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La forge, un métier menacé de disparaître au Brakna [PhotoReportage]
Alakhbar - La forge dont dépendent des familles entières est un métier en voie de disparition au Brakna dans le sud de la Mauritanie. Elle est frappée par l’exode vers la capitale Nouakchott, la perte de clientèle et elle subit la répercussion de l’assassinat des touristes français en 2007.
La Route de l’Espoir désenclave des villes intérieures. Elle facilite cependant le pompage de leurs populations vers Nouakchott. Les professionnels de la forge au Brakna n’ont pas fait exception.
À Aleg, capitale de cette wilaya, une équipe de Alakhbar retrouve mercredi 25 février Mohamed, un forgeron qui va bientôt souffler sa soixantième bougie. Il est entouré de trois autres de sa génération. Tous pratiquent la forge « depuis l’époque de Moktar Ould Daddah (premier président de la Mauritanie) », nous dit Mohamed.
Les trois vieux forgerons sont les seuls à rester dans cet atelier (photo) qui jadis remplissait de monde. «Une trentaine de personnes travaillait ici, se souvient Mohamed. Mais beaucoup sont partis s’installer à Nouakchott où certains ont changé de métier.»
« On ne voit presque plus de clients venus de la ville»
Ceux qui ont quitté l'atelier sont pour la pluart des jeunes qui devaient assurer la perpétuité de ce métier hérité de père en fils. Différents des aînés, ces jeunes ont été scolarisés et ils n'ont pas de charge sociale qui pourrait les retenir entre le marteau et l’enclume.
Mohamed lui n'a pas le profile. Il est pris par l’âge. Il n’a pas été scolarisé. Et il n’a pas assez de moyens de s’installer ailleurs avec sa famille. L’homme reste et fait face à la chute de sa clientèle. «On ne voit presque plus de clients venus de la ville. Et les campagnards proposent de faibles prix», lance-t-il sur un ton désespéré.
«En réalité, les citadins préfèrent désormais "l’artisanat de secteur" comme la soudure. Il produit les mêmes objets, mais plus solides», explique à Alakhbar Cheikh Moulay Mohamed, délégué régional du Commerce de l’Industrie et du Tourisme de Brakna.
« Les touristes proposaient des prix exorbitants »
Les forgerons du Brakna ont longtemps résisté à cette dure concurrence de l’artisanat de secteur grâce à la clientèle touristique. « Les touristes proposaient des prix exorbitants. Ils ont la monnaie étrangère et ils sont fascinés par les objets traditionnels», poursuit Cheikh Moulay Mohamed.
Cette situation a cependant changé depuis l’assassinat de quatre Français près d’Aleg en décembre 2007. «On recevait des touristes chaque semaine, se rappelle le générant de l’auberge Emel, située au cœur de la ville. Après l’assassinat des Français, on peut rester deux mois sans voir de touristes».
Jamal Bilal accuse cependant les médias d’avoir amplifié la situation d’insécurité. Pour lui, «Aleg a été toujours une ville sûre. Les tueurs des Français n'y ont été que de passage».
A l'entrée de l’atelier, Mohamed et compagnie refusent d’être photographiés. Ils finissent par céder après une longue négociation. «La presse nous envahit, revend nos images et nous laisse avec nos problèmes. L’Etat ne nous apporte aucun soutien », s’énerve Mohamed.
L’Etat mauritanien, par le biais de son Ministère de la Culture et de l’Artisanat, a lancé depuis 2014 un programme d'appui à la société civile et à la culture en collaboration avec l’Union Européenne, informe le directeur de l’Artisanat et des Métiers que Alakhbar retrouve jeudi 26 février dans son bureau à Nouakchott.
Brahim Ould Ndah ajoute que deux filières (poterie et bijouterie) ont été identifiées dans la première phase dudit programme pour équiper ses acteurs, les former et les financer plus tard.
Il précise cependant que le choix d’une filière « se fait après étude de sa capacité d'évolution suivant les besoins du marché et des consommateurs».
Il est alors difficile pour les forgerons du Brakna de bénéficier de ce programme de développement local, s'ils persistent dans cette pratique archaïque du métier: on continue à souffler sur le feu et à coincer le fer entre le marteau et l’enclume.