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21-09-2012

23:56

Obtention de la Carte de séjour en Mauritanie : La législation de 1964, obsolète et inadaptée.

La législation mauritanienne sur l’entrée et le séjour des étrangers demeurait obsolète et inadaptée au contexte actuel des migrations et à l’évolution des normes internationales ratifiées par la Mauritanie.

Ce texte qui datait de 1964 se limitait à fixer les conditions d’entrée, de séjour, d’exercice d’activités aux étrangers ainsi que les modalités de leur sortie du territoire national. Le circulaire du ministère des affaires étrangères en date du 13 mai 2012, fixant les modalités d’obtention de la carte de séjour, est venu mettre à nu les failles de cette législation, tirée des lois françaises d’après indépendance.

« L’ensemble des étrangers adultes et enfants vivant sur le sol mauritanien sans aucune exception», devront se munir d’une carte de séjour à compter du 1er juin 2012 » avaient déclaré au mois de mai 2012, les autorités mauritaniennes.

Hors la législation mauritanienne sur l’entrée et le séjour des étrangers qui date de l’année 1964 se positionnait sur la nécessité de favoriser la venue d’une main-d’œuvre qualifiée et étrangère indispensable au développement du pays. Cette législation fixait les modalités des conditions de séjour en Mauritanie comme suit :

Pou les immigrants privilégiés âgés de plus de 15 ans: Déposer dans les 15 jours, une demande de carte de résident adressée au Ministre de l’Intérieur avec comme pièces jointes (double fiche de renseignements, extrait du casier judiciaire, copies certifiées conformes des documents exigés lors de l’entrée, deux photos et le montant en timbres fiscaux de la taxe fixée par la loi), contre récépissé (Direction de la Surveillance du Territoire).

Pour les immigrants ordinaires âgés de plus de 15 ans: Déposer une demande de carte d’étranger, un mois après leur arrivée. Le dépôt se fait à la Direction de la Sûreté à Nktt contre récépissé avec comme pièces jointes, 3 photos, des copies certifiées conformes des documents exigés lors de l’entrée, un casier judiciaire. Se soumettre aux formalités de prise des empreintes digitales. Une taxe fixée par la loi est perçue. Le personnel diplomatique était dispensé de la carte de séjour.

Chamboulement en 2012

Le financement obtenu par la Mauritanie dans le cadre du 10e FED dont l’un des axes est l’adoption d’une série de réformes législatives en matière de la migration, allait tout remettre en cause. Ce financement d’un montant de 8 millions d’euros est destiné à « appuyer et à renforcer les capacités de gestion, de suivi et de planification des flux migratoires » dont une des activités est : la révision du cadre juridique et du dispositif pénal relatif aux migrations.

Ces réformes avaient aussi comme objectif, de sécuriser les frontières du pays, à lutter contre le terrorisme, le trafic de drogue, à recenser tous les nationaux et étrangers résidents en Mauritanie. Conséquences, dans une circulaire en date du 13 mai 2012, le ministère des affaires étrangères fixait l’obtention de la carte de séjour pour les étrangers en Mauritanie comme suit :

Pour le personnel diplomatique, une carte d’immatriculation au Ministère des affaires étrangères et un passeport en cours de validité. Pour le personnel d’assistance technique : une lettre de demande d’établissement de carte de séjour, faite par l’administration d’emploi, un passeport en cours de validité, un contrat de bail ou une facture Somelec, Snde au nom de l’intéressé (souhaité) et une quittance de 30 Milles Ouguiyas sur place.

Pour les immigrés privilégiés (Sénégal, Mali et Gambie) : une carte nationale d’identité en cours de validité, un acte tenant lieu de travail ou inscription au registre du commerce, un contrat de bail ou une facture Somelec, Snde (facultatif) et une quittance de 30 Milles Ouguiyas sur place.

