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Sami Tchak : « La plume seule ne fait pas l’écrivain ! »
Ancien prof de philo à Lomé, dans la capitale togolaise, Sami est écrivain, essayiste et critique littéraire de profession et travaille pour plusieurs maisons d’édition en France.
Il est venu animer les ateliers d’écriture pendant les «Traversées Mauritanides» à Nouakchott. Il nous donne le b.a.-ba de l’écriture romancière. Entretien avec Dr Sami…
Le Rénovateur Quotidien : Comment vous avez trouvé les mauritaniens qui ont participé à l’atelier d’écriture que vous avez d’ailleurs animé ?
Sami Tchak: Oui, ben ! Comme dans tous les ateliers d’écriture, on a le rêve de rencontrer quelqu’un au moins une personne qui a du talent ou quelque chose qu’on croit être le talent. Oui, j’ai trouvé des gens très motivés. Toutes les personnes, qui ont participé à l’atelier d’écriture, étaient d’ailleurs très motivées. Chaque est venu avec ses qualités et ses limites. Mais, un jeune m’a particulièrement frappé, malheureusement j’ai oublié son nom. Ce jeune a vécu en Roumanie. Et il est en train d’écrire un roman sur cette expérience-là. Je trouve ça magnifique. Je pense que s’il arrive à se donner le temps du travail, son roman peut-être un très bon roman dans la mesure où il n’est pas fréquent de voir un Mauritanien aller en aventure en Roumanie et de raconter son aventure.
Le Rénovateur Quotidien : Certes, il n’est pas fréquent de voir un mauritanien raconter son histoire d’exil, et cela aura –t-il suffit vraiment pour s’attendre à un bon roman ?
Sami : Ce qui m’a frappé chez ce jeune homme, c’est la qualité de l’écriture et la maturité de l’univers qu’il décrit et la culture générale dont il fait preuve. Quand on discutait, il me donnait quelques exemples de livres pour lui proposer des modèles, il enchaînait pour me parler d’autres livres d’aventures qu’il a d’ores et déjà lus. Ce n’est pas toujours fréquent de voir des gens qui écrivent et qui ont lu beaucoup de livres. Certains pensent qu’il suffit de vouloir écrire et prennent la plume pour commencer à écrire. Autant vous dire que ce jeune a déjà fait le travail pour avoir une culture impressionnante, qui lui donne une très grande maturité. Cela me pousse à espérer quelque chose de bon de lui après l’écriture de son roman, pourquoi pas d’espérer de lui un vrai écrivain.
Le Rénovateur Quotidien : quels défauts les autres participants traînent derrière eux pour rater d’être écrivain un jour ?
Sami : Les autres par exemple, une jeune femme qui a écrit un texte dans lequel elle voudrait dénoncer l’excision. J’ai trouvé que structurellement sur le plan littéraire le roman n’est pas son domaine, qu’elle n’a pas l’écriture qu’il faut pour être écrivain. Elle peut écrire un essai, des articles. Et elle a beaucoup de qualités. Il y a une autre qui a une très belle écriture, je crois savoir que c’est elle qui gère l’espace vert du village de la biodiversité (Mimi, ndrl) ; mais ce n’est pas une écriture qu’on souhaiterait pour un roman. Elle a un regard parfait sur la société dans laquelle elle vit. Mais elle écrit de manière magnifique. Pour moi, l’atelier d’écriture, c’est tout ce qui est création et fiction et non pas de la réflexion. Mais nous ne sommes pas tous obligés d’ être écrivain. Nous avons un auteur exceptionnel Felwine Sarr, (auteur, musicien et universitaire sénégalais) qui n’écrit pas des romans, mais des nouvelles.
Le Rénovateur Quotidien : Les qualités qu’il faut avoir pour devenir romancier ?
Sami : Un romancier doit aller au-delà de la culture pour créer à la base de la fiction. Le style d’écriture est très important. L’idée de la valeur esthétique est plus importante encore quand on écrit un roman qu’un essai. Ces choses viennent naturellement quand on a pris le temps nécessaire pour dire les autres. Quand on a été frappé par les styles des autres, on peut s’en inventer à peu près le sien plus ou moins original. C’est toujours grâce à l’écriture qu’on peut avoir son propre style.
Propos recueillis par Camara Mamady