08:05
Un peuple Chérif à défaut d’être élu.
Un jour les disciples de Confucius vinrent lui dire : maître, que devons-nous faire pour te ressembler.
Confucius dit : ne cherchez jamais à me ressembler, ce serait aller à l’encontre des principes fondateurs de la différence, mais il y’a mieux à faire, pour votre consécration : apprenez à devenir vous-mêmes.
Les disciples demandèrent de nouveau : par quelle science peut-on apprendre à devenir soi-même ? En réponse Confucius dit : il n’y a guère de science à cela, seule la recherche soutenue pour mieux se connaître, permet à la personne d’évoluer progressivement vers la plénitude qui consiste à être soi-même et de s’en satisfaire.
Contrairement aux sages Confucianistes, les musulmans en général, et les Mauritaniens en particulier, ne se sont pas suffis de ressembler à leur prophète, malgré l’existence de la sunna dont la pratique est destinée à cet effet, ils ne veulent pas moins que d’en être les authentiques descendants.
Etre le chérif, petit fils du prophète en terre d’Islam, donne en effet accès à beaucoup d’avantages spirituels d’abord, puis sociaux, politiques et mêmes économiques. De là à ce que certains opportunistes s’en réclament, il n’y a qu’un minuscule pas que les candidats à la sainteté Chérifienne, en Mauritanie et ailleurs, n’ont pas hésité à franchir avec autant d’allégresse que de mépris pour l’Islam, l’histoire et les origines généalogiques.
Il y’a lieu de préciser ici que les Mauritaniens, qui partagent cette tendance chérifienne avec les justiciers du Far West (shérif), n’ont pas le monopole du faux et usage du faux dont certains usent pour affirmer leur descendance du prophète, même si chez nous, l’ampleur du phénomène atteint des proportions d’autant plus curieuses que ceux qui s’en prévalent sont rarement d’origine arabe, ce qui exclu désormais tout lien de sang avec l’illustre aïeul.
En effet, sur les deux millions de Mauritaniens, les petits fils du prophète ne se comptent plus par individus ou famille. C’est par tribus entières que l’origine chérifienne est revendiquée, puis acquise, souvent sur la base de documents vieillis artisanalement où, des arbres généalogiques erronés assortis de poèmes partisans et de témoignages suspects, sont dressés pour attester la filiation prophétique de telle ou telle collectivité.
Le plus grave ou plutôt le plus ridicule c’est que chaque année qui passe, voit l’émergence de nouveaux Chérifs dont les origines sont authentifiées par des cousins qui ont établis les leurs depuis trois ou quatre ans, à telle enseigne que parmi ceux qui descendraient de notre prophète, il y’a les Chérifs de 1982, 1983, 1984, 1985 etc.
En dehors de ces Chérifs datables au carbone 14, l’échiquier Chérifien Mauritanien nous donne un résultat qui, sans être exhaustif, n’en est pas moins éloquent pour mesurer combien l’attachement aux privilèges que donnent , dans une société Islamique, des liens réels ou supposés avec le prophète, peuvent aiguiser les appétits.
A commencer par l’Est du pays, nous avons les chérifs de Ladem, les chérifs Ehl Taleb Moctar, les chérifs Glagma, les chérifs de Néma, les chérifs de Oualata et les chérifs de Tichitt.
Il y’a aussi les chérifs de Le’ Taris, les chérifs Ehl Bouhjar, les chérifs de Laghlal, les chérifs Lehwachem, les chérifs de Tintane, les chérifs de Tenwajiw, les chérifs Tajakanet, les chérifs Idawali, les chérifs Elghezlane, les chérifs Boubezoul, les chérifs Tagounanet, les chérifs Ideghzimbou (déscendants de Zeineb fille du prophète), ils viennent de prouver l’origine chérifienne de Oulad Ely d’Elghayra qui seraient leurs cousins. Il y’a aussi les chérifs Ehl Sid’Ahmed Bouvaress, les chérifs Ehl Tièrno (d’origine Peulh), les chérifs de Nouagour et la liste qui ne cesse de s’allonger est longue, très longue.
Par ailleurs, Nouakchott a reçu il y’a quelques années, la visite d’un personnage qui se définit comme responsable moral des Maures Sénégalais, il s’appelle, tenez-vous bien, chérif Abdourrakhmane Tilala. L’on ne sait toujours pas si ce chérif Ouolof est responsable moral des Maures vivants au Sénégal ou s’il est dépositaire testamentaire des Maures Sénégalais morts au Sénégal en 1989.
Comme quoi des origines chérifiennes sur mesure peuvent être construite sur les cendres de Maures morts qui ne peuvent plus en contester l’authenticité, ou avec le bénédiction de Maures vivants que les dangers de l’exile jettent dans les bras du premier gourou venu auquel le titre de chérif est concédé en contre partie d’une protection aléatoire sur bien des aspects.
Cette tendance de se « chérifier» frôle le ridicule quand on sait que sur l’ensemble des pays du Golfe, l’Arabie, patrie du prophète comprise, on ne compte que 4 familles chérifiennes.
Sur le plan mondial (arabo-musulman), le phénomène chérifien est encore plus présent et plus complexe, jugez – en à ce qui suit.
En relatant la légende de l’Atlantide dans un récit de deux tomes : le Timée et le Critias, Platon rapporte une discussion philosophique entre Socrate et trois de ses amis (Timée, Critias et Hermocrate), qui veulent établir un plan de la cité idéale, qui se serait situé dans le massif du Hogar algérien.
Timée évoque dans le livre du même nom, la création du monde et Critias, dans son manuscrit inachevé, conte la triste histoire de l’Atlantide, détruite par l’arrogance de ses habitants.
Les Touaregs qui peuplent aujourd’hui le nord du Mali, du Niger et du Tchad, ainsi que le sud de la Libye et de l’Algérie seraient selon cette légende, les descendants de Poséidon et de Clito (fille du roi de l’Atlantide Evenor et de sa femme Leucipe). Les ancêtres des Touaregs seraient les 5 paires de jumeaux que le couple hybride a enfanté : Atlas et Eumelos, Amphérès et Evaimon, Mnéseus et Autochthon, Elasippos et Mester, Azaès et Diaprépés.
Sitôt ces Touaregs aux origines olympiennes se sont islamisés que déjà parmi eux, les descendants du prophète ne se comptent plus. Il y’a, par exemple la grande tribu Touaregs descendante du prophète « les chériffens » dont les origines chérifiennes ne font aucun doute de Kidal en passant par Gao et jusqu’à Tombouctou. Il y’a aussi les chérifes Ehl Arawane, les Aidara et les Touré de Tombouctou. Il y’a les chérifs Sidna, les chérifiens Carbo ou Ghabro des Sonrhai de Gao et les Ehl Sleimane de Khoueibet Rass El Ma, pour ne citer que les plus prestigieux.
Plus loin en orient l’Ayatollah, employé par les Iraniens est un titre acquis dans une université religieuse. Ce titre désigne, chez les chiites, les « mujtahids » (ceux qui sont dignes d’interpréter la volonté de l’Imam caché, leur prestige est renforcé par leur origine, car, il sont des descendants du prophète et donc des Imams. La filiation prophétique s’acquiert ici au bout d’un cursus et non par les origines.
Il y’a aussi Amir El Mouminin (déformé au Moyen âge en Miramolin) et qui signifie commandeur des croyants. Ce titre est porté par ceux qui se prétendent issus du sang de Mohamed. Pris par Omar, puis par les Califes abbassides et les sultans jusqu’en 1924, il est actuellement porté par le roi du Maroc. Mais là où le bât blesse, c’est quand on apprend que ce titre fut aussi décerné à des chefs locaux et à des officiers musulmans , Perses, Turcs, Mamelouks et même Serbes.
Chez les chiites le titre d’Imam désigne lui aussi le chef spirituel et temporel de la communauté. Il est porté par les descendants d’Ali, 1er imam et de Fatima, fille du prophète, jusqu’au 12 eme Imam, l’Imam caché pour les duodécimains. Les Imams sont considérés comme les dépositaires du sens secret de la révélation..
Chez les chiites le titre d’Imam désigne lui aussi le chef spirituel et temporel de la communauté. Il est porté par les descendants d’Ali, 1er imam et de Fatima, fille du prophète, jusqu’au 12 eme Imam, l’Imam caché pour les duodécimains. Les Imams sont considérés comme les dépositaires du sens secret de la révélation coranique et comme les successeurs légitimes du prophète. Dans la Perse cette succession dans le statut est devenu une descendance.
Dans le monde Indo-Pakistanais et particulièrement chez certaines sectes, le Mirza désigne les descendants du prophète Mohamed par leur mère. Il y’a environ 5 millions de Mirza et le nombre est en évolution constante car chaque fois que quelqu’un réuni les conditions requises, il devient Mirza.
Il y’a aussi le « Sayyed » qui désigne en Iran, Pakistan, Afghanistan et Inde ; l’aristocratie par le sang des descendants en ligne masculine du prophète Mohamed. Ce Sayyed, équivalent de l’arabe sayyid « seigneur » et de l’algérien Sidi « monsieur », fut semble t-il décerné à des Espagnoles qui descendraient eux aussi du prophète ce qui a donné le nom du Cid (Corneille).
La graphie adoptée par Voltaire (Séide), qui désigne les chérifs de France et de Navarre, a pris en France le sens de « partisan fanatique ». Chez les Sunnites, équivalent de chérif (pluriel Chorfa) ou « Noble ».
M.S . Beheite
"Libre Expression" est une rubrique où nos lecteurs peuvent s'exprimer en toute liberté dans le respect de la CHARTE affichée.