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Témoignage: De monsieur Dah Ould Sidi Haiba Ould Teiss Ancien ministre –ancien président de l’assemblée nationale...
...Chef général de Oulad Abdalla.
Isselmou Ould Leghdaf - Un hasard de mes lectures, mon attention a été attirée pan un article parti dans le quotidien Horizons- n°246 du18/5/92, intitulé: "La Résistance à la pénétration Coloniale en Mauritanie" ou le nom du Foutanké, Abdoul Boker, Chef guerrier du Basséa est évoqué en gros caractères.
L'évocation de cet illustre personnage a toujours réveillé en moi de réels sentiments de respect et d'estime en raison des liens profonds d'amitié et de parenté existant entre la Communauté Basséa d'une pant et celle de Oulad Ely Ben Abddlah, Brakna du Gorgol, d'autre part.
Ces relations de confiance et de solidarité qui ont toujours régi les rapports entre les deux communautés, à une époque pourtant bien agitée de notre histoire ont été particulièrement consistantes et d'un haut niveau entre la famille d'Abdoul Boker (Ahal Aly Dendou) et celle de Sid'Ahmed Ould Haiba, respectivement Chef du Bosséa et Chef des Oulad Ely Ben Abdellah au Gorgol.
Mais, semble-t-il, les surprises viennent parfois sans rendez-vous. En effet en parcourant l'article, j'ai relevé des contre-vérités qui appellent de ma part des précisions relatives à des insinuations pouvant laisser croire que les rapports entre les deux hommes sont parfois entachés de rivalité, ensuite une mise au point rendue nécessaire par l‘ignorance de certaines réalités historiques et enfin un complément d'information, sans doute utile, sur le sujet. Dans le premier.
Paragraphe, sous le titre: Alliance avec les Maures, il est dit et je cite: "Boker reprend l’avantage sur les Touabir et les Oulad Aïd', fin de citation. Je voudrais précisément qu’après la bataille de Sleïtina (dune en plein Chamama, à une vingtaine de Km au Sud-Est de Kaédi) entre les Maures et les Noirs, verts la seconde moitié du 18ème siècle, aucun affrontement d'importance n’a jamais opposé les deux communautés.
C’est d’ailleurs à la suite de cette bataille que quelques familles Soninké d Djéol, l’un des plus anciens villages de la rive droite, se sont fixées à Kaédi pour plus de sécurité ; tandis que d’autres ont traversé pour s’installer ailleurs. Ces familles installées à Kaédi, parmi lesquelles on peut citer le clan d’Ahal Koumbaré, des Diagana, des Tendia et d’autre, sont citée parmi les meilleurs amis et alliés d'Ahal Haiba, (Oulad Ely Ben Abdellah).
Leur amitié a survécu à bien de turbulences. Jusqu'à ce jour les descendants des uns et des autres la conservent à un haut niveau. Il est tout aussi important de signaler qu'au lieu de s'affronter entre eux, les Oulad EIy Ben Abdellah et les Bosséabés ont de tout temps combattu solidairement leurs ennemis respectifs sur les deux rives du fleuve.
C'est ainsi que beaucoup de guerriers Oulad Ely sont morts sur la rive gauche, aux côtés de leurs alliés Bosséabés combattant leurs ennemis à M'Boumba, Dorodi, Dabia et j'en passe. Dans le sens inverse, beaucoup de Bosséabés ont perdu leur vie à nos côtés dans nos combats contre nos ennemis maures de la rive droite à Bidane, Cheggar Beniamez, Diokè, etc.
Celle solidarité est si profonde qu'aucun des camps ne perçoit chez l'autre la "Dia" (prix de sang) quelque soit le crime commis à son endroit par l'autre. Tout ait contraire, si l'un d'eux est appelé à verser une "Dia" à d'autre, ils la cotisent solidairement. Plus loin, il est dire également et je cite; "Abdoul Bokar quant à lui opposa un refus catégorique. Ce qui contribua à en détacher Sid'Ahmed Ould Haiba", fin de citation.
Je dois préciser là encore que, jusqu'au dernier jour de leur cohabitation dans la zone, leur fidélité l’un à l'autre n'a jamais souffert de la moindre imperfection. La raison et les sentiments leur dictent une telle attitude, car chacun d'eux est devenu un appui irremplaçable pour l'autre.
