Cridem

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30-10-2014

16:16

Entre le pouvoir et IRA : Le torchon brûle

Le Calame - Rien ne va plus entre le pouvoir et le mouvement abolitionniste IRA-Mauritanie, depuis l'arrestation de trois activistes du mouvement, le vendredi 24 Octobre, suite à une altercation à la mosquée saoudienne.

Les trois militants sont l’érudit Brahim ould Jiddou, Alioune Sow et Salem Vall, pris à parti par d’autres fidèles de la mosquée. Ils ont été incarcérés au commissariat 1 de Tevragh-Zeïna, sur instruction des hautes autorités de l’État.

L’altercation a eu lieu lorsqu’un des militants a récusé le contenu du sermon de l’imam Lemrabott ould Habibou Rahmane. Dans sa khotba, l’imam avait, en effet, indexé ce qu’il appelait des « groupuscules dangereux à la solde d’Israel en vue de s’attaquer à l’islam, s’opposant à certains de ses fondements ».

L’imam de la grande mosquée de Nouakchott est allé plus loin, en appelant au meurtre du président d'IRA, Biram Dah Abeïd, prix de l'ONU pour la cause des droits de l'Homme en 2013 et prisonnier d'opinion récurrent, à cause de son combat contre l'esclavage et le racisme en Mauritanie.

Les militants d’IRA ont alors manifesté leur refus. De leur point de vue, un sermon « anti-islamique » qui accuse, directement ou indirectement, toute une communauté d’apostasie. L’un des contestataires a dit, littéralement : « la prière derrière cet imam n’est pas valable et vous devez la recommencer ». Une dispute s’en est suivie.

Selon IRA, « l'imam Ahmedou ould Lemrabott ould Habibou Rahmane est un grand propriétaire d'esclaves et de domaines terriens où triment des dizaines de familles d’esclaves.

Au sud de Nouakchott, précisément à Ammara et Houbeïra, dans l'arrondissement de Lexeïba 2, département de R'Kiz, région du Trarza. Il est aussi le mufti attitré et officiel de la République Islamique de Mauritanie (RIM).

Promoteur et dépositaire de la Chari’a esclavagiste, l’imam est un défenseur zélé des codes négriers qu’IRA-Mauritanie avait brûlés, de manière volontaire et symbolique, le 27 avril 2012, à Nouakchott

L’étincelle

Il faut situer les propos de l’imam, lors de son prêche de vendredi, dans l’actualité. La veille, Biram Dah Abeid animait, en effet, à Nouakchott, une conférence de presse au cours de laquelle il diffusait une déclaration des élus et associations citoyennes de Chicago (USA), contre la persistance de l’esclavage en Mauritanie et la duplicité des autorités qui édictent ou ratifient des instruments protecteurs de la dignité et de la liberté mais persécutent, a contrario, les organisations et militants abolitionnistes.

C’est bel et bien en guise de réplique à l’Appel de Chicago exigeant plus de sévérité, de la part de la Communauté internationale, contre l’impunité du crime raciste en Mauritanie, que le mufti Ould Habibou Rahmane a orienté son prêche du vendredi 24 octobre contre IRA-Mauritanie et Biram Dah Abeïd, les qualifiant « d’impies et d’apostats, à la solde du sionisme, d’ennemis de l’islam et des musulmans », et les accusa de vouloir « mener le pays à l’implosion ».

Appelant l’Etat mauritanien et le président de la République à « défendre l’islam contre ses ennemis », Ould Habibou Rahmane réclame une politique de coercition contre IRA et ses membres, qu’il décrit comme « la cinquième colonne du judaïsme et de l’impiété en Mauritanie ».

Parmi les fidèles dans la mosquée, Brahim ould Jiddou, imam et grand militant d’IRA-Mauritanie, se dresse, séance tenante, et crie, à la face du mufti : « Tu as menti, c’est toi le monstre, c’est toi l’impie, c’est toi l’esclavagiste, le criminel, point le président ni les membres d’IRA ! ».

Des hommes se ruent sur le militant d’IRA pour le lyncher, les fidèles haratines s’interposent pour défendre Brahim, rixe puis bataille rangée entre les deux groupes, à l’intérieur même de la mosquée. La police intervient en grand nombre, vide l’oratoire et restaure l’ordre.

Plus tard dans la soirée, des membres de la Direction de la Sureté de l’Etat (DSE) viennent arrêter trois membres d’IRA, à leur domicile respectif : Brahim ould Jiddou, auteur de la contradiction au mufti, Alioune Sow, activiste souvent surveillé par les services de sécurité et Saloum Vall, militant d’une instance de base.

Retenus au commissariat de police de Tevragh Zeïna, ils y subissent des interrogatoires sur les relations d’IRA avec les ONG et la classe politique afro-américaine, voire de prétendues tentatives d’IRA de mener des actions de désobéissance civile à grande échelle en Mauritanie.

Samedi 25 octobre 2014, les militants d’IRA qui observent un sit-in pacifique, devant le commissariat de police où sont gardés leurs amis, sont brusquement chargés par la police, à coups de bâtons et de bombes lacrymogènes.

Plusieurs personnes sont blessées ou s’évanouissent sous l’effet des gaz ; deux nouveaux militants d’IRA sont arrêtés : Baba Traoré et Yacoub Inalla. Ce qui porte à cinq le nombre d’abolitionnistes incarcérés.

IRA-Mauritanie exhorte tous ses militants et sympathisants, en Mauritanie ou ailleurs, à se mobiliser largement, pour soutenir les promoteurs de la liberté d’expression que sont Brahim ould Jiddou et ses codétenus.

« Nous demandons, aux partenaires stratégiques de la Mauritanie, d’agir à temps, pour prévenir la violence intercommunautaire ou le basculement du pays aux mains des partisans du fanatisme religieux, du racisme primaire ou de l’intolérance.

La protection et la défense des noirs de Mauritanie constituent le rempart le plus solide à la bokoharamisation, déjà très avancée, de la société et de l’Etat »
, indique le communiqué.

« Nous exigeons, des autorités mauritaniennes, d’assumer leur devoir de sévir contre les orateurs de l’ordure qui exposent les mosquées à la sédition, par leurs discours de haine et d’incitation à tuer les défenseurs des droits fondamentaux de la personne ».



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