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08-10-2013

12:57

Mauritanie : Elections agitées à peu agitées

Finalement, l’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir en Mauritanie, n’ira pas seule aux élections du 23 novembre 2013. A quelques heures de la clôture du dépôt des listes candidates pour les élections locales, les choses se sont précipitées.

D’abord les islamistes de « Tawassoul », formation bien structurée, donnée pour être la seconde force politique actuellement, après le parti au pouvoir, n’a pas voulu se condamner à cinq ans d’errance, en boycottant un scrutin où tous les indicateurs prouvent qu’elle peut améliorer sa présence au Parlement et dans les conseils municipaux.

Des considérations électoralistes qui justifient, aux yeux de certains, le « mauvais » tour que les islamistes mauritaniens viennent de jouer à leurs amis de la Coordination de l’opposition démocratique (COD).

« Tawassoul » donc, a annoncé, dans la journée de jeudi dernier, qu’il ira bien aux élections, contre l’avis de la majorité au sein de la COD, dix partis sur onze ayant opté pour le boycott.

Son président, Mohamed Jamil Mansour, a révélé, devant la presse nationale, que son parti se préparait, dans le secret le plus total, et engage donc plus de 150 listes sur l’ensemble du territoire.

Il vient en troisième position, en termes de listes candidates, derrière le parti au pouvoir, qui couvre la totalité des 218 communes du pays, et du Sursaut de la jeunesse pour la Nation, formation conduite par la ministre de la Culture, de la jeunesse et des sports, qui brigue le suffrage des Mauritaniens dans 180 communes.

Le parti « Al Wiam (opposition) présente 111 listes mais menace de les retirer de la course si certains hauts responsables de l’Etat usent et abusent du pouvoir de persuasion qu’est l’argent et les « promotions » aux postes dans l’administration.

Les islamistes qui ont donc trahi la « sainte » alliance de l’opposition, choisissent cette voie, malgré tous les griefs fait à l’organisation des élections en cours depuis plusieurs mois, et à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) que l’on taxe d’être aux ordres du pouvoir.

Dès l’annonce de la participation, ils ont aussitôt pris contact avec « l’autre opposition » : la Coalition pour une alternance pacifique (CAP), en rupture de ban avec la COD, depuis 2011, quand elle avait jugé son discours anti-démocratique, parce qu’il demande le « rahil » (départ) du président Mohamed Ould Abdel Aziz par une action non démocratique.

Probablement, que « Tawassoul » cherche à nouer une alliance de circonstance avec les trois partis de cette coalition (APP, du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, Al Wiam, de Boydieil Ould Houmeid, plusieurs fois ministres, et de « Sawab », parti d’obédience baathiste du Dr Abdessalam Ould Horma).

Il y a aussi qu’un autre parti de la COD, l’Union des forces de progrès (UFP) a décidé, au dernier moment, de se présenter dans les circonscriptions où il pense avoir des chances de conserver les mairies qu’il détient depuis 2006. Cette dernière volte-face s’est faite contre l’avis du président de cette formation, Mohamed Ould Maouloud, et une partie de la presse mauritanienne l’assimile à un véritable coup de force qui risque d’avoir des conséquences fâcheuses sur l’avenir de l’Ufp.

Du côté du Rassemblement des forces démocratiques (RFD), le plus grand parti de l’opposition, par sa représentation au Parlement et dans les conseils municipaux, l’on ne parle pas encore de « trahison » mais Mouna Mint Dèye, une dirigeante proche de son président Ahmed Ould Daddah, voit la main des services de renseignements dans le « coup fourré » des Udépistes qui ont finalement suivi le choix de « Tawassoul ».

Brouiller les cartes de l’UPR

Contrairement à ce que pensent certains, ce retour de situation, après avoir misé sur le boycott de la totalité des partis de la COD – et même parfois sur celui de l’Alliance populaire progressiste (APP) du président de l’Assemblée nationale, n’arrange pas les affaires de l’UPR.

Certes, le parti au pouvoir a joué serré, en gardant au secret ses choix jusqu’à la veille de la clôture du dépôt des listes, mais certains mécontents ont eu le temps de se rabattre sur d’autres partis de la Majorité (c’est le cas du Sursaut à Kaédi)ou même de l’opposition (le maire de Wad Naga, non reconduit, qui passe avec armes et électeurs chez les islamistes de Tawassoul ou encore celui de Bir Mogrein qui attérit à Al Wiam).

Des mécontentements de faible magnitude certes mais qui risquent d’être plus grands lors du choix des candidatures pour l’Assemblée nationale. Là, l’enjeu est beaucoup plus important et sans doute que ce premier test pour l’UPR a déjà amené certains groupes politiques à penser, sérieusement, à contrer rapidement toute nouvelle défaillance.

L’UPR a réussi, lors du dialogue national avec une partie de l’opposition, à se prémunir contre la « rébellion » que constituaient, dans le passé, les candidatures indépendantes mais le vote sanction reste l’arme redoutable des tribus, groupes ou hommes politiques qui veulent prouver au pouvoir qu’il faut toujours compter avec eux.



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