De ce fait, ils se sont employés, tout au long de leur existence commune à consolider au plus haut point leur solidarité et leurs relations fraternelles. Ce comportement des deux dirigeants a eu un effet d'entraînement dont la répercussion positive s'est manifestée à tous les niveaux chez les Oulad Ely et les Bosséabés pour donner naissance à un véritable brassage entre les deux communautés.
C’est ainsi qu’un mouvement saisonier s’est établi entre les deux rives. En effet, jusqu’aux évènements de 1989, chaque année, vers le mois d’avril, des ressortissants de Oulad Ely Ben Abdellah traversent le fleuve pour se rendre dans les villages du Bosséa où ils ont acquis de solides amitiés pour ne revenir aux Agueïlatt qu'à la veille de l'hivernage, Beaucoup d'entre eux, au fil des ans, se sont "Bosséanisés" et ont fini par se fixer définitivement dans leurs villages d'adoption de la rive gauche, tels queTilogne, M'Bola, Damga, Dabia, Aly Wouri, Lidbé, Godal, Dial Agnemett, etc. et bien d'autres encore.
Dans le sens opposé, beaucoup de cultivateurs et éleveurs Bosséabés ont prit l'habitude de se rendre sur la rive droite pour cultiver les niches terres de "Rag Ould Haïba ou plaine du Gongol et exploitent les excellents pâturages de la zone. Beaucoup d'entre eux se sont fixés pour toujours dans cette partie du Gorgol.
Certains se sont "Beidanisés" en s'intégrant définitivement dans les collectivités Maures, tels que les Oulad Aid, Tiab, N'jamra, Lemtoura, et bien d'autres. Sid'Ahmed Ould Haiba, quant à lui, a donné dès le début l'exemple de ce brassage dont nous sommes issus en épousant à dans le "Hirnangué Bosséa", Tako Arby, fille de Cobry Hamat ...
jusqu'à Dioldo Kane, Sa fille Oum El Moumnine Mint Sid'Ahmed Ould Haiba, née de cette alliance, est la mère et
Grand-mère, respectivement, de Ahal Teiss, Ahal Henoune, Ahal Diah, etc. De nombreuses autres familles des Oulad Ely Ben Abdellah ont des liens de même nature avec les Bosséabés, ce qui â toujours contribué au renfoncement de leur unité.
C'est pour dire, contrairement ans allégations de l'article que les deux dirigeants Sid'Ahmed Ould Haiba et Abdoul Bokar et à travers eux les Oulad Ely Ben Abdellah et les Bosséabés ont toujours cohabité dans la plus grande de fraternité. Enfin, une dernière précision relative a la mort d'Abdoul Bokar.
Ce dernier, en effet, depuis l'assassinat, sur son ordre, du grand Erudit du Fouta Cheikh Mohamedou Ould Thierno Tioukeyel, d'Abd Salam Kane, a été pris d'une espèce d'errance à travers la région du fleuve. Il se savait, désormais exposé à la vindicte d’une grande partie des Foutankés, Cheikh Mohamed étant en effet une personnalité de premier plan du foot a, de part son savoir et naissance.
Il est, par surcroit, l’ami des Français dont il soutient la politique. Abdoul Bokar, guerrier turbulent, gênant la présence du Colonisateur, recherché par les Français et des Foutankés, sentait l’étau se resserre autour de lui.
C'est dans cette ambiance de haut risque qu'il s'est rendu à Guérou pour échapper momentanément à ses ennemis, mais beaucoup plus, pour continuer la résistance, ayant appris que dans cette zone les ldowich, les Braknas et d'autres gouvernements, envisagent d'organiser la lutte contre l'occupation des Français. Ce vœu n'a pu être réalisé, Le 5 Août 1891, chez les Chrattit, Abdoul Bokan a été tiré à bout portant par deux individus dont le nommé Manza Ould Medik de la fraction Akouatil et non par Moctar Ould Ethmane comme le prétend l'article.
Concernant l'article, dans l'encadré avec en gros titre: Kaédi: la construction du Fort. Il relève tout simplement de la complaisance. Il y est dit, en effet, et je cite: "La cigale bombarda la ville, le quartier de Touldé fut particulièrement visé, il y eut une centaine de morts,,, une importante partie de la population se réfugia dans le Nord de la ville pendant 3 ou 4 mois .,. pour obliger les villageois et les chefs à revenir dans la ville.,, etc, etc." Fin de citation.
