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Interview Exclusive avec Bakhan, finaliste Prix RFI 2009
Car la communauté internationale avait cessé d’aider les réfugiés mauritaniens. En 1994, j’ai quitté Rosso pour Nouakchott pour poursuivre ma scolarité. Mais en 1999, j’ai intégré le groupe de rap nommé «Black Muslims» sous le pseudonyme de «Chico». En 2003, nous avons mis sur le marché notre premier album intitulé «Nebkhi Mauritanie» (J’aime la Mauritanie). Cet album de six titres a complètement changé l’image que les politiques mauritaniens se faisaient du mouvement rap de notre pays.
Le R.Q : Justement les hommes politiques parlons-en ! Est-ce vrai que vous avez refusé de chanter pour le président Maâouiya Ould Sid’Ahmed Taya pendant la campagne présidentielle de 2003 ?
Bakhan : Oui, c’est vrai ! Permettez-moi de vous dire comment la proposition m’a été faite par des tierces personnes. Juste avant la mise au marché de notre album de six titres, des jeunes de l’AJMM (Association des jeunes mauritaniens pour Maâouiya) sont venus proposer beaucoup d’argents à Papis Kimi pour que nous puissions retourner au studio à Dakar pour ajouter deux autres titres à notre album de six titres. Deux morceaux dans lesquels, nous étions obligés de chanter que Maâouiya Ould Sid’Ahmed Taya est le meilleur président que la Mauritanie n’ait jamais connu.
Etant un ancien déporté mauritanien, j’ai dit non, non et non que je ne chanterai jamais du moins en bien cet homme dictateur et sanguinaire qui a déporté ses propres concitoyens en terrer étrangère du Sénégal et du Mali. C’est ainsi qu’il (Papis Kimi) a pris à ma place Laye B. Ensemble, ils sont allés dans la capitale sénégalaise pour enregistrer ces deux chansons.
Et pendant de la campagne présidentielle de 2003(7 novembre 2003, ndrl), ils n’arrêtaient pas de chanter mon morceau «Nebkhi Mauritanie» pour cette personne (Maâouiya) qui a fait souffrir et continue à faire souffrir plusieurs mauritaniens. Pour Cause, j’ai refusé de chanter pour Maâouiya malgré ses millions. Et pourtant, je mourais de faim à Basra. Mais ma dignité m’obligeait à ne pas chanter pour cet homme.
Le R.Q : Mais vous avez quand même chanté pour Ely Ould Mohamed Vall du moins à l’aider à faire passer «sa» constitution lors du référendum du 25 juin 2006 comme une lettre à la poste ?
Bakhan : Ah non, il ne faut pas dire cela ! Car je n’ai chanté pour personne dans ce pays. J’ai participé juste à une campagne de sensibilisation de mes compatriotes mauritaniens en compagnie de ces grandes voix de la Mauritanie : Dimi Mint Abba, Thiédel Mbaye et Hawa Djiméra. Et j’étais le seul et unique garçon en compagnie de ses plus belles voix.
Cela fut un plaisir et un honneur pour moi de prendre part à cette campagne de sensibilisation des Mauritaniens et de leur dire qu’il est temps qu’il prenne leur vie en main en allant dire oui à cette nouvelle à travers un vote démocratique, libre, transparent et secret. Mais je n’ai pas du tout chanté pour Ely. Heureusement d’ailleurs pour moi, quand j’entends cet homme dire aujourd’hui qu’aucun Mauritanie n’a été déporté en 1989. Je suis vraiment sidéré.
Le R. Q : Vos projets musicaux pour la Mauritanie ?
Bakhan : Je viens de mettre en place une structure musicale de production et de promotion. Et notre objectif, c’est de développer la création artistique dans tous les pays du Sahel en cassant les barrières ethniques. Pourquoi le Sahel ? Je vous révèle que ce sont les jeunes tchadiens m’ont produit l’album qui m’a permis de prendre part au Prix Découvertes 2009.
Ils ont collecté de l’argent et m’ont ainsi remis pour que je puisse prendre part à ce prix. Et ces jeunes gens n’ont pas été déçus de ma place de finaliste. Mais pour la réalisation de mon projet de casser les barrières ethniques, nous avons besoin du soutien de tout le monde y compris celui du ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports.
Le R. Q : Un ministère qui ne vous a toujours pas reçu ! Et pourtant votre participation a été une aubaine de parler musicalement de la Mauritanie pendant tout au long de cette compétition ?
Bakhan : Effectivement, les organisateurs et moi avons beaucoup parlé de la Mauritanie. Cela fut un plaisir pour moi, car la Mauritanie est le seul et unique pays que j’ai. Vous avez aussi raison de dire que je n’ai toujours pas été reçu par les responsables du ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, mais cela ne saurait tarder…
Propos recueillis par Camara Mamady