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L'adieu à Cheikh Dah
Mohamed Fall Oumère - Quand je l'ai rencontré pour la première fois au milieu des années 80, je le connaissais depuis bien longtemps… et comment le Nouakchottois que je suis peut ne pas connaitre Mohamed Said Ould Hommodi, père d'une famille-phare de la ville… comment le Bidhani que je prétends être peut ne pas connaitre l'un des fils de l'illustre Hommodi, le fils de Dehah… comment le Mauritanien que je suis peut ne pas connaitre ce journaliste puis diplomate qui a toujours choisi la modération comme camp et comme cause…
Je connaissais l'homme avant de l'avoir rencontré. C'est donc animé d'un préjugé favorable intense que je l'ai rencontré dans le cadre des rencontres organisées par la toute jeune Ligue mauritanienne des Droits de l'Homme (LMDH) animée par des intellectuels dont des avocats et des journalistes. Je faisais mes premiers pas à Chaab et Mauritanie-Demain.
C'était déjà une consécration que de prendre place et d'échanger avec des hommes de cette qualité.
La proximité sociale nous poussait naturellement à nous entendre, à nous accepter, moi apprenant et lui procurant avec disponibilité et humilité son savoir et son expérience.
Nonobstant nos excès de jeunesse, il nous accompagnait, Habib et moi, avec beaucoup de diligence et de bienveillance. Si bien que quand Le Calame est lancé, il n'hésite aucun instant à accepter de nous parrainer en nous permettant d'ajouter son nom à l'ours comme "conseiller de la rédaction". Il va même jusqu'à proposer une rubrique hebdomadaire: "La chronique de Cheikh Dah" qui enrichira le journal des mois durant.
Quand j'étais venu le démarcher pour le parrainage, je n'espérais pas tant. Mais Saïd savait être généreux parce qu'il a été moulu à cette valeur-là. C'est sans doute cette générosité qui a fini par relever du physiologique (pour ne pas dire du génétique) qui doit l'avoir poussé à partager les peines des autres et les combats qui ont secoué la Mauritanie de ces dernières décennies.
Il a été de toutes les batailles des droits non seulement parce qu'il croyait aux causes justes, mais parce qu'il tenait à apaiser les échanges et les débats. Sa présence raisonnait naturellement ceux qui s'excitaient sur la scène, mais aussi ceux qui les regardaient avec une pointe d'hostilité et un rejet épidermique. Et c'était toujours, la Mauritanie qui y trouvait son compte…
Mohamed Saïd, "le fils de Dehah" (tadh-hak maa bouk Dehah!?!!), est parti. L'esprit Cheikh Dah restera à jamais. Merci pour tout.
Ould Oumeir
Kobenni, le 22 août 2015