Si ou imagine l'époque où se situent les événements (avant 1890), on se croirait à Kaédi en1992. C'est dire que l'ampleur exagérée des événements décrits dans l'article est en disproportion avec la situation réelle de Kaédi à l'époque considérée. La question est de savoir où veut en venir l’auteur en déformant les réalités de l’histoire. J'ai connu Kaédi à une époque beaucoup plus récente. C'était en 1936 quand j'allais pour la première fois à la Medersah de Boutilimitt.
Notre Campement, au moment de mon départ était installé à l'emplacement actuel de l'Aéroport. Il n'y avait aucune construction, ni au Nord ni à l'Ouest de la Gouvernance. Le quartier de Gattaga se limitait aux habitations des Saracollés groupées autour' de la mosquée de même nom. Les quartiers de Kaédi moderne, de Jedida et de Rag n'existaient pas. La mare de ‘’Wendama’’ (maintenat Kilinkaé) ne comptait aucune construction. Elle était le lieu privilégié où pâturent les animaux.
Les quartiers de Toulde, Gourel, sagné, Tantadji existaient avec bien entendu des limites plus réduites qu’à nos jours. Quand à l’emplacement actuel du quartier de Tenzah au Nord de l’Aéroprt, de la base, de l’ENVA, c’était une brousse hostile, un refuge pour les fauves. J'ajoute que pendant les hautes eaux, la circulation entre les différents quartiers se faisait en pirogue. Je me souviens que parfois la crue s'arrêtait à quelques mètres de l'actuel palais de Justice.
Cette description de Kaédi, tel qu'il était en 1936, donne une idée même approximative de qu’il pouvait être en 1980. C'était pour souligner que l'auteur a plutôt donné libre cours à son imagination au lieu de nous rapporter les faits réels auxquels il a voulu nous associer. Pour ce qui est de la suite de l'article en encadré, il est encore dit et je cite : ‘’ Tous les Chefs de Fouta, particulièrement Thierno Mollo Protestèrent contre la construction de ce Fort.’’ Fin de citation.
Pour le moins cette disposition heurte le bons sens. En effet, la protestation des chefs du Fouta contre la création d’un Fort à Kaédi sur la rive droite, est tout simplement Paradoxale, dès lors que le Fouta lui même est jalonné de comptoirs Français installés sur le bord du Fleuve de puis des décades d'années: Podor, Cascas Matam, Bakel pour ne citer que ceux la. La réaction des chefs du Fouta contre la présence Française sur la rive droite ne se justifie pas d'autant que la Région concernée, le Gorgol, était a l'époque sous le règne sans partage d'Ahal Haiba Oulad Ely Ben Abdeilah.
Cette réaction des Foutankés se comprendrait mieux si elle se passait au Fouta où la France est déjà présente depuis bien longtemps. Dans le même paragraphe il est également dit et je cite : ‘’ Mais les français pour ériger ce Fort avaient acheté ce terrain avec Sid’Ahmed Ould Haiba en dissidence. En voici, entre autres quelques preuves :
1- Tout au début du 18ème siècle Haiba a conquis l’actuelle vallée du Gorgol au prix de 7 années de guerres meurtrières avec ses cousins l’IIttama. Auparavant, cette plaine s’apellait ‘’Rag Haiba Ould Ely’’ (voir El West, le Ciare 1320.13) Elle s’étend de Kaédi où le Gorgol se jette dans le fleuve jusqu’à El Akricha au Sud-est de Lexeiba, environ une soixantaine de Km.
Cette vaste plaine, annuellement inondée pan les crues du Fleuve est particulièrement propice aux cultures céréalières. En outre, après la décrue, elle offre d’excellent pâturages que les éleveurs viennent de tous les horizons pour exploiter.
Je signale que les usagers, cultivateurs et éleveurs sont tenus de payer chacun un droit à la famille d'Ahal Haiba qui est de 1 "Mata", soit 20 mouds de mil = 80kg pour chaque cultivateur et un mouton par troupeau pour chaque éleveur. L'on sait que le cette riche vallée, connue sous le nom de "Fag Haiba", est le poumon du Gorgol, eu même temps qu'elle est le grenier la Mauritanie qui la contrôle à la main mise sur tonte la région.
2- Les français, en s’adressant à Sid'Ahmed Ould Haiba en1890 pour leur vendre un terrain à Kaédi ont bien entendu, agit en toute connaissance de cause. Il est simplement naïf de penser que, présents au Sénégal depuis plus de 2 siècles avant la période considérée, ils ignorent à qui s'adresser au Gorgol pour un tel service.
