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'A l’heure de la rupture' dans la famille 'Abde Ravie' à Toujounine [PhotoReportage]
Pour son septième numéro, la famille Abde Ravie qui vit dans les gazras de Bouhadide, dans la moughataa de Toujounine, est à l’honneur d’"A l’heure de la rupture". L’ambiance qui y règne n’a rien de paradisiaque, de ressemblant ou d’envoûtant par rapport à que ce que j’ai pu rapporter de mes 6 premiers reportages d’"A l’heure de la rupture".
A peine suis-je descendu de la voiture, que je fus ému et bouleversé [j'ai tourné une vidéo, mais après l'avoir visionnée avec mon boss, Claude K, il a été décidé de ne ne pas la mettre en ligne par décence et respect de la dignité humaine] par une image terrible et effrayante, peu reluisante : un homme d’une cinquantaine d’années qui se gave de sable pour se rassasier.
On est accueilli par sa mère, Marième Mint Abde Ravie, 73 ans, à la démarche titubante. Cette femme originaire de Soudoud dans la wilaya de Trarza et mère de 7 enfants nous explique que son fils, âgé aujourd’hui de 56 ans, a développé ce comportement étrange depuis l’âge de 16 ans.
A cette époque, le jeune et brillant adolescent étudiait à Mbagne où vivait son père, aujourd’hui décédé. Marième Mint Abde Ravie affirme qu’à plusieurs reprises, son fils a été interné au Centre Psychiatrique de Nouakchott, qu’ils ont même été voir des guérisseurs traditionnels. "On a dépensé en vain tout notre argent pour le soigner", dit la vieille mère qui craint de se lever un jour et de le trouver mort.
Marième Mint Abde Ravie et ses enfants ont débarqué à Bouhadide en 1989, en provenance d’Achram sur la route de Guérou. Cette famille comme d’autres des gazras de Bouhadide risque, selon ses dires, une expulsion imminente de la part de l’Agence de Développement Urbain (ADU) qui a donné leur gazra à d’autres personnes en vue de les lotir.
La famille vit au jour le jour grâce à Zeinebou Ahmed Taleb Mohamed, 51 ans, mère de famille et divorcée. Celle-ci, qui est l’ainée de la famille, vend des produits féminins. C’est avec les maigrelettes recettes qu’elle gagne de son petit commerce que la famille, composée que de femmes et d’enfants, arrive à se mettre quelque chose sous la dent.
Comme cette famille, des milliers d’autres familles vivent dans des conditions très difficiles, victimes de la société, en proie à l’injustice, à la ségrégation, à la pauvreté. Ce soir, la famille, comme chaque soir, à l’heure de la rupture, va se contenter de peu de dattes, de zrig, de la bouillie et de la soupe de carottes et de quelques pommes de terre. Grâce à Zeinebou Ahmed Taleb Mohamed qui, demain encore, devra se lever tôt pour assurer difficilement les besoins alimentaires de leur famille.
Devant un tel tableau, on ne peut s’empêcher de s’interroger : Où passe l’argent versé au gouvernement mauritanien par les institutions internationales comme la Banque Mondiale ou l’Union Européenne pour lutter contre la pauvreté ? A quoi servent le Commissariat aux Droits de l’Homme, à l’Action humanitaire et à la Société civile et celui à la Sécurité Alimentaire ?
Mon passage chez cette famille s’arrêtait là, avec la conviction que Mohamed Ould Abdel Aziz, le président des pauvres, avait bien du pain sur la planche.
La famille "Abde Ravie" est dans un tel dénuement total que l’ONG Anciens Esclaves Nouveaux Citoyens avait adressé en vain une lettre pour une aide humanitaire au Commissariat aux Droits de l’Homme, à l’Action humanitaire et à la Société civile. Comme quoi, les aides ne vont pas souvent aux pauvres, mais aux riches, aux parents, amis et connaissances qui sont les premiers arrivés, les premiers servis.
Babacar Baye Ndiaye