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17-10-2014

20:00

Conte de Aichetou Ahmedou : Aider son prochain peut le sauver de la misère et de la mort

Adrar-Info - Moussa, Messoud et Ali étaient de très bons amis. Habitant des campements voisins, ils fréquentaient la même école coranique. Le matin de bonne heure, avant que le soleil ne se lève, ils allumaient un grand feu pour se réchauffer et pour éclairer leurs tablettes sacrées, striées d’une écriture aux gros caractères serrés. Epaule contre épaule, assis tout près du feu, ils s’adonnaient avec joie à la lecture et à la récitation de leur leçon coranique du jour.

Lorsque la matinée est avancée, leur maître leur accordait une pause. Alors, ils en profitaient pour ouvrir de petits sacs en tissu contenant différentes sortes de repas. C’était le petit déjeuner que leur préparaient leurs mamans avant de les laisser partir.

Parfois c’était de la viande séchée accompagnée de graisse de dromadaire, ou bien des jujubes, des morceaux de pain de singe ou alors du cherchem (mil cuit dans de l’eau sucrée.) D’autres fois, c’était des galettes de pain cuites dans la terre ou du pain séché, pilé et mélangé à du sucre et à des graines d’arachides. Tout le monde amenait quelque chose à manger sauf Moussa.

Pourtant, il se régalait plus que ses amis, prenait une part plus grosse que la leur et les remerciait toujours avec une voix pleine de gratitude. Messoud et Ali s’étonnaient de l’attitude égoïste de leur ami. Quand ils étaient seuls, ils se mettaient à dénigrer ses manières, sa gloutonnerie et son avarice.

Car pour eux, il ne faisait aucun doute qu’il était pingre, gourmand et ingrat. Les larmes, qu’ils croyaient entendre parfois dans sa voix, leur faisait même mépriser leur ami.

Ils en discutèrent longtemps entre eux deux et décidèrent de lui donner une semaine encore. Si au bout de cette période, il ne leur apportait toujours rien de chez lui, ils allaient l’exclure de leur groupe et le laisser se débrouiller tout seul pour prendre son petit déjeuner.

Sitôt dit, sitôt fait. Deux jours avant la fin du délai accordé en secret à leur ami, Messoud et Ali, mus par une curiosité malsaine, se présentèrent après la dernière prière du soir chez Moussa.

Ils s’approchèrent silencieusement de la tente qu’il partageait avec sa mère. Les deux amis savaient que le père de Moussa les avait quittés avant sa naissance. Il s’était remarié dans un campement éloigné et n’avait plus donné signe de vie depuis.

Les deux amis ne savaient toujours pas comment aborder Moussa, ni quel prétexte invoquer pour expliquer une visite si tardive. Ils se penchèrent en avant et glissèrent un regard par la fente qui se trouve entre le bord de la tente (elkhalve) et le mur en toile qui en fait le tour (courar.) L’état de délabrement avancé de la tente leur causa une vive et désagréable surprise.

Ils virent une femme qui n’avait que la peau sur les os se traîner vers Moussa. Moussa se rapprocha rapidement d’elle et lui demander de rester là où elle était.

Il lui murmura affectueusement qu’il allait s’occuper de tout. Il prit une écuelle ébréchée, y disposa des morceaux de viande séchée dégoulinante de graisse, quelques graines d’arachides et une poignée de cherchem desséchée. Avec horreur, ils reconnurent une partie du petit déjeuner qu’ils avaient offert le matin à Moussa.

La femme et l’enfant mangèrent de grand appétit, burent de grand pots en fer blanc remplis d’eau, se lavèrent les mains et se préparèrent pour dormir. Messoud et Ali prirent leurs jambes à leur cou et regrettèrent amèrement leur escapade nocturne. Non seulement leur ami n’avait rien à leur offrir pendant la pause déjeuner, mais il gardait discrètement une part de ce qu’ils lui donnaient, pour nourrir sa mère. Dieu seul savait ce qu’ils mangeaient à midi ou si même ils mangeaient.

Jamais Messoud et Ali n’auraient imaginé une pauvreté pareille. Leurs familles étaient aisées et leurs mères étaient de très grosses femmes qui ne pouvaient presque plus bouger à cause de leur embonpoint. Elles passaient leurs journées béatement, affalées sur des coussins, à se nourrir et à se faire belles.

De retour chez eux, les garçons parlèrent à leurs parents de Moussa, de sa mère et de la grande misère dans laquelle ils vivaient, sans avoir jamais rien demandé à personne. Leurs parents furent si attristés par la nouvelle qu’ils oublièrent de les punir pour leur indiscrétion. Ils se croyaient de bons musulmans et pourtant ils mangeaient très bien alors que leurs voisins mouraient de faim.

Les deux familles firent cadeau à la maman de Moussa de deux chèvres, deux sacs de riz, deux sacs de sucre, deux sacs de mil, deux sacs de blé, un sac d’haricots secs et d’un énorme sac en peau de vache rempli de viande séchée.

Dorénavant, chaque jour, Moussa apporta avec lui une belle ration de nourriture qu’il variait chaque jour. Sa mère prit rapidement du poids et se remaria avec un riche éleveur de dromadaires.

Messoud et Moussa se félicitèrent d’avoir eu l’occasion de faire le bien autour d’eux. Ils s’estimaient heureux de ne pas s’être laissé aller à la précipitation, qui est une mauvaise conseillère, car ils l’auraient regretté leur vie durant.

Source : http://www.aichetouma.com



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