commission d’enquête parlementaire. Et 14 des 24 députés qui ont proposé l’actuelle Commission d’Enquête Parlementaire (CEP) sont de Tawassoul. Donc, cette proposition n’a rien à voir avec l’UPR. Mais, de manière opportuniste et pour régler ses comptes à l’ex-président, l’UPR a décidé d’engager ses troupes parlementaires contre Mohamed Ould Abdel Aziz.

Vous me permettez d’ailleurs d’ajouter que les hommes, qui avaient signé en faveur d’un 3e mandat pour Mohamed Ould Abdel Aziz, de manière claire avec des noms, sont les mêmes qui signent encore pour que l’ex-président soit incriminé. Sur les plans éthique, moral et politique, c’est de la folie.

La CEP est devenue, en réalité, une arme politique utilisée pour empêcher l’ex-président de revenir sur la scène politique.

ALAKHBAR _ Pourquoi vous politisez l’affaire, alors que l’ex-président est entendu sur des crimes économiques ?

Isselkou A. Izid Bih : On aurait été d’accord s’il n’y avait pas eu cette coïncidence, ces évènements et cette question de « référence » qui continue à secouer le parti UPR. Oui, si la majorité avait fondé la commission dans un esprit de transparence publique et de contrôle du Législatif sur l’Exécutif. On aurait été d’accord, si les dossiers n’ont pas été sélectionnés de manière orientée et dirigée contre l’ex-président et contre son entourage familial très proche. En général, la vie privée des hommes politiques ne doit pas être troublée par leur position. Seulement 12 dossiers étaient choisis par la Commission de façon sélective et non aléatoire dont la finalité était d’incriminer l’ex-président dans le but de l’empêcher de recouvrer ses droits à l’expression politique. Alors qu’un petit calcul - qui n’est pas forcément très précis – me donne près de 1323 projets que l’ex-président a réalisés. Pourquoi en sélectionner seulement 12 ? Donc, le timing et le fait que la commission ne provient pas de la majorité écartent la volonté officielle de combattre la gabegie et la corruption.

ALAKHBAR _ Vous étiez ministre des Affaires étrangères. Pouvez – vous nous édifier sur l’île Tidra, citée dans l’enquête parlementaire ?

Isselkou A. Izid Bih : C’est absurde de parler de vente d’une île qui est là et qui reste mauritanienne : aucun centimètre carré n’est occupé par quelqu’un d’autre ; aucun drapeau international ne flotte sur Tidra. Votre fameuse île vous appartient toujours ; elle n’a pas été cédée. Prenez une voiture ou une petite pirogue et allez sur l’île, vous verrez qu’elle est toujours mauritanienne.

ALAKHBAR _ Précision : l’enquête parlementaire parle de « tentative » de vente de l’île ?

Isselkou A. Izid Bih : Vous savez, j’ai été choqué quand je suis interrogé par la Commission d’Enquête Parlementaire sur cette affaire. C’est la raison de ma démission de mon poste d’ambassadeur pour retrouver ma liberté d’expression. Lorsque que j’occupais des fonctions officielles, en tant que directeur de Cabinet ou comme ministre des Affaires étrangères, jamais je n’ai entendu parler du nom de Tidra, ni dans une réunion formelle, informelle ou en aparté, ni par écrit. Si la question intéressait vraiment l’Etat mauritanien, j’aurais pu avoir la possibilité d’en parler à mon collègue qatari que je voyais régulièrement et la résoudre d’ailleurs rapidement, parce que ce serait juste un acte de cession.

ALAKHBAR _ Certains estiment que l’ex-président est arrêté quand il a voulu voulu tenir une conférence de presse. Qu’est ce qu’il allait dire ?

Isselkou A. Izid Bih : Le pouvoir actuel a paniqué lorsqu’il a appris que l’ex-président allait s’exprimer, ce qui est de son droit le plus légal. Il allait édifier les Mauritaniens sur les tenants et les aboutissants des événements tragicomiques que la pouvoir a agités jusqu’à même troubler et déranger les membres de sa famille : leurs affaires personnelles ont été photographiées, filmées et jetées en pâture à l’opinion publique. Si on était dans une vraie enquête judiciaire, des images n’auraient pas dû circuler, à la limite jusqu’à la condamnation des mis en cause. Mais on a filmé des choses dans le cadre d’une enquête, sensée être judiciaire et menée par des autorités publiques. Ces chose-là devaient rester secrètes jusqu’au tribunal.

ALAKHBAR _ Comment vous expliquez la suspension du parti PUDS juste après le passage de Ould Abdel Aziz ?

Isselkou A. Izid Bih : Ce qui s’est passé au siège du PUDS c’est que Mohamed Ould Abdel Aziz est venu - conduisait lui-même son véhicule - devant un siège en préparation. Les meubles n’y étaient même pas encore. J’étais avec lui, il est resté une quarantaine de minutes. Les services de sécurité en ont fait une affaire de troubles publics. Mais comment peut-on parler de troubles publics avec 7 personnes.

