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29-04-2014

10:21

Premier anniversaire du « Manifeste des Haratines » : Une marche pour la dignité

Le Rénovateur Quotidien - Le premier anniversaire du manifeste des Haratines sera célébré, aujourd’hui, à travers une marche pour protester contre « la marginalisation historique et continue ».

Un appel est lancé à « toutes les citoyennes et tous les citoyens mauritaniens, pour descendre, massivement, dans la rue, en cette journée mémorable, dans une marche pacifique. Une manifestation qui s’élancera de toutes les moughata’as, après la prière de Dhohr, et se terminera par un meeting place Ibn Abbass ».

La manifestation plébiscitée par la majorité des acteurs politiques, se veut pacifique et surtout un moment de réflexion sur les mécanismes de lutte contre la marginalisation.

Les communiqués et les mots de soutien fusent déjà, alors que la marche n’a pas encre commencé. Plusieurs partis politiques ont publié des messages de soutien et d’encouragements, dénonçant, au passage, l’injustice faite aux haratines.

Cette date du 29 avril qu’on célèbre est à marquer d’une pierre….blanche. Sans jeux de mots. Car Le 29 avril 2013, des cadres issus de différentes générations, se sont réunis pour créer un collectif et signer « le Manifeste des Haratines ».

Les égos des uns et des autres qui plombaient tout effort visant à faire disparaitre les réflexes archaïques donnant à un homme le droit d’être le maître d’un autre homme et de s’en glorifier, ont été mis de côté. Le rapprochement des points de vue a donné naissance à un document précieux, plein de bon sens, qui répertorie les tares et les travers d’une société éclatée et inégalitaire.

On y dénonce bien sûr la féodalité, les codes archaïques qui maintiennent une organisation inique, avec ses castes, ses nobles, ses artisans, ses marabouts, ses esclaves…. bref d’un côté, les privilégiés de naissance, la bonne lignée, et de l’autre, ceux qui sont confinés au statut de gueux et manants.

Ca se passe aujourd’hui encore, comme aux temps anciens. Des gardiens « du temple de l’injustice» veillent, et affichent avec fierté cette mentalité, faisant fi de l’évolution, de la modernité ou tout simplement du mérite de chacun. Or il arrive que l’esclave dépasse le maître, renversant ainsi, la table des valeurs et bousculant les idées admises, les textes religieux manipulés et aussi et surtout « les traditions».

Les cas de Haratines dépassant de loin, moralement, intellectuellement, des maures blancs pure souche, sont nombreux. Les citer serait une entreprise fastidieuse, mais, ils sont assez édifiants pour pointer du doigt, les injustices et dénoncer les conditions dans lesquelles sont maintenus des centaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants. Et cette « marginalisation historique » perdure. Et pour cause, aucune décision sérieuse et radicale n’a été prise pour en venir à bout.


Petit rappel historique. De Moctar Ould Daddah à Mohamed Abdel Aziz.

Haidallah s’y était certes attaqué, mais le bras de fer fut de courte durée. La brièveté de son règne et l’intensité du combat contre une mentalité bien ancrée ayant ses partisans dans des milieux puissants qui ont même infiltré le régime et l’administration, font de sa décision de lutter contre l’esclavage une simple anecdote. Il y eut, certes, quelques manifestations et un réveil des consciences.

Le régime de Taya est un exemple flagrant d’un système qui joue au yoyo avec toutes les tendances, utilisant les uns contre les autres pour maintenir le statu-quo et les privilèges, en l’occurrence ceux des esclavagistes.

Les vingt trois ans de règne de Ould Taya ont été sans effet, si ce n’est de placer quelques hartanis à des postes clés : ambassades, grands ministères, grandes institutions étatiques.

Ely Ould Mohamed Vall a mis le dossier de l’esclavage en sourdine. Sidi Ould Cheikh Abdellah, lui redonné une certaine intensité, avec une loi criminalisant l’esclavage.

Seulement voilà, les décisions politiques ont leurs limites quand le système lui-même est gangrené, par une sorte de « cinquième colonne » qui freine des quatre fers toute velléité de faire bouger les choses. Mais le fait est la, l’esclavage est reconnu et l’esclavagiste est assimilé à un criminel. Le mur du silence est- il tombé pour autant ?

Pas sûr, avec le nombre d’esclavagistes qui courent les rues ou sont retranchés dans des villas cossues, ou encore derrière une dune. Mais c’est sans compter sur l’énergie de jeunes militants hartanis qui se mobilisent et exploitent les moindres failles du système et des tribus pour faire avancer leur cause. Des actions menées pour libérer des esclaves dans des bleds lointains s’apparentent quasiment à des opérations de commando.

Certains maîtres s’accrochent, malgré tout, aux pratiques féodales en se cachant souvent derrière le mensonge. L’esclave est alors présenté comme un allié, ou un ancien esclave qui a été libéré et qui reste de son plein gré.

Ces pratiques persistent parce que les autorités sont laxistes et que par ailleurs, parmi ceux qui sont censés appliquer ou faire appliquer la loi figurent d’incorrigibles esclavagistes ou des descendants d’esclavagistes.

Ce fait, Ould Abdel Aziz, l’a bien compris qui a décidé de créer une « Agence de Lutte contre Séquelles de l’Esclavage, de l’Insertion et de Lutte contre la Pauvreté » sur les cendres de l’Agence Nationale d’Insertion des Refugiés » Initiative à double tranchants dont l’effet boomerang risque de faire mal.

Des voix s’étaient élevées au lendemain de cette décision, dénonçant la manipulation, dans un contexte de crise politique et de préparation des élections municipales, législatives et présidentielles.

L’Agence Nationale de Lutte contre l’Esclavage, de l’Insertion et de Lutte contre la Pauvreté (ANLSILP) a eu, cependant pour mérite de mettre en évidence les différentes approches des militants contre l’esclavage. Aujourd’hui, le manifeste qui en est à son premier anniversaire est non seulement l’espoir d’une communauté mais de tout le pays.

Les recommandations qui y sont formulées, dans les différents domaines visent à de corriger les injustices, les déséquilibres. Et le message apaisant, passe. Car, ses rédacteurs, loin de miser sur le pari risqué de la victimisation, ont produit un document essentiel pour l’unité la paix entre les différentes composantes nationales.

Said Amine



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