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Gadaga Wouladeymann, le quartier maure de dagana : Une intégration multiséculaire réussie
Le Soleil -Ils sont maures et originaires de la Mauritanie. Mais ils sont nés à Dagana et conservent encore leurs coutumes et tradition sur place.
Une forte communauté maure qui a fini par s’installer dans un quartier périphérique de la commune: « Gada wouladeymann» qui signifie en maure, le coin ou quartier de wouladeymann: le nom d’une tribu maure, celle des érudits. Aujourd’hui, cette forte communauté a fini de nouer de liens très forts dont celui du mariage avec les populations autochtones.
Leurs grands parents étaient venus de la Mauritanie et s’étaient installés dans le centre ville. Mais avec l’accroissement de leurs familles, l’urgence de se trouver un logis se faisaient sentir. Ils avaient alors trouvé cet endroit qui, aujourd’hui, commence à accueillir d’autres habitants. Mais qui reste tout de même majoritairement habité par les maures. En un jour de promenade, nous sommes allés à leur rencontre.
Et nous avons eu le bol de tomber sur une cérémonie de baptême. Nous avons alors été servis avec un bon plat de thiébouyapp fait avec le riz local brisé. Dans une ambiance décontractée, sous une tente, nous étions installés. Les discussions allaient bon train et elles étaient entrecoupées par des services de tasses de thé. Nous étions dans le milieu.
Installé ici depuis les années soixante, Abdoulaye Dhiakité, âgé de 65 ans et chauffeur de profession, à la retraite, estime que « notre cohabitation est bonne. Nous organisons même des mariages entre nous. Nous avons de très sincères relations et il n’y a aucun problème entre nous. Dagana est l’exception dans le Walo.» Marié lui aussi à une native de Dagana, sa deuxième épouse, il rappelle leur arrivée dans ce quartier, « nos parents sont originaires de Dagana. Mais nos ancêtres qui venaient de la Mauritanie étaient hébergés dans le centre ville. On a dû sortir de là avec l’élargissement de nos familles et nous nous sommes installés dans les extrémités avec l’extension de la ville.»
A côté, les femmes étaient, elles, installées sous une autre tente. Une de leur spécialité en termes d’occupation. « Les femmes font des tentes destinées aux locations lors des cérémonies de mariage, de baptême…Elles font aussi du commerce de poissons, de légumes. Elles cultivent le riz grâce à des financements et revendent les récoltes », explique Abdoul Fall, pêcheur âgé de 64 ans.
Revenant sur leurs activités culturelles, il a aussi soutenu qu’elles pratiquent un jeu appelé « tabala » et qui consiste à tambouriner à l’aide d’un bout de bois solide sur une sorte de planchette et qui donne une sonorité prodigieuse, accompagnée de hourras percutants. « Mais une femme est désignée, dans chaque quartier, pour le jeu. Ce n’est pas donné à toute femme. Notre communauté organise des manifestations culturelles maures annuellement ici et qui sont des occasions de grandes retrouvailles entre nous et les populations qui viennent de la Mauritanie.
C’est d’ailleurs aussi le moment où nous célébrons les mariages pour permettre aux parents établis en Mauritanie d’y prendre part», renchérit le vieux Abdoul Fall. Les femmes font aussi d’autres activités, celles de confectionner des « taîshati » ou colliers en couleur rouge, dotés d’un doux arôme et destiné soit au cou soit aux perles. Pour le mariage, il est demandé une dot de dix mille F Cfa pour une jeune fille qui ne l’a jamais été et cinq mille pour une fille qui se remarie.
« Les frais totaux ne dépassent pas 20.000 FCfa, y compris les cinq mille à donner au papa de la mariée et les frais à la Mosquée», rétorque leur compagnon Momar Ndom, âgé de 63 ans. Chez cette communauté, à l’occasion de la célébration d’un mariage, un crieur est chargé d’annoncer la nouvelle à travers sept hurlements. Pour le divorce, juste trois suffisent. Décidément, le respect de la coutume des ancêtres est de mise ici.
Pionnier de la calèche à Dagana
Il est né vers les années 1939. Son nom est Mohamed Dieng. Il est maure et habite le quartier Wouladeymann. Son métier, celui de cocher, lui a valu ce surnom: Ahmed charrette. Un métier qu’il débute vers 1962. Mohamed Dieng vit dans ce quartier depuis plus de cinquante ans et il reste inconnu de par son propre nom. Pour le retrouver, il faut vraiment l’appeler Ahmed charrette. Sinon, c’est peine perdue.
Nous l’avons trouvé à l’ombre d’un grand arbre, dans un petit somme du haut de la calèche, en présence d’un petit groupe d’hommes de son âge. On nous l’avait indiqué quand on est arrivé dans le quartier pour notre reportage. Il semblait être le mieux indiqué pour nous orienter. L’homme doit tout à la charrette, disons au métier de cocher. Nous l’approchons avec un «salamakoum» très poli. Très disponible, après un « marhaban » comme pour nous souhaiter la bienvenue, il nous a vite invités à le rejoindre sur sa calèche. Notre réaction ne tarda pas. Au début, « il n’y avait que trois chevaux dans tout Dagana. Et ce quartier regroupe aujourd’hui énormément de cochers » explique-t-il avec une voix nostalgique.
Surement, à cause des années glorieuses aujourd’hui dépassées, ou du moins, plus fructueuses que celles de nos jours. « J’ai construit une maison, fondée une famille et payé un véhicule grâce à ce métier», informe-t-il. Il a même été à la Mecque en 2008. « Nous vivons en harmonie avec les Daganois. Nous scellons des mariages avec eux. Mes deux filles ont été épousées chacune par un wolof de la localité. En famille, on parle toutes les langues (maure, peul, wolof)», renchérit-il. Marié à deux femmes maures et père de six enfants dont 3 filles, trois garçons, Ahmed charrette regrette tout de même que « les jeunes filles maures ne savent plus chanter en maure».
Revenant sur ses goûts alimentaires, le vieux Ahmed a juste pensé au « laî-ch », un plat maure très convoité par la communauté et qui est fait à base de pâte de mil mélangée à du lait. Tout comme les autres, il aime aussi le couscous à la sauce de viande sans huile que nous entendions appeler, par nos parents, «la sauce maure»!
Par Amadou DIOP