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B’il a dit… : La communication par l’ordure…
RMI Biladi - B’il a dit et redit des tas de choses. B’il dira et redira des tas d’autres choses. Depuis la veille, la semaine dernière, on se mobilise pour la ville. On fixe un rendez-vous à tous.
Tous les responsables publics, ministres, députés, chefs de corps, généraux et autres hauts gradés, secrétaires généraux, directeurs, membres actifs et passifs du parti au pouvoir, acteurs de la société civile, bref tous les thuriféraires de l’ordre, attendent, pelles dans une main, râteau dans une autre, incliné, chacun devant un détritus, un tas d’immondice, dans l’attente de l’arrivée imminente du premier magistrat du pays pour donner le coup d’envoi de '’la grande campagne’’ de nettoyage de la ville de Nouakchott.
Chacun y va de son ordure. Chacun meurt d’envie, brûle de jalousie, à voir le président avec son râteau et sa pelle, et espère l’instant '’ d’une ordure’’ devenir la pelle, ou le râteau, à défaut de se muer en '’déchet chanceux’’ parce que choisi par le premier r-amasseur de l’ordure et des tas d’autres choses de la République Islamique de Mauritanie.
Un silence sans nom s’abat sur le quartier choyé.
La foule retient son souffle. Les moteurs arrêtent leurs bourdonnements. Les ânes cessent de braire. Les chiens retiennent leurs aboiements. La caravane suspend son passage.
Les chefs de corps en garde-à-vue, les ministres en m’as-tu-vu, les barons du parti au pouvoir en déjà-vu, la présidente de la communauté urbaine, ( la-cun-e), en-dépourvue, tous attendent que le président de l’union africaine, président de la République balaie son ordure.
Toute une République mobilisée avec ses médias officiels, semi-officiels, privés et semi-privés pour dire et redire que le président de la République, ses ministres, ses députés, ses généraux et officiers, toute son administration se sont rassemblés, main dans la main, la pelle et le râteau, pour ramasser deux crottes de chiens errants, trois bouses de vaches cornues, deux cornes du siècle dernier, quelques arêtes d’un poisson de jadis, trois quarts de couche-bébés, quelques fausses mèches de cheveux, une boîte de conserve qui n’a jamais rien conservé, un morceau de tissu décoloré, l’anse d’une théière…
Toute une république mobilisée pour une affaire qui relève du plus petit service communal. Comme si son président et ses collaborateurs n’ont que ça à faire.
La scène renvoie un peu à une ambiance de fin de règne. Un président qui n’a plus rien à proposer. Et qui saute sur une affaire de propreté de la ville qui doit se faire normalement sans tambours ni trompettes par ceux-là mêmes qui sont élus pour s’occuper de la ville. C’est-à-dire les maires.
Depuis qu’il a pris les rênes du pouvoir, le président aime bien souvent faire des sorties médiatiques. Un peu de communication. Les premiers jours de son mandat, il opérait des sorties pour de grosses œuvres nationales. Des projets pharaoniques.
Qui pourraient créer des milliers d’emplois, engendrer une activité économique porteuse et prometteuse. On se souvient de ses inaugurations. Ambitieuses.
Même Poséidon n’a jamais, dans ses folies de grandeurs maritimes, songé ceindre la Méditerranée, connue, pourtant, de toutes les mers par son calme et sa docilité. Mohamed Ould Abdel Aziz, lui, a inauguré la ceinture de l’Atlantique. Des milliards d’ouguiyas, disaient et redisaient, dans l’euphorie rectificative, les médias officiels, relayés même par tous leurs confrères du monde de l’information.
Sahel Bunkerring, ou l’avitaillement des navires en haute mer, un projet mort-né, les centrales énergétiques à n’en pas finir, et qui ne finissent jamais, les routes qui ne mènent, jusqu’à aujourd’hui, vers aucune destination, le nouvel aéroport international ( nain), conçu et construit à la base de quelques graines de sables mouvants, les villes fantômes qui sont habitées, c’est vrai, mais par les communautés de diables Vauvert…
Qu’est-ce qu’on n’a pas vu comme inaugurations grandioses pendant ses premiers jours de règne ? De la communication de haute voltige, vu les milliards qu’on disait accompagnant de tels projets.
Un premier mandat dans les hauteurs. Digne de la grandeur de la République. Et un président dynamique, actif et déterminé à marquer son coup et par-delà à rattacher son nom à ces projets impressionnants.
C’était le début du premier mandat. Les projets n’ont jamais vu le jour, ni la nuit. Certains sont abandonnés. D’autres traînent. Plusieurs ne verront jamais la lumière du jour. Il a inauguré, quand il a inauguré, ces jours-ci, on peut le dire aujourd’hui, des idées. Des noms sans attributs. Des contenants sans contenus.
B…
Enterrez-le, s’il vous plait !
B’il a dit et redit des tas de choses. B’il dira et redira des tas d’autres choses. Au début de son second mandat, le président semble avoir retrouvé sa raison. On ne parle plus de projets grandioses. On revoit à la baisse ses ambitions pour le pays. On regarde désormais en bas. Le sol. Et on ramasse quelques pestilences et toxicités nauséabondes pour marquer son mandat.
C’est dire le niveau de la chute de la République. On tombe sur l’ordure. Et on en fait un cheval de bataille. On imagine bien où peut conduire un morceau d’ordure. Si les inaugurations de projets prometteurs n’ont su conduire à aucun espoir, aucun bonheur, ce n’est pas le ramassis d’excréments qui va conduire aux bonnes senteurs- et santé- républicaines.
C’est évident qu’on n’a plus rien à dire, ni redire. Que les inaugurations présidentielles, aussi salvatrices à l’affiche soient-elles, ne sauraient dépasser leurs délais de péremption. Elles avaient une durée de vie, visiblement, on ne l’a pas compris à l’époque. On en parle autant que le nom ait gardé son sens de nom, son intégrité sémiologique.
Avant qu’il ne meure de sa mauvaise mort de nom, se désagrégeant pour tomber en mille fragments, épars, formant des détritus d’anciens quelque chose que le président de la République et ses proches collaborateurs se mobilisent pour enterrer enfin sous forme d’ordures nocives, qui, dit-on, dans ce qu’on dit, salit la figure de la ville.
Comme quoi la communication par et pour l’ordure n’est que l’autre versant de la communication par et pour l’inaugur-ation. Le commencement ressemble quelquefois à la fin. La frontière entre les deux extrêmes est si ténue qu’on oublie souvent à quel bout on se situe !
On ne sait pas quelle méchante langue de nos contrées a dit ça un jour passé ? : '’ Enterrez, s’il vous plait ce que vous avez fait là-bas.’’ Là-bas, c’était un puits. Là, c’en un autre, mais sans source. Tari. Il n’a de puits que le nom. Enterrez-le donc, s’il vous plait. Il est dangereux.
B…