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1000 Ouguiya pour une carte d’identité : Anticonstitutionnel et discriminatoire
L'émission d'une nouvelle carte nationale d'identité biométrique à tout citoyen mauritanien âgé de 15 ans ou plus, est indispensable pour le plein exercice de ses droits civils et politiques.
Le mauritanien lambda ne fait usage de sa carte d’identité que dans de rares cas de démarches administratives. Mais en cette période pré électorale, les citoyens sont de plus en plus motivés pour s’inscrire sur la liste électorale et augmenter ainsi leur chance de voter. La carte d’identité est la seule pièce d’état civil, obligatoire pour l’inscription et le vote.
Or, le retrait de la carte d’identité auprès des agents en charge, se fait moyennant le paiement d'une charge administrative de 1000 ouguiyas. Ce montant constitue un obstacle pour beaucoup de citoyens, pour entrer en possession de leur nouvelle carte d’identité.
Pourtant, selon la Banque Mondiale, le revenu moyen annuel brut par mauritanien en 2011 était de 1000 $US, soit 2,74 $US par jour (environ 816 ouguiyas par jour).
Ce revenu n’a pas été amélioré au 1er semestre 2013. En outre plus de 40% de la population mauritanienne (à famille nombreuse) vit sous le seuil de la pauvreté, ce qui les exclus théoriquement de l’accès à la nouvelle carte d’identité qui n’est d'ailleurs pas la priorité vitale pour cette frange. Ils attendent qu’une personnalité, un élu, un chef traditionnel, un notable ou autre individu ayant un intérêt politique, vienne payer à leur place.
Le droit de vote ne peut être soumis à des conditions économiques qui excluent une frange importante de la population. Cette discrimination est anticonstitutionnelle en ce qu’elle viole les dispositions de l’article 3 de notre constitution, relatives au caractère universel du suffrage.
Obliger une partie de l'électorat à ‘’quémander’’ des apports financiers d'individus politiquement intéressés pour obtenir le seul document essentiel à l'exercice de leur droit de vote n'est pas une pratique compatible avec les valeurs démocratiques que défend la Mauritanie.
Le payement de 1000 UM, constitue donc une discrimination basée sur la fortune, et une restriction déraisonnable, prévues par le Pacte International pour les droits civils et politiques, auquel la Mauritanie a adhéré. En effet, les articles 2 et 25 dudit pacte stipulent :
Article 2 : Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
Art. 25 Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’art. 2 et sans restrictions déraisonnables:
a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis;
b) De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs;
c) D’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.
Dans plusieurs pays dont la France, le Cameroun, le Pakistan, etc. l’obtention de la carte d’identité nationale est gratuite. Les pays qui exigent des frais, le justifient ‘’par le fait que la nouvelle carte n'est pas obligatoire, ou que l'ancienne demeure valide (par exemple en Géorgie), ou n'est pas le seul document qui permet de s'enregistrer ou de voter’’.
J’invite les autorités du pays à supprimer ses frais pour se conformer à la légalité et prouver pour une fois que les citoyens sont réellement au cœur de leur préoccupation.
Malick Fall
President d’ONG
Mail : secoursnet@yahoo.fr