ALAKHBAR _ Certains pensent que l’ombre d’ex-président plane sur ce parti qui accueille ses proches politiques, dont vous-même ?

Isselkou A. Izid Bih : C’est notre droit, Monsieur Diop Mettez-vous à notre place. Si vous aviez envie de rejoindre un parti politique, vous aurez tout à fait le droit. Seule la Justice pourrait vous en empêcher. Ce n’est pas parce que nous avons occupé des fonctions officielles dans le passé qu’on doit nous interdire de revenir à nos droits élémentaires et d’adhérer au parti de notre choix. Moi-même j’ai démissionné de l’UPR parce qu’il ne me convenait plus après qu’il est devenu, exactement, comme le PRDS (Parti républicain démocratique et social).

ALAKHBAR _ Pourquoi précisément le PUDS ?

Isselkou A. Izid Bih : A pareille situation, vous cherchez à vous positionner et vous avez des options. La première c’est de créer son propre parti, ce qui est compliqué. Il a suffi que le président, au volant de sa voiture, passe 40 minutes devant un immeuble pour que l'effervescence monte. Ils ont été d’ailleurs confirmés (Rire) nos doutes de pouvoir créer notre propre parti politique et voir les autorités actuelles l’accepter de manière démocratique. L’autre option est de chercher à négocier avec un ancien parti, reconnu et qui n’a pas de problème du point de vue légal. Et vous savez que c’est l’art du possible.

ALAKHBAR _ Donc, c’est Ould Abdel Aziz qui a besoin du PUDS.

Isselkou A. Izid Bih : Pas Ould Abdel Aziz. Mais plutôt le groupe autour de lui.

ALAKHBAR _ Ould Abdel Aziz fait parie de ce groupe.

Isselkou A. Izid Bih : Je ne cache pas mon support et respect pour l’homme politique qui est le président Mohamed Ould Abdel Aziz pour le travail qu’il a fait dans toutes les régions du pays.

ALAKHBAR _ Est-ce que l’ex-président voulait adhérer au PUDS ?

Isselkou A. Izid Bih : Non. Il n’a pas voulu intégrer la direction du parti.

ALAKHBAR _ Mais, est-ce qu’il veut être militant du PUDS ?

Isselkou A. Izid Bih : Il n’y a aucune disposition légale qui empêche l’ex-président lui-même d’exercer son droit d’appartenir à un parti politique, s’il le souhaite.

ALAKHBAR _ Vous dites que O. Abdel Aziz veut revenir en politique. Mais on sait qu’il a perdu l’UPR. Serait-il donc à la recherche d’un autre parti ?

Isselkou A. Izid Bih : C’était très pacifique de dire que : « Je ne continue pas cette guéguerre médiocre dans ce parti qui est le mien ».

ALAKHBAR _ Donc Aziz cherche un autre parti. PUDS, peut-être ?

Isselkou A. Izid Bih : Nous sommes entrain de chercher un parti. Et non l’ex-président.

ALAKHBAR _ Dans votre « Nous » y a-t-il « lui » : Ould Abdel Aziz ?

Isselkou A. Izid Bih : Mohamed Ould Abdel Aziz a le droit d’avoir une affinité pour un parti politique ou pour un groupe d’hommes comme vous comme moi, comme tout autre citoyen mauritanien.

ALAKHBAR _ Est-ce que l’ex-président cherchait aussi le parti de Saad Louleid ?

Isselkou A. Izid Bih : Nous avons rendu visite au parti de grand militant Docteur Louleid cheikh Sahadna qui a exprimé une position digne et respectueuse des règles de droit et de la démocratie. Le président a voulu lui signifier, par une visite de courtoisie, son appréciation de sa position. Donc, avec le ministre Djibril et moi nous avons abordé avec la direction de ce parti les évènements qui se déroulent. C’était très amical, fraternel et rien de plus.

ALAKHBAR _ Comment vous allez poursuivre le combat pour la libération de Ould Abdel Aziz ?

Isselkou A. Izid Bih : C’est de nous organiser autour du parti que nous avons choisi et de manifester pacifiquement. Hier et avant-hier, le pouvoir a mobilisé les forces publiques pour empêcher des manifestants pacifiques qui exprimaient légalement leur désaccord avec le pouvoir actuel. Ces forces auraient dû être déployées dans nos quartiers pour éviter la délinquance ou ailleurs pour régler d’autres genres de problèmes.

Actuellement, il y a plusieurs forces de l’ordre de différents corps qui assiègent une maison privée (de Mohamed Ould Abdel Aziz). Voilà des signes de panique du pouvoir. D’ailleurs, le fils de l’ex-président, Hamza, a été arrêté pendant quelques heures parce qu’il « sortait et entrait beaucoup trop » aux yeux des forces de sécurité. Mais, il a le droit de sortir et de revenir chez lui. Donc, vous voyez le pouvoir actuel est entrain de nous rappeler une période très triste de notre histoire : les années 80 - 90.







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