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Mauritel : quel bilan après 13 ans d’activités ?
M.S. Beheite - Quand, en 2000, Mauritel s’est implanté dans notre pays, on pensait que l’eldorado des télécommunications nous était à portée de main et qu’avec un partenaire pareil, nous venions d’obtenir notre visa d’entrée dans l’arène mondiale de la société de l’information.
On pensait aussi que cette implantation, qui consacre la coopération Sud-Sud dans des secteurs de pointe, allait ouvrir la voie à l’intégration économique de la sous région et stimuler, à notre profit, un transfert de technologie que le Maroc a déjà expérimenter et réussi avec l’Europe.
Treize ans plus tard, force est de constater que nous avons déchanté et que nos dernières illusions à ce sujet, sont en train de voler en éclats sous les effets combinés des promesses non tenues de la Mauritel et du peu d’intérêt que cette dernière accorde à ses engagements, pourtant clairement consignés dans son cahier de charges.
Les manquements de Mauritel sont d’autant plus graves qu’on sait que, contrairement à Mattel et à Chinguitel, elle n’a pas déboursé un sou pour son implantation. Juste des écritures comptables au terme desquelles l’opérateur marocain offrait, en contrepartie de sa licence, l’effacement des dettes accumulées que l’Etat mauritanien devait à l’OPT (Office des Postes et Télécommunications.)
Allez y comprendre quelque chose à l’intrusion d’une partie étrangère dans le règlement de contentieux relevant de la souveraineté de notre pays et de dettes relatives au bon fonctionnement du service public.
C’est là, l’une des facilités faites par Ould Taya à Mauritel pour, dit-on, les relations privilégiées de l’opérateur Marocain et son partenariat stratégique avec le groupe Noueiguet, représentant en titre des intérêts de la première dame de l’époque Aicha Mint Ahmed Tolba.
Dans cet ordre d’idées, les facilités ne s’arrêtent d’ailleurs pas à ce geste symbolique, quoique déterminant dans l’avenir de l’entreprise et dans le schéma de la concurrence féroce qui se dessinait à ce moment là.
‘’L’Etat’’ avait également donné à Mauritel une avance non négligeable sur ses deux concurrents, Mattel et Chinguitel en lui cédant, contre zéro ouguiya, l’énorme patrimoine foncier et technique de l’OPT.(Terrains à Nouakchott et à l’intérieur du pays, centres émetteurs, centrales téléphoniques et le seul réseau filaire du pays qui lui donnait l’avantage du monopole de la connexion internet par l’ADSL).
Et puisque dans le domaine du clientélisme on ne fait jamais assez, Mauritel a aussi hérité gratuitement du câble sous terrain qui reliait la Mauritanie et le Sénégal, connu sous le nom de : câble de l’OMVS.
Malgré tous ces avantages et facilités, Mauritel est resté concentré sur ses objectifs de départ, qui consistent à profiter d’une convention complaisante pour tirer le maximum de profits de son aventure mauritanienne de téléphonie, pour ensuite négocier une nouvelle licence en 2015 mais cette fois-ci, en ayant en main des cartes de pression et des moyens pour faire valoir son offre.
On sait cependant que Mauritel n’a pas respecté ses engagements en termes de réseau et de schéma d’implantation des antennes réseaux. On sait aussi qu’après les purges, maquillées en départs volontaires par lesquelles l’opérateur a cassé les carrières de centaines de travailleurs, le personnel du fixe est tombé de plus de 700 employés à moins d’une vingtaine. Un exemple parmi tant d’autres, dont le plus important est celui relatif au remplacement injustifié des cadres mauritaniens par des cadres marocains.
On sait également, qu’en prévision de l’achat de sa licence en 2015, Mauritel a réduit comme peau de chagrin ses investissements et, de l’avis des entrepreneurs qui travaillaient avec elle, n’a engagé aucun marché depuis plus de deux ans.
N’étant pas à son coup d’essai, Mauritel a défrayé la chronique il y’a quelques années quand les services de la BCM avaient tiré la sonnette d’alarme sur l’assèchement du marché informel des devises. Après enquête on se serait rendu compte que la Mauritel y avait recours puisque ses bénéfices en ouguiya dépassaient de très loin la capacité de transfert de l’institution monétaire.
Maintenant qu’on y regarde de plus prés, l’opérateur pousse l’indélicatesse jusqu’à réserver toutes ses opérations de transfert à la banque marocaine Attijari Wafa Bank, se comportant comme en territoire conquis.
Mieux encore, au lieu de passer par des opérateurs nationaux pour son courrier, sa messagerie et logistique, Mauritel utilise en exclusivité les services de DHL, plus chers certes, mais qui présente l’avantage d’être dirigé par un marocain.
On sait pourtant que les services des opérateurs nationaux, dont la Poste, sont moins chers que ceux des intégrateurs internationaux mais là il s’agit d’un critère qui ne résiste pas devant la priorité faite à tout ce qui est marocain.
Un népotisme qui s’étend d’ailleurs à d’autres postes de dépenses non moins importants et tout aussi compromettants, au regard de la disponibilité de leurs objets au niveau local et à des prix défiant toutes concurrence : il s’agit, à titre d’exemple, de la maintenance du parc roulant de Mauritel.
Auparavant les usagers des véhicules de service de Mauritel pouvaient faire l’entretien et les réparations dans n’importe que garage de Nouakchott, sous condition de se conformer à la procédure prévue à cet effet. Maintenant l’exclusivité de ce volet, très juteux, est donnée à un atelier nouvellement créé, qui a cependant la particularité d’appartenir à… tenez-vous bien… un marocain.
Et pour boucler la boucle sur le plan des opérations stratégiques, Mauritel nous a piégés en faisant passer, par notre territoire, son câble de fibre optique en direction du Mali voisin. Un pays certes enclavé mais qui ne sait pas, qu’avec Mauritel et, malgré l’avènement du câble sous marin ACE (Africa Coast To Europe), la baisse des coûts de connexions ne s’est répercutée ni, sur les tarifs client, ni, sur la qualité du service.
A suivre…
M.S.Beheite