En s’adressant à Sid'Ahmed, ils savaient bien qu'il était le maître de la région et par conséquence le seul habilité à réaliser l’opération. Je signale, pour information, que le terrain en question est la colline ou se trouvent actuellement les bureaux de la Wilaya. Quant au Fort construit en 1980, il n’est autre que le logement actuel du Wali.
3- C’est également avec Sid’ahmed Ould Haiba que les Français, pour a sécurité de leur commerce et celle des populations qui leur sont soumises dans la zone, ont signé un traité à l’instar de qu’ils ont fait avec ses homologues tout le long du fleuve : Ahal Mohamed lehbib au Tarza pour Saint- louis, Dagana, Ahel Ahmedou (Brakna), pour Podor et sa zone, Ahal Hmeyada, voir Cascas et Saldé, Ahal Haiba (Brakna du Gorgol), pour Kaédi, Ahal Soueïd’Ahmed, (Idowich) pour Matam et Bakel.
De toute évidence, la France, présente sur le fleuve depuis si longtemps, ne s’est adressée qu’à ceux qui détiennent le pouvoir réel et dont l’autorité et l’influence pouvaient garantir leurs intérêts dans les régions concernées. C’est dailleurs en vertu de ces traités que des droits dits ‘’coutumes’’, appelés ABAKH au Tarza et AMKEBEL pour les autres, ont été consentis aux familles ci-dessus en échange des services demandés.
A Kaédi, c’est bien à Sid'Ahmed Ould Haiba que ce droit est payé en sa qualité de souverain de la région du Gorgol. Beaucoup de preuves qu'il serait long d'énumérer sont là pour établir cette réalité. C'était pour dire que la réaction des Halpularen à la suite de la vente aux Français d'un terrain à Kaédi par Sid'Ahmed Ould Haiba en 1890 ne pouvait se justifier.
A l'époque, il était en effet le Chef incontesté de la Région jusqu'à son départ en dissidence en 1906. A cette date, il s'est rendu en Adrar, dernier bastion de la résistance à la colonisation comme d'ailleurs beaucoup de ses pains du Brakna, du Trarza, du Tagant. etc. Pour organiser la lutte contre les Francais.
Après la prise de I'Adrar en 1909 par le Colonel Gouraud, Sid'Ahmed et quelques uns de ses cousins, notamment, quelques membres de la famille Ahal Ahmedou- ont rejoint à Smara les troupes de Cheikh Mélanine qui combattaient pour la même cause. Peu après la destruction de Smara en 1913, il est mont aux environs de Marrakech, dans un combat entre les "Moudjahidines" et les troupes Françaises.
Enfin, dans la suite de l'article, voir encadré, je relève et je cite: "Une fois de plus le chef Maure faisait apparaître au grand jour sa cupidité". Fin de citation. A la place de notre "historien" (ou son compilateur), j'aurais trouvé les subtilités de la courtoisie et le raffinement du Français aidant, un terme moins agressif à l'égard d'un prestigieux personnage de la stature de Sid'Ahmed Ould Haiba.
Au total, l'article en question, tout au long de ses évocations erronées, comporte de nombreuses lacunes qu'il serait regrettable de répercuter sur le public, en particulier celui de nos élèves et étudiants. En fait, rien ne sent de travestir les réalités historiques, car l'histoire d'un peuple est un bien commun, un héritage précieux qu'il importe de conserver dans toute sa pureté.
L'histoire de notre pays, parce que riche d'un brassage dicté par des considérations sociales, humaines, religieuses, peut et doit, si elle est maniée avec une certaine exigence morale, joue un rôle important dans l'unité nationale sans laquelle rien de durable ne sera fait, Nous faisons confiance à notre jeunesse, à nos historiens présents et futurs pour œuvrer dans ce sens. Pour le reste, Je me garderais de porter un jugement sur les véritables intentions de l'auteur, ne connaissant ni son identité, ni ses sources de renseignements, encore moins ses sensibilités.
Peut-être qu'une meilleure connaissance de l'intéressé nous permettrait de savoir si la déformation des réalités historiques ou Gorgol et les légèretés à l'endroit d'un tiers dont il s'est rendu coupable, sont volontaires, Dans l'affirmative, notre présence depuis plus de deux siècles dans la région. Le rôle prépondérant qu'on y a joué ainsi que notre profonde connaissance des populations qui y sont à cette date ou qui y sont venues après, permettent bien, preuves à l'appui, de rétablir, chaque fois que nécessaire, les faits dans leur véritable contexte historique.
A bon entendeur salut !
Dah Ould Sidi Haiba