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15-05-2013

20:41

Lettre adressée à Madame la Ministre du travail, au Patronat mauritanien CNP, aux différentes confédérations des travailleurs de Mauritanie

Au parlement Mauritanien et à son excellence le Président de la République

Le discours prononcé par la Ministre du travail à l’occasion du 1er Mai 2013 et les banderoles portées par les travailleurs à travers lesquelles on peut lire différends slogans de revendications de travailleurs issus de centrales syndicales différentes sont des messages qui interpellent nos consciences quant à la révision rapide de notre code travail qui fut institué par la loi 63023 du 23 Janvier 1963 et ne fut modifié que légèrement( pour une dizaine d’articles) par la loi 017 du 06 Juillet 2004, cela veut dire que nous sommes en retard de 50 ans car de 1963 à 2013 beaucoup de choses se sont passées au détriment du travailleur Mauritanien.

Permettez-moi aussi de revenir en arrière pour faire la genèse de la Fête du Travail qui fut instituée à partir du XVIIIe siècle pour célébrer les réalisations des travailleurs.

De nos jours, elle se confond dans de nombreux pays avec la journée internationale des travailleurs, fête internationale instaurée à l'origine comme journée annuelle de grève pour la réduction du temps de travail, qui devint rapidement une journée de célébration des combats des travailleurs. La fête internationale telle qu'elle est célébrée de nos jours tire son origine des combats du mouvement ouvrier pour obtenir la journée de huit heures, à la fin du XIXe siècle.

Aux États-Unis, au cours de leur congrès de 1884, les syndicats américains se sont donnés deux ans pour imposer aux patrons une limitation de la journée de travail à huit heures. Ils choisissent de débuter leur action le 1er mai parce que beaucoup d’entreprises américaines entament ce jour-là leur année comptable, et que les contrats de travail ont leur terme ce jour-là : alors une grève générale fut déclenchée le 1er mai 1886 7qui a permis aux travailleurs de gagner leur combat pour une normalisation des règles du travail.

Notre pays a besoin de se rattraper dans beaucoup de domaines du droit social pour être au rang des nations signataires des conventions de l’OIT en matière de droit du travail.

1) Une prolifération du tâcheronnat gangrène aujourd’hui le marché de l’emploi Mauritanien dans tous les secteurs : bâtiment et travaux publics, mécanique générale, secteur agricole, main-d’œuvre portuaire etc.…ou des travailleurs sont sauvagement exploités alors qu’ils devraient bénéficier de la protection des pouvoirs publics et des syndicats.

2) Les textes lois et règlement régissant le marché de l’emploi sont vétustes et inadaptés et sont à l’avantage des employeurs. L’exemple frappant du calcul sur l’indemnité de licenciement et celui du départ à la retraite prévue à l’article 31 de la convention collective générale du 13 février 74 est l’illustration parfaite de la vétusté de ce texte que toutes les entreprises utilisent et dont les taux et pourcentages alloués sont assez faibles et nécessitent d’être revalorisés. Cette convention n’a jamais tenue compte de l’indice du coût de la vie devant un monde inflationniste ou les prix montent et les salaires ne les rattrapent jamais.

Dans le contexte socio-économique actuel de la Mauritanie marqué par la mondialisation avec l’émergence d’une nouvelle catégorie d’employeurs de plus en plus informés via les médias et internet notamment, les travailleurs doivent également avoir de bons Inspecteurs de travail de la caisse et de la sécurité sociale capables de faire face à la menace permanente de la détérioration du climat social (conflits individuels, conflits collectifs, grèves permanentes, licenciement etc.)

En effet de nouvelles sociétés se sont implantées en Mauritanie offrant de gros salaires (Kinross- Tasiast , Schenker, Schlumberger, Tullow ect… ) imposant aux recruteurs Mauritaniens plus de rigueur et de discipline sur les critères de recrutement.

Des dépôts de fabriques de briques détenus par des Chinois jonchent aujourd’hui toutes les grandes artères de Nouakchott employant des Maliens – Sénégalais et autres nationalités confondues au détriment du Décret 2009 -224 abrogeant et remplaçant le Décret No 74 092 du 19 Avril 1974 fixant les conditions d’emploi de la main-d’œuvre étrangère et instituant le permis de travail pour les travailleurs étrangers.

Trouvant une main- d’œuvre à moindre Prix : 1500 UM la journée, et travaillant 24 sur 24 toute la semaine, ces employeurs hors- la loi trouvent leur compte en grévant la main-d’œuvre nationale qui estiment-ils est chère et peu qualifiée. Une sortie de crise est pourtant possible pour réorganiser le monde du travail car le Ministère du travail regorge de talents très compétents qu’il faudra mettre au devant de la scène sans considération de tendances et opinions des partis politiques qui sapent et désorganisent quant au choix des dirigeants de ce département.

Pourtant la Mauritanie, membre de l’organisation internationale (OIT) a ratifié la convention No 81 sur l’inspection de travail dans beaucoup de domaines et les recommandations de cette convention ne sont pas suivies dans l’exemple des cas ci-après:

- Accidents de travail et maladies professionnelles (art 41 loi 67039) L’employeur est tenu d’aviser l’inspecteur de travail du ressort et la caisse nationale de sécurité sociale dans un délai de 48 heures, des accidents de travail survenus ou des maladies professionnelles dont sont victimes les salariés occupés dans l’entreprise. L’inspecteur de travail doit être en mesure d’ordonner l’arrêt immédiat des postes de travail présentant un danger imminent sur la santé des travailleurs.

- Demande du visa d’approbation du Contrat à durée déterminée (art 18 CT) Tout contrat de travail a durée déterminée supérieure a trois mois ou nécessitant l’installation du travailleur hors de sa résidence habituelle doit être constaté par écrit et soumis au visa d’approbation de l’inspecteur de travail sous peine de nullité.

C’est pourquoi dans ce tohubohu, l’état, les organisations patronales et syndicales doivent aider à doter les inspections de travail de moyens suffisants et renforcer leurs pouvoirs coercitifs afin de rappeler à l’ordre les employeurs qui enfreindraient la loi.

Conclusion :

Notre pays aujourd’hui est un grand chantier en pleine mutation dont l’indice de développement humain progresse lentement certes (0,45%) mais dont la croissance démographique rapide estimée à (2,5%), oblige une attention particulière sur le monde ouvrier qui s’accroit et qui de plus en plus réclamera plus de justice sociale et obligera les partenaires sociaux (gouvernement- Employeurs - travailleurs) à la révision du code de travail , à la création de nouvelles convention collective de travail par secteur d’activité .

Seul un travail d’équipe dirigé par des professionnels du droit du travail épaulé par la CGTM, CLTM et autres organisations syndicales pourraient parvenir à la création d’un droit social Mauritanien digne de ce nom tenant compte de nos mœurs et de notre religion.

Enfin, j’exhorte tous les juristes de notre pays : Avocats, magistrats, inspecteurs de travail et autres personnes soucieuses du devenir du «monde du travail» à œuvrer pour la modification des textes régissant les rapports entre employeurs et travailleurs.

Djimera Samba
Inspecteur de travail,
Ex- conseiller en ressources humaines de PC Mauritania I PTY - LTD


 


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