Les Échos - Le Tchad, dont le président vient d'être tué au combat, fait partie des nombreux pays intervenant dans l'interminable guerre contre les djihadistes au Sahel. Une immense région où l'insécurité règne en raison de l'alliance entre djihadistes et trafiquants.

C'est la guerre la plus vaste et désertique du monde. Le conflit entre divers clans de djihadistes-trafiquants et les armées régulières des pays du Sahel, marquée par la mort au combat d u président tchadien, Idriss Deby, ce mardi, sévit depuis presque vingt ans sur une bande aride de plus de quatre millions de kilomètres carrés.

Une quinzaine de pays concernés

Le conflit du Sahel (de l'arabe, « bordure ») ensanglante surtout le Mali, le Niger, la Mauritanie, le Burkina Faso et le Tchad, mais peut concerner aussi le Sénégal, le nord du Nigeria, le sud de l'Algérie, le nord du Cameroun, le centre du Soudan, le sud de la Libye, etc. Une guerre d'une étendue et abondance d'acteurs étatiques sans équivalent aujourd'hui dans le monde.

Sont aussi impliqués les drones et services de renseignements des Etats-Unis, ainsi que l'armée française via l'opération Barkhane.

Cette dernière, avec aujourd'hui 5.000 soldats déployés, est de plus en plus contestée tant en France, où les résultats ne paraissent pas très convaincants, que localement où sa présence peut être vécue comme « coloniale ». Elle devrait réduire ses effectifs cette année. La France a perdu 55 soldats depuis le début de l'opération Barkhane en 2014.

L'armée tchadienne, réputée aguerrie alors que les soldats des autres pays seraient moins durs au combat, est une composante cruciale des opérations, au prix d'une réputation peu reluisante auprès des populations civiles. La mort d'Idriss Deby a donc de quoi inquiéter Paris.

Ce conflit à multiples facettes, étant donné la diversité ethnique et religieuse de la région, est la conséquence il y a vingt ans de la guerre civile algérienne.

Des djihadistes algériens en difficulté au crépuscule de ce conflit qui aurait fait 100.000 victimes lors de la « décennie noire » (1991-2002), notamment le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), ont cherché des bases arrière dans le désert où ils se sont alliés à des tribus locales et des trafiquants, surtout au Mali.

Le djihad, guerre au nom de l'islam, a fait des émules depuis lors auprès de divers groupes ethniques sur fond de pauvreté et de rancoeurs envers les pouvoirs centraux.

Après le GSPC, ont surgi diverses franchises islamistes, parfois affiliées à Al Qaeda ou Daech, tels que AQMI, les Shabab, Ansar Dine, Boko Haram, l'Etat islamique en Afrique de l'ouest, etc. Les effectifs de chacun de ces groupes sont mal connus mais ne dépasseraient pas 2.000 combattants. Leur force est leur mobilité et leur capacité à se fondre dans le paysage.

Une cocotte-minute

Sévis en conséquence une insécurité diffuse, c'est-à-dire alternant prises d'otages, ou attentats et périodes de calme, sur fond de trafics (armes, cigarettes, carburant, drogues, êtres humains).

Le Sahel, peuplé d'environ cent millions de personnes, est d'autant plus une cocotte-minute qu'il connaît une croissance démographique vertigineuse, avec en moyenne plus de cinq enfants par femme, alors qu'il compte très peu de ressources agricoles (culture du millet et pâturages pour bovins et ovins) pour cause d'aridité, ou minières et que peu d'industries peuvent s'y implanter en raison de l'insécurité, du manque de personnel qualifié, de la faiblesse des infrastructures routières et électriques ou du manque de garanties juridiques.

Le dilemme pour les Occidentaux est que si cette guerre semble sans issue et impossible à gagner, laisser une telle région plonger dans le chaos au risque de flots de réfugiés n'est pas non plus une option.

Yves Bourdillon