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Autour d’un thé
Le khroujou (littéralement hors-sujet) n’est pas très aimé en Mauritanie. Pourtant, il aurait, tout de même, quelques vertus, comme celle de faire grossir les fesses, sans qu’on sache, pour autant, à quelle fin.
Exactement comme l’histoire du phacochère qui passe son temps à s’entretenir le cou, pour maîtriser le déterrement de « tara », un tubercule nourrissant qui lui sert, justement, à fortifier son cou, de manière à bien déterrer tara, pour fortifier son cou, etc., etc.
Une composition en abîme où commence et finit la vie du phacochère. Être dans le sujet ou être en dehors du sujet est, quasiment semblable, en Mauritanie. La confusion règne. El habel we nabel se sont mélangés. Cependant, quelque soit notre capacité à donner dans le khroujou, impossible, pour nous, de ne pas évoquer la campagne électorale qui vient de commencer.
Le khroujou a ses spécialistes, chez nous. Civils et militaires. Un peu de khroujou, SVP. Au pays des hommes bleus, les militaires peuvent devenir civils et les civils devenir militaires. Juste le temps d’accomplir certaines missions et redevenir ce qu’ils étaient, auparavant. Ce n’est que du khroujou que de présenter, aux élections, un ou deux ministres du gouvernement dont les bilans ne sont pas si reluisants.
Tout comme c’est du khroujou de promouvoir et d’encourager l’émergence de structures politiques, surgies de nulle part, pour attiser les tensions et exciter les appétits, afin de trier les bonnes bêtes à cavaler et rester au pouvoir aussi longtemps que possible.
En Mauritanie, le khroujou est roi. Quand le ministre des finances va à Nbeiket Lahwach, pour parler des modalités du pèlerinage et de la pêche du poisson d’eau douce, c’est du khroujou. Ou du Fouta, de ses anciens héros, comme Samba Guéladio Diégui, encore du khroujou. C’est aussi du khroujou de présenter des hommes accusés, par le pouvoir lui-même, d’être des symboles de la gabegie. C’est du khroujou de menacer, publiquement, les fonctionnaires qui ne soutiendraient pas les candidats de l’UPR.
Vous savez, le khroujou n’est pas loin de la folie. C’en est juste un degré. Un grade, quoi. Et le grade, c’est quelque chose. Ça peut tout faire basculer. D’ailleurs, tout ce que le pays vit, aujourd’hui, d’instabilité, de crise, d’incertitude a commencé par un grade. Serions-nous, aujourd’hui, là où nous en sommes, s’il n’y avait eu cette histoire de promotion au grade de général de Mohamed Ould Abdel Aziz et de Mohamed Ould Cheikh Ahmed, alias Ould Ghazouani ?
C’est connu, l’occasion fait le larron. Khroujou ! Ok ! Mais c’est ça, la Mauritanie. Du khroujou. Là ou cela ressemble à de la folie, c’est quand le wali de Nouakchott déclare, sans sourciller, que la ville de Nouakchott est la plus sûre du monde. Khroujou ou folie ? Ou khroujou et folie ! Jugez vous-même.
C’est la campagne des municipales et des législatives, n’est-ce pas ? Mettre les chansons faisant le panégyrique de Mohamed Ould Abdel Aziz et ses réalisations, c’est du khroujou. Exactement comme si tu pars en mission, à Londres, pour « fabriquer » des bulletins et que tu nous ramènes, ici, un avion plein de treillis et de képis militaires. C’est du khroujou.
D’ailleurs, ce serait une insinuation délibérée, assimilable à un outrage à haute autorité militaire, (re)devenue très haute autorité civile. Tu fais du hors-sujet, tu as, systématiquement, une mauvaise note. Le sujet, c’est le sujet. Les sujets sont les sujets. Les dames sont les dames. Les valets sont les valets. Autrement, c’est du khroujou.
Si le Président parle, aux gens de Kankossa, de l’affaire du stade de Nouadhibou ou du parti El Karama, de la société des bacs de Rosso et de son directeur ou du candidat de l’UPR à Ouadane, ce serait du khroujou. « N’affolez pas vos têtes », comme disent les junkies. Ne soyez pas comme les « gens » de la COD et l’Union Européenne qui ne veulent pas que la crise finisse.
Comme l’argent, la démocratie n’a pas d’odeur. Tous les billets se valent, qu’ils viennent de Ryad ou de la banque de France, c’est pareil. Toutes les voix comptent. Qu’elles viennent de l’Azawad, du Polisario, de Smara, de Louga ou de Bouratt, c’est kif-kif. Du vrai khroujou. Que faire, alors ?
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