Pour leurs immigrés ordinaires : un passeport en cour de validité, un acte tenant lieu de travail ou inscription au registre du commerce, un contrat de bail ou une facture Somelec, Snde (facultatif) en plus d'une quittance de 30 Milles Ouguiyas sur place.

Pour montrer aux occidentaux que le train était en marche, des centaines d’étrangers furent arrêtés à Nouadhibou, ville considérée par les autorités comme le bastion des immigrés clandestins. Pour respecter les droits des migrants, vu que notre pays a signé des conventions avec les pays de la CEDEAO pour la libre circulation des biens et des personnes, un délai d’un mois avait été octroyé aux étrangers pour se soumettre à la nouvelle loi.

Une carte de séjour d’une durée d’un an est décernée aux candidats à l’immigration qui remplissaient les conditions nécessaires. Me Youssouf Niane, avocat et coordinateur de l’antenne d’AMDH à Nouadhibou, a déploré cette situation, lors de l’atelier de formation des avocats sur les instruments juridiques internationaux et nationaux de protection des droits des migrants

« Le contenu de la loi est quasiment mot pour mot le texte de la législation française (en vigueur en 2006) » « Dans le cadre des réformes législatives en rapport avec l’harmonisation des normes internes avec les conventions internationales et des évolutions récentes dans le domaine de la migration, un projet de loi portant sur l’entrée et le séjour des étrangers et au droit d’asile a été adopté en conseil de ministres et devra prochainement être examiné et voté par le parlement

Le contenu de la loi qui est quasiment mot pour mot le texte de la législation française (en vigueur en 2006) renforce le sentiment d’une loi adoptée pour satisfaire à des exigences européennes plutôt qu’une réponse à des besoins nationaux.

En effet, ce projet de loi est totalement inadaptée aux besoins et aux capacités de la Mauritanie concernant la question des migrations et par conséquent inapplicable sur bien des points, même à supposer que la Mauritanie ait (ce qui n’est pas le cas) les moyens financiers pour la mettre en œuvre.

Or, les catégories prévues pour l’obtention d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de résident par le projet de loi ne correspondent en rien à ses besoins. Copiées sur la loi française, les catégories relèvent d’une « immigration choisie » alors même que la Mauritanie a un fort besoin de main d’œuvre dans les secteurs tels que l’hôtellerie restauration, la pêche, des secteurs émergeant comme le pétrole, etc. »

Selon lui, le projet de loi prévoit la possibilité d’obtenir une carte de séjour temporaire (validité d’un an) pour :

- Les visiteurs n’exerçant aucune activité professionnelle et prouvant qu’ils peuvent vivre de leurs seules ressources, les chercheurs, les étudiants ou encore les artistes.

- Les autres catégories pouvant solliciter une carte de séjour temporaire reposent sur des critères de vie privée et familiale (enfant de titulaires de carte de séjour temporaire, étranger marié à un ressortissant mauritanien, le parent d’enfant mauritanien, l’étranger né en Mauritanie etc.) ainsi que l’étranger qui justifie par tout moyen résider en Mauritanie depuis plus de 10 ans (ou 15 ans s’il était étudiant) ou l’étranger qui désire exercer une activité professionnelle soumise à autorisation (profession libérale, commerce et industrie selon le décret actuel).

Il en est de même pour la carte de résident (validité de trois ans) qui peut être accordée pour des raisons familiales (conjoints et enfant mineurs d’un titulaire de la carte de résident ou de l’étranger parent d’enfant mauritanien) et est accordée de plein droit aux réfugiés, à l’étranger marié depuis au moins un an avec un Mauritanien, à l’enfant étranger d’un ressortissant mauritanien, à l’étranger en situation régulière depuis plus de trois ans (sauf étudiants) ou encore à l’étranger titulaire d’une pension de retraite en Mauritanie !

« Incontestablement, les catégories de personnes pouvant prétendre au droit au séjour en Mauritanie n’ont à aucun moment été pensé en fonction de la réalité migratoire en Mauritanie. » a-t-il déploré.

Dialtabé


 


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