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Le long périple des Soninko : De la Vallée du Rift à Jérusalem, l'Egypte puis l'Afrique Occidentale (2)
Keoule - Barago ou la Cité des forgerons. En ce temps la, donc, Barago était un village de forgerons fondé par Kourso, celui-là même qui accompagnait Dinga depuis Yamit jusqu'en Afrique Occidentale.
Dans ce village se côtoyaient 144 noms de familles, tous plus illustres les uns que les autres, tous plus courageux les uns que les autres, et qui vivaient en parfaite harmonie. Selon la tradition orale rapportée par Abdoulaye Oiga, Kourso Bommou était le fondateur et le premier habitant de Baraago.
Il y fut rejoint par d'autres familles en provenance de Aswan dont les premières furent les Diankhoumba, Berette, Gako, et Macina. Et puis ce furent les Koumare, Marenna. Waiga, Gambiga, Tamega, Karega et Cissakho. A son apogée, on comptait plus de 144 noms familles qu'on appelait la communauté Bounnata.
Le village comptait sept quartiers principaux qui étaient:
- JINSENNU qui comptait 44 familles dont celle de Banbure Toure le chef de village
- FAMBIIRU qui comptait douze familles
- TANGNERUNKIDU avec douze familles
- TOMOORO avec vingt familles
- SEROONE vingt familles
- BANNA MAXO Dix huit familles
- KABBA MAXO avec dix huit familles
Pour habiter ce village, un certain nombre de critères sont nécessaires:
1) Etre reconnu par le Tagadimma qui en principe connait tous les patronymes des Tago.
2) Détenir les secrets du feu
3) Maitrise des techniques de base de la forge
4) Prestation de serment de respecter les lois et règlements de la cite
5) Participer a tous les travaux d'intérêt commun etc.
Les relations du Tounka avec Baraago étaient d'un genre spécial en ce sens qu'il y avait des closes que chaque partie est tenue de respecter parmi lesquelles le village s'engageait a fournir un certains nombre de prestations aussi bien a l'approche des saisons de culture que durant les cérémonies de mariages, de décès, de circoncision que tous les autres aspects de la vie du royaume et en contre partie, les sujets et l'empereur sont charges de la sécurité du village en dépit du fait qu'il était essentiellement habite par des gens très braves, de véritables combattants non tenus de combattre dont le courage n'était pas a démontrer, du ravitaillement en certaines denrées surtout après les récoltes etc.
Ainsi vivait ce village en harmonie avec l'empire, fabricant les outils, garant des valeurs spirituelles, assurant la santé, la procréation, et tous les rites religieux et traditionnels, ave un œil sur les progrès d'islamisation en cours. C'est justement au cours, semble-t-il , d'une discussion en relation avec la religion qu'il y eut observation qui va déclencher une réaction en chaine des événements.
Banu Maxa Ladji, le griot Tagadimma répondit en ces termes au Tounka:
"Fon taa siro maa Tage. Fon taa bono maa Tage. Tagaaxun gan bono dunaa bure naa ri." Ce qui veut dire en traduction simple:
Rien ne se fait ou se défait sans l'intervention du forgeron. Le monde vivra mal quand disparaitra la forge.
Le Tonka, furieux, reprit:
"Ici, tout se fait et se défait par moi et personne d'autre ne peut agir ou faire quoi que ce soit sans mon consentement et je vais le prouver...."
Banu Maxa se leva et alla rapporter les propos à Bambure Toure le chef de village de Baraago, qui, aussitôt convoqua une assemblée des chefs pour décider de la suite a donner a l'affront, car pour lui, c'était un affront que de contredire les véridiques propos de son griot.
L'assemblée, à l'unanimité, décida de montrer au Tonka que c'est Banu Maxa qui avait raison et imposa un embargo. Le village disposait de ses propres champs, pouvait cultiver, chasser, pécher, cueillir, récolter et même subvenir a sa propre sécurité en renforçant son armée. il décida alors de prendre son indépendance vis a vis de l'empire, de ne plus avoir a lui fournir ni matériel, ni armement.
Vint alors l'hivernage et les premières pluies tombèrent. Point d'outils pour labourer les champs, on demanda au Tounka la conduite a tenir,
" Faites courir vos chevaux dans les champs et semer dans les sillons que creuseront leurs sabots. Répondit le roi."
On s'exécuta. Le mil poussa alors en même temps que l'herbe et on retourna demander au roi ce qu'il faut faire. Point de solution. Point de récolte en fin de saison. La famine commença a s'installer. Des années passèrent, toujours pareil. L'empire avait faim, les pillages s'accentuèrent, les défenses s'affaiblissaient. Comme on dit, quand le bateau chavire, les rats le quittent. Certains états commencèrent a se détacher et a s'allier aux nouveaux conquérants venus du Nord, ventre vide n'a point d'oreilles, surtout que l'infiltration almoravide avait commencé à islamiser et corrompre certains chefs de clans. Mais Baraago tenait.
Le roi consulta ses devins qui lui dirent que la seule issue possible était de faire "éclater" le village par des moyens occultes mis sur un bœuf noir et 144 mouds de poudre d'or que le roi envoya à Bambure Toure avec toutes les excuses. C'est au moment du partage que se déclencha la bagarre entre les familles Tagadu, a cause de la femme de Bambure Toure.
Chacun se mit a taper sur l'autre sans distinction. Le roi envoya alors une délégation pour ramener le calme et chaque membre de la délégation se saisit d'une famille pour la calmer et l'amener chez lui. C'est la que naquit le cousinage qu'on appelle les "Xanto" ou "Khanto". Baraago éclata emportant l'empire avec lui. Voila ce qu'en a dit la tradition orale transmise de père en fils par les Tagadimmanu et rapporté par Abdoulaye Oiga.
Dans les duels entre Khabila Khagnara et Bambure Toure, Son oncle et chef de village avant l'éclatement de Baraago, on note certains lieux de combats qui peuvent peut être nous dire quelque chose quand on met bout a bout les fragments de l'histoire. Il s'agit de:
- Jaani Fanxanne qui doit se trouver au bord d'un cours d'eau, certainement un fleuve ou en tous cas un grand marigot. Etait ce le Fleuve Sénégal ou le Karakoro qui, comme son nom l'indique en Soninke veut dire la grande rivière, ou simplement ced que nous appelons aujourd'hui une Batha en arabe?
- Fanbiiru qui veut dire une foret de jujubiers qui peut être soit un lieu d'initiation ou simplement un couvert végétal et qui était justement le nom soninke de Oualata.
- Xirindi gide qui veut dire la colline sur laquelle montait le crieur chargé d'appeler les gens ou les avertir.
- Sefendi gide ou la colline sur laquelle se tenaient certainement les assemblées et qui doit probablement être du calcaire. Gide voulant dire en Soninké Caillou ou montagne ou colline.
Compte tenu de l'emplacement de ce village par rapport a la Capitale qui était Kumbi Saleh, de et de l'environnement décrit on peut estimer qu'il pourrait se situait dans ce qui était le Guidimakha d'alors, peut être dans l'Assaba actuel.
A suivre
Bakary Waiga. Extrait du "Long periple des